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Le puzzle des plaques tectoniques enfin résolu

Le puzzle des plaques tectoniques enfin résolu

11.08.2016, par
Tectonique des plaques
Deux phénomènes distincts expliqueraient la formation des grandes plaques et des petites plaques : les grands mouvements de convection dans le manteau, et la fragmentation de la lithosphère due aux fortes tensions qu’elle subit lorsqu'elle "plonge" au niveau des zones de subduction.
Pourquoi la surface terrestre est-elle découpée en seulement quelques grandes plaques tectoniques, et plusieurs dizaines de petites ? Une équipe comprenant deux géologues du CNRS a pu répondre à cette question grâce à un modèle de simulation 3D de la Terre.

La surface de la Terre, la lithosphère, est un véritable puzzle géant formé de 53 plaques tectoniques. Leur agencement, très particulier, intrigue depuis longtemps les géologues : en effet, il existe seulement sept grandes plaques (plaques américaine, pacifique, eurasiatique, africaine, australienne et antarctique), qui couvrent 95 % de la surface terrestre, et 46 plus petites (Caraïbes, Philippines,…). Comment se sont-elles formées ? « Comprendre pourquoi il y a juste quelques grandes plaques contre plusieurs petites est crucial pour améliorer notre compréhension de leurs mouvements présent et passé, mais aussi pour mieux appréhender le fonctionnement global de la Terre et son histoire, explique Claire Mallard, doctorante au Laboratoire de Géologie de Lyon / Terre, planètes et environnement1 et co-auteur d’un article paru en Une de Nature au mois de juillet2. Les limites des plaques tectoniques sont des zones à forte activité sismique et volcanique qu’il est important d’étudier avec attention. »

Tectonique des plaques
Il existe seulement 7 grandes plaques tectoniques, qui couvrent 95 % de la surface terrestre, et 46 plus petites. Le pourquoi de cet agencement si particulier restait un mystère pour les géologues.
Tectonique des plaques
Il existe seulement 7 grandes plaques tectoniques, qui couvrent 95 % de la surface terrestre, et 46 plus petites. Le pourquoi de cet agencement si particulier restait un mystère pour les géologues.

Pour comprendre le découpage particulier de la surface terrestre, les chercheurs n'avaient jusqu’ici d'autre solution que d’analyser des données recueillies sur Terre (données satellites, étude de roches, études sismiques…). Problème : ces « données terrestres » ne permettent pas de remonter assez loin dans le passé de notre planète. En effet, les plaques tectoniques sont en perpétuel mouvement. Créées au niveau des dorsales océaniques, où la matière issue du manteau se solidifie, les plaques océaniques s’enfoncent dans le manteau sous-jacent au niveau des zones dites de subduction – là où elles « coulent » sous les plaques tectoniques voisines moins denses.

Résultat : on trouve très peu de lithosphère océanique datant de plus de 180 millions d'années, alors que la Terre a 4,5 milliards d'années ! Il est donc difficile de déterminer les mouvements des plaques qui ont eu lieu avant 200 millions d’années. Quant aux plaques continentales, si l'on y trouve bien ici ou là des roches vieilles de plus de 3 milliards d'années, elles sont trop éparses pour en tirer des conclusions, d'autant que les mouvements de compression liés aux collisions entre plaques (à l'origine de la création des chaînes de montagne, notamment) rendent particulièrement difficiles les analyses.

La stratégie des planètes virtuelles

Claire Mallard, Nicolas Coltice du LGL et leurs collègues3 ont donc opté pour une nouvelle stratégie, plus high-tech, qui leur a permis d’étudier virtuellement les mouvements des plaques lors des dernières 600 millions d’années, soit une période trois fois plus longue que celle accessible via les données terrestres. Pour ce faire, les chercheurs ont effectué des simulations sur des super-ordinateurs afin de créer des modèles numériques en 3D de planètes fictives ayant des dynamiques et des propriétés proches de la Terre. Ils leur ont appliqué différents scénarios et regardé comment leur surface se fragmentait.

« Ces planètes virtuelles sont des simulations numériques obtenues grâce à un code informatique qui permet de simuler les mouvements de matière, dits de « convection», qui ont lieu juste au-dessous de la croûte terrestre, et de voir leur évolution et leurs effets sur la surface », précise Claire Mallard. En faisant varier la limite d’élasticité de la croûte terrestre, au-delà de laquelle celle-ci se fracture, l’équipe a obtenu quatre planètes virtuelles. Dont deux présentaient des découpages en grandes et petites plaques proches de celui qu’on observe aujourd’hui.

Tectonique des plaques
En faisant varier la limite d’élasticité de la croûte terrestre, au-delà de laquelle elle se fracture, les chercheurs ont obtenu quatre planètes virtuelles, dont deux (ici à gauche) présentaient des découpages proches de celui qu’on observe aujourd’hui.
Tectonique des plaques
En faisant varier la limite d’élasticité de la croûte terrestre, au-delà de laquelle elle se fracture, les chercheurs ont obtenu quatre planètes virtuelles, dont deux (ici à gauche) présentaient des découpages proches de celui qu’on observe aujourd’hui.
 

L’analyse de ces modèles a permis d’identifier les mécanismes à l’origine de l’agencement actuel des plaques. « Nos données ont mis au jour deux phénomènes indépendants, qui permettent d'expliquer la formation des grandes et des petites plaques : les grandes plaques sont corrélées aux grands mouvements de convection dans le manteau ;  les petites plaques découlent, quant à elles, d’une fragmentation de la lithosphère due aux fortes tensions qu’elle subit lorsqu’elle plonge dans le manteau au niveau des zones de subduction », détaille la chercheuse.
 

Les données antérieures sous-estimaient le nombre passé de petites plaques et donc le nombre de zones de subduction associées.

Second résultat important : alors que, jusqu’ici, les reconstructions des mouvements des plaques prédisaient qu’il y avait eu moins de petites plaques dans le passé, les nouvelles données indiquent que la proportion entre grandes et petites plaques est en fait restée constante – au moins lors des 600 derniers millions d’années. « Ce qui veut dire que les données antérieures sous-estimaient le nombre passé de petites plaques, et donc le nombre de zones de subduction associées... », souligne Claire Mallard.

Ces travaux ont plusieurs conséquences importantes… Notamment, le fait d’avoir sous-évalué le nombre de plaques aujourd’hui disparues, a aussi amené à sous-estimer le kilométrage des zones de subduction dans le passé. Or ces zones ont un impact important sur le climat : elles sont le siège d’un volcanisme important, et donc de fortes émissions de dioxyde de carbone (CO2) aux effets délétères. D’où la nécessite de corriger cette sous-estimation et de prendre en compte ces nouvelles données dans l’étude du cycle du carbone sur Terre.

Notes
  • 1. CNRS / ENS Lyon / Université Claude Bernard
  • 2. Subduction controls the distribution and fragmentation of Earth’s tectonic plates; Claire Mallard et col.; Nature, juin 2016
  • 3. Maria Seton et Dietmar Müller (Université de Sydney, Australie), et Paul Tackley (Swiss federal unstitute of technology, Zurich, Suisse)
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Auteur

Kheira Bettayeb

Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.

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