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En juin 2024, des archéologues travaillant dans la région de Séville ont découvert, dans une tombe romaine du 1er siècle ap. J.-C., une urne en verre contenant un vin blanc ayant tourné au brun-rouge. C’est sans doute le plus vieux vin conservé, mais l’analyse de dépôts d’acide tartrique dans des jarres découvertes en Géorgie datées de 6000 av. J.-C. montre que la vinification est connue de l’homme depuis bien plus longtemps. Les tablettes cunéiformes révèlent que les habitants de Mésopotamie, s’ils consomment surtout de la bière, importent du vin depuis l’ouest où le breuvage est produit.
Le vin, contrairement à la bière fabriquée localement, vient des régions montagneuses, et comme tout produit importé, il est destiné aux élites. Dans l’iconographie du IIIe millénaire, le roi banquète avec ses invités, une coupe à la main, sans doute remplie de vin. Urukagina, roi de Lagash (2340 av. J.-C.) apprécie ce nectar puisqu’il se fait construire une réserve à bière pour y ranger des « jarres de vin de la montagne », c’est-à-dire venant de l’étranger. Cette opposition géographique entre bière et vin existe aussi dans la littérature. Lorsque Gilgamesh arrive aux confins du monde connu, il se désaltère chez la cabaretière en buvant de la bière dans la version babylonienne ; c’est du vin qu’il déguste dans la version hittite découverte en Anatolie à Boğazkale, l’ancienne Hattusha. Là, d’importants dépôts de pépins de raisin ont été découverts. De même, dans les banquets divins mésopotamiens, les dieux boivent de la bière, parfois plus que de raison, alors qu’à Ougarit, sur la côte méditerranéenne, le dieu El festoie avec du vin.
Récipients pour le vin, Kültepe/Kanesh, 18e siècle av. J.-C.
Dès la seconde moitié du IVe millénaire, la ville d’Uruk, dans le sud de l’Irak, importe du vin depuis Alep (Syrie). La vigne est cultivée en Mésopotamie du Nord, le long des canaux d’irrigation et dans les jardins dès le troisième millénaire, mais les procédés de vinification ne semblent pas y avoir été développés. Le commerce du vin est particulièrement bien attesté par les archives royales de Mari (Syrie), au 18e siècle av. J.-C. ; c’est un produit cher. Le vin y est acheminé par centaines de jarres chargées sur des bateaux qui descendent l’Euphrate depuis Karkemish. Des agents du roi de Mari y choisissent et achètent le vin, pas toujours avec succès. Le chef de musique du palais se plaint auprès de l’un d’eux ainsi : « Ce vin-là pue ! Il est impropre à la consommation. L’ensemble de ce que tu as envoyé fait problème ! »
Stocké dans le cellier royal, le vin est servi lors des fêtes à la table du roi, mais aussi offert par celui-ci en cadeau diplomatique à ses alliés. Le roi en distribue parfois à ses hauts fonctionnaires et aux serviteurs qu’il décide d’honorer. Le vin est transvasé, filtré et sélectionné. Du miel, produit dans les mêmes régions que le vin, accompagne souvent ce dernier lors de son transport. Ajouté au vin à son arrivée à destination, le miel permet de l’adoucir en le sucrant, ce qui a pour effet de faire repartir la fermentation et d’augmenter son degré d’alcool. Il existe diverses qualités de vin, jeune ou vieux, de qualité ordinaire ou excellente, doux ou amer, et certains crus sont réputés, dont le vin de Sâmum, originaire du Taurus.
Les marchands assyriens établis à Kültepe, l’ancienne Kanesh, en Anatolie centrale consomment assez peu de vin, pourtant produit localement. L’administration locale anatolienne compte en son sein un « chef du vin » et un mois d’automne est dénommé d’après la cueillette du raisin. Sans doute les marchands préfèrent-ils la bière, à laquelle ils sont plus accoutumés.
La reine boit une coupe de vin, Banquet sous la treille d'Assurbanipal à Ninive (7e siècle av. J.-C.).
Au Ier millénaire, lors des banquets royaux, le vin coule généreusement dans des coupes d’or décorées. Selon la stèle du banquet d’Assurnazirpal II (883-859), le roi a offert 10 000 outres de vin à ses invités au moment de l’inauguration de sa nouvelle capitale Kalhu. Un siècle plus tard, le vin est distribué aux fonctionnaires et serviteurs du roi, en fonction de leur importance hiérarchique.
La multiplication des analyses de résidus restant à l’intérieur des parois de certaines céramiques exhumées sur les sites des Proche- et Moyen-Orient devrait permettre d’en apprendre davantage sur la consommation du vin, en particulier dans les régions où il était peu produit.
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du journal CNRS