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Découvrez ici les recherches et le récit des expéditions du géographe François-Michel Le Tourneau, spécialiste de la Guyane et explorateur de la forêt amazonienne. A suivre également sur le compte Twitter @7bornes.
 

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François-Michel Le Tourneau
Géographe aventurier, membre de l'International Research Laboratory (IRL) iGLOBES

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Bivouac à la Borne 1
11.06.2015
Mis à jour le 12.06.2015
Le géographe François-Michel Le Tourneau et son équipe du raid des 7 Bornes sont arrivés à la Borne 1, à la frontière entre Guyane et Brésil. Au menu de ces derniers jours : un rapatriement sanitaire, des vestiges amérindiens et pas mal de pieds endoloris.

Nous voici à la borne 1, après un peu plus d'une semaine de forêt. Temps pour un premier bilan et pour commencer à envisager la suite...
 
La partie fluviale du parcours s'est déroulée au mieux et nous avons pu commencer à marcher au plus vite. Nous avons ensuite éprouvé pas mal de difficultés pour arriver à la Trijonction. Cela étant, nous étions dans les temps, à 2 ou 3 heures près. La suite du chemin s'est avérée plus ardue. Le premier jour, des imprécisions de la cartographie nous ont amenés à affronter des pentes raides au lieu des cols que nous avions envisagés.
 
Le second jour, nous avons très bien marché, en suivant la succession de crêtes et de cols qui marquent la frontière, jusqu'à déboucher vers 16 h sur un grand plateau granitique, couvert de végétation rase dominée par une espèce d'ananas sauvages. De tous côtés la vue était grandiose, avec un panorama sur les inselbergs de la région nous entourant.
 
Après une pause photo, nous traversons ce plateau sur sa grande longueur, sur plus de 1 kilomètre, pour nous apercevoir qu'il se termine sur un à-pic de 50 mètres au moins. Impossible donc de rejoindre la crique qui était notre objectif sur la journée. Nous explorons alors les côtés, et même verdict. A moins de revenir en arrière, impossible de passer. Il était tard et nous avons donc avisé un petit boqueteau, avec une source à proximité, pour bivouaquer.
 
Le matin, nous avons trouvé un passage pour descendre du plateau, en bordure d'une cascade et au prix de nombreux passages en escalade (qui auraient été plaisants sans 30 kg sur le dos). Au pied de la cascade, une grotte, à l'intérieur de laquelle nous trouvons quelques tessons de poterie amérindiens. Sans doute un site utilisé lors de parties de chasse. Ou bien un site de vie ? Seules des recherches plus poussées pourront le dire.
 
Nous longeons alors le plateau sur son pied, mais il est entaillé de profondes vallées en V que nous devons passer les unes après les autres. Pentes raides, rendues glissantes par la pluie abondante tombée pendant toute la nuit. A 11 h 30 nous n'avions pas encore dépassé la crique qui était notre objectif de la veille ! Heureusement, par la suite, nous montons assez facilement sur un col auprès du mont Mitaraka nord et bivouaquons un peu en dessous. Pas le temps de monter au pic, malheureusement.
 
Nous prenons notre revanche le lendemain. La route est bonne jusqu'au Mitaraka sud, que nous grimpons. Il n'offre pas de grande vue sur les alentours, mais la forêt basse qui domine tout son sommet est très intéressante. William notre botaniste en revient avec de nombreux échantillons. Peu avant d'y monter, nous avons trouvé une grande grotte au sein d'une série de rochers granitiques, qui contient aussi des vestiges de présence amérindienne.
 
Nous décidons alors de couper un peu la frontière et de nous diriger directement sur la borne 1, car nous risquons sans cela de prendre du retard. Nous nous rendons alors au camp intermédiaire de l'expédition Mitaraka qui a eu lieu en février-mars 2015. Malheureusement, en arrivant, le légionnaire José fait une mauvaise chute et il se luxe gravement l'épaule. Celle-ci étant impossible à remettre en place, on opte pour une évacuation sanitaire en fin d'après-midi. Une clairière est alors ouverte pour un hélitreuillage (en un temps record, efficacité légionnaire...) et on attend l'hélicoptère.

Mais la malchance est avec nous. 18h15 : premiers coups de tonnerre... 18h30 : un violent orage avec des trombes d'eau s'abat sur nous, l'hélicoptère passe au-dessus de nous mais ne peut nous voir, et devant des conditions aussi dangereuses il doit faire demi-tour. L'évacuation ne pourra avoir lieu que le lendemain, dans des conditions heureusement meilleures.
 
Nous avançons alors rapidement en direction du camp de base de l'expédition Mitaraka, puis de celui-ci vers la borne 1, que nous avons atteint hier, 10 juin, avec un jour de retard sur notre tableau de marche. La journée d'aujourd'hui sera une journée de repos bien mérité avant de repartir vers la borne 2.
 
Le bilan de la semaine est à la fois bon et un peu en-deçà de nos espérances. Sur le plan scientifique, nous avons enregistré deux sites de présence amérindienne ancienne, ce qui semble prouver que la région a été occupée de manière assez dense - il faudra confirmer si ces sites étaient totalement inconnus ou pas. Les collectes botaniques sont abondantes et les observations sur la variation de la végétation le long de la ligne frontière sont intéressantes. Sur le plan cartographique, nous avons vérifié un certain nombre de points et trouvé des erreurs à rectifier, en plus d'avoir mené des observations GPS sur les deux bornes déjà rencontrées.
 
La déception se trouve dans le fait de n'avoir pas pu suivre la frontière de manière aussi exacte que nous le souhaitions. Nous avons cependant pas mal avancé, avec 55 kilomètres de cheminement effectif et, surtout, déjà 3300 mètres de dénivelé à notre actif. Au vu de notre charge et de l'objectif de passer par les 7 bornes, il nous faut donc parfois composer un peu et nous adapter au terrain. Il faut aussi faire avec les bobos qui se multiplient, les pieds qui souffrent des chaussures mouillées en permanence - ceux de William sont pratiquement à vif ! -, la fatigue qui s'installe...
 
Espérons que le relief nous sera plus favorable pour la prochaine étape et que nous pourrons dérouler rapidement jusqu'à la borne 2.

Commentaires

3 commentaires

Il y a dix ans, j’ai déjà fait avec des Wayana du Haut Maroni le parcours Aletani, Kule-Kule, Mitaraka, Mont Tchoukouchipann, et le T1 (Mont Tukusipan) que nous avons grimpé pour atteindre son sommet, et nous avions un bivouac au pied du T1, c’est-à-dire, tout près le bivouac 8 du « raid des sept bornes ». Une région magnifique! Et pas du tout un forêt vierge, comme souvent imaginé. Nos découvertes archéologiques et historiques faites dans ce secteur pendent notre expédition de 2004 sont déjà publié dans "Au Cœur des Tumuc-Humac" (Eric Pellet et Daniel Saint-Jean, 2006) et dans ma thèse de doctorat (Renzo Duin, 2009), entre autres. Bon courage à la suite de votre raid !
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