Le plus populaire des desserts mésopotamiens
A la une
En cette période de l’Avent où certains préparent des gâteaux de Noël, tels les bredele en Alsace, le Christstollen en Allemagne ou encore le Panetonne en Italie, certains essayeront peut-être de confectionner des gâteaux mersum, une pâtisserie cuisinée dans le palais de Mari, sur le Moyen-Euphrate (Syrie), il y a 3 800 ans. Mais que savons-nous exactement sur ce met ?
Cette pâtisserie est déjà attestée à la fin du troisième millénaire sous le mot sumérien ninda-ì-dé-a. Ce terme suggère qu’elle se présente sous la forme d’une sorte de cake (ninda signifiant pain) qui contient une matière grasse (ì) et que les ingrédients y sont mélangés (dé-a). L’équivalent akkadien mersum est dérivé du verbe marâsum qui signifie de même « mélanger, touiller ».
Il n’existe pas de recette à proprement parler pour ce dessert. De cette époque, seulement trois tablettes de recettes [3] ont été découvertes : il s’agit de la préparation de bouillons ou d’une tourte aux petits oiseaux. Néanmoins, de nombreux billets découverts dans le palais de Mari [4], enregistrent les denrées sorties au quotidien des magasins pour préparer le repas du roi et de sa suite, et ces textes incluent parfois des ingrédients destinés aux pâtisseries mersum. Ce sont plusieurs centaines de tels billets, rédigés par deux ou trois femmes scribes, qui ont été mis au jour par la mission archéologique française de Mari.
Repas du roi de Mari, liste de contenants destinés aux cuisines, dont certains pour préparer des mersum. © Archibab.
Les différents aliments entrant dans la composition du mersum ont ainsi pu être identifiés. Un billet daté du 14e jour du onzième mois de l’an 1771 précise la quantité de dattes et de pistaches utilisées ce jour-là pour élaborer les gâteaux mersum destinés à la table de Zimri-Lim [5], roi de Mari. D’autres bordereaux, également datés de son règne, complètent notre liste d’ingrédients : il faut de la farine et de l’huile pour préparer une pâte grasse. Ailleurs, l’huile est remplacée par de l’eau, du lait, voire de la bière. Il faut donc imaginer que le gâteau se présente sous la forme d’une pâte fourrée de dattes et pistaches. En d’autres lieux, on utilise à la place des dattes, des pommes, raisins secs ou figues.
Les billets de Mari font aussi état de livraison de miel pour sucrer le mersum. Enfin, cette pâtisserie peut être parfumée à l’aide de condiments aromatiques tels le cumin, la coriandre, des graines de nigelle et même, curieusement pour nos goûts d’aujourd’hui, de l’ail ! À Larsa [6], dans le sud de l’Irak, on peut également parfumer le mersum avec de l’huile de cèdre.
Le mersum est confectionné par des femmes, « celles qui font les mersum », ou encore un pâtissier spécialisé. Il est présenté à la table du roi lors d’occasions particulières comme la réception d’une ambassade étrangère ou un rituel religieux. Il est également offert aux divinités.
Moules de cuisine, Mari (Syrie), Palais de Zimri-Lim, 18e siècle. © Musée du Louvre.
Ce cake gras fourré de fruits secs a acquis une certaine notoriété dès l’antiquité et il n’est pas impossible qu’il ait inspiré le dicton sumérien : « Il n’y a pas de gâteau cuit au milieu de la pâte ». Mais le sens de ce proverbe nous échappe.
Comme le mersum représente l’une des rares pâtisseries mésopotamiennes dont il a été possible de reconstituer la liste complète des ingrédients, même si nous n’en connaissons ni les quantités, le mode de cuisson ou la forme, il connaît malgré tout une grande popularité aujourd’hui sur internet. Parmi les différentes interprétations proposées, le site Tasting history [7] reste sans doute l’un des mieux documentés (lien pour la recette [8]), et on peut également tester les recettes proposées par la Biblical archaeology Society [9]. En vous souhaitant de belles fêtes de fin d’année.
