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Dans les pas de Little Foot

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À la lumière des lampes frontales, la grotte de Sterkfontain révèle ses imposants volumes. Situé à quelques kilomètres de Johannesburg en Afrique du Sud, ce site est l’un des terrains de recherche du géomorphologue Laurent Bruxelles qui arpente ces galeries depuis plus de dix ans. Cette cathédrale minérale a été creusée il y a cinq millions d’années. L’exploitation du site par l’industrie minière au début du 20me siècle a permis de mettre au jour un véritable trésor, des restes d’australopithèques. Au fond de cette grotte, une équipe de paléoanthropologues va faire une découverte exceptionnelle : un squelette presque complet qu’ils baptisent Little Foot.

                        

Laurent Bruxelles - Géomorphologue

                        

Il était là, on avait ici le crane qui regardait vers le bas, on avait l’humérus qui était dessus. Le bras qui était tendu avec la main fermée et le pouce à l’intérieur, c’était la main gauche. Ici il y a eu un petit effondrement donc les côtes, les vertèbres et le bassin étaient un peu mélangés et là en haut se situaient les fémurs et les parties des tibias qui étaient cassés et c’est exactement ici que l’équipe de Ron Clarke a trouvé la cassure du tibia et a pu le localiser. Donc il faut imaginer que lorsque les techniciens de Ron Clarke localisent le fossile dans la grotte, à l’époque évidement tout ça n’est pas creusé, on avant ici une paroi et là toute la mine avait été dynamitée. Donc ça s’est arrêté très près de Little Foot mais heureusement ça s’est stoppé au niveau de ses pieds.

                        

Comment ce corps s’est-il retrouvé piégé dans cette grotte ? Les chercheurs supposent que Little Foot aurait fait une chute de plus de 30 mètres depuis la surface en tombant dans l’un de ces trous et que l’atmosphère et la géologie de la grotte aurait préservé son squelette.

À la surface, le paysage ressemble encore aujourd’hui beaucoup à celui qu’a connu Little Foot et ses semblables. Sur les 47 000 hectares du site sont concentrés un tiers des fossiles d’hominines anciens qui ont été découverts dans l’ensemble du continent africain. Une concentration exceptionnelle qui a valu à Sterkfontain d’être baptisé « Berceau de l’Humanité » par l’UNESCO en 1999. Ces fossiles couvrent une période comprise entre -1 et -4 millions d’années, période durant laquelle apparaît sur terre le genre Homo, nos premiers ancêtres directs.

                        

Laurent Bruxelles - Géomorphologue

                        

Si on commence à réfléchir un peu aux origines de l’humanité et aux notions de berceau de l’humanité, jusqu’à présent c’était l’Afrique de l’Est qui tenait la corde avec des fossiles très anciens jusqu’à l’apparition du genre Homo. Jusqu’à présent l’Afrique du Sud était considérée comme beaucoup trop jeune, le plus ancien des fossiles étant donné pour 2,2 millions d’année qui était Little Foot sauf que quand on a repris la stratigraphie, lorsqu’on a refait les datations, on montre que Little Foot a 3,7 millions d’année et du coup on commence à avoir une histoire qui est quasiment la même qu’en Afrique de l’Est. Donc ici aussi, et c’est ça qui est important dans cette date au-delà de Little Foot, c’est qu’elle montre qu’on a là un morceau du berceau de    

l’humanité et il n’y a pas de raison de penser qu’il n’y avait pas d’hominine partout autour sauf que la géologie et la géomorphologie n’ont pas permis de les piéger.

                        

Pour remonter dans l’histoire des hominines, ce groupe de grands singes auxquels nous appartenons, Laurent Bruxelles a collaboré avec Ron Clarke, le paléoanthropologue qui a découvert Little Foot. Dans un hangar situé sur le site de Sterkfontain, le professeur Clarke poursuit ses fouilles pour tenter de replacer Little Foot dans la grande frise temporelle de l’humanité. Grâce aux analyses géologiques et stratigraphiques de Laurent, il a pu préciser les datations de Little Foot autour de - 3,7 millions d’années. Mais pour en apprendre davantage sur cet australopithèque, il lui a fallu se pencher de près sur son squelette.

                        

Dans les sous-sols de l’Université Witz de Johannesburg, on entre dans cette salle comme dans un coffre-fort.Ici sont conservés les fossiles les plus précieux découverts en Afrique du Sud, parmi lesquels celui de Little Foot. C’est la découverte de ce fragment de pied perdu dans une collection ancienne qui a permis à Ron Clarke de retrouver la trace de ce squelette dans la grotte de Sterkfontain. En moins de deux jours et dans le noir total, son équipe parvient à retrouver le fragment d’os qui correspond à l’échantillon permettant la découverte du squelette entier.

            

Contrairement au squelette de Lucy qui ne présente que 40% des os, celui de Little Foot est complet à plus 95% et donne à voir un crâne, l’ensemble des membres ou encore une main gauche intacte.

                        

Ron Clarke - Paléoanthropologue

                        

Après avoir nettoyé le crâne, j’ai pu voir qu’il s’agissait d’un individu âgé, avec des dents très usées. Il faut savoir qu’un individu âgé, c’est probablement entre 30 et 40 ans si l’on les compare aux primates modernes. Il s’agissait d’un individu de petite taille… peut-être 1m30 - et puis j’ai pu déterminer qu’il s’agissait certainement d’une femelle.

 

L’autre chose intéressante, c’est que la morphologie du crâne montrait qu’il appartenait à une deuxième espèce d’australopithèque. Donc à Sterkfontain, on avait des fossils d’australopitecus africanus mais nous avions également des fossiles de cette seconde espèce Australopitecus Prometheus...

 

After I have clean the skull I was able to tell that it was an elderly individual with heavily worn teeth. Now elderly by those standards will probably be between 30 and 40 years old if we compare them to the modern apes. She was quite short maybe 1,30m and also I was able to determine that it was a most probably a female.

                        

The other point of interest is that the morphology of the skull shows that it belongs to a second species of australopitecus that was named by Raymond Dart in 1948. It was not the same from the australopitecus africanus that Dart had first named on the Tong Child found in 1924. So in Sterkfontain we did have fossils of australopitecus africanus but we also had fossils of this second spicies that Dart had named australopitecus prometheus.

                        

Au-delà des détails sur sa bipédie ou son régime alimentaire principalement végétarien, cet australopithèque ​prometheus livre peu à peu les secrets de ses capacités cognitives. C’est le travail de la chercheuse Amélie Beaudet qui utilise des technologies de pointes pour plonger dans le cerveau de Little Foot. L’Université Witz est équipée d’un scanner micro-tomographique qui a permis de révéler les plus infimes détails de son crâne. Ces images dévoilent l’os et le sédiment encore inclus dans la boite crânienne ainsi que l’empreinte laissé par le cerveau sur la surface interne. À partir de ces données Amélie Beaudet a réalisé un endo-crâne, un modèle en trois dimensions de la cavité de la boite crânienne qui lui a permis de décrire les structures du cerveau de Little Foot.

                        

Amélie Beaudet

                        

On a observé un certain nombre d’empreintes sur l’endo-crâne de Little Foot notamment sur la partie antérieure du cerveau, sur les lobes frontaux. On observe énormément d’empreintes qu’on a pu comparer à d’autres hominines fossiles notamment à d’autres australopithèques. Et on observe une organisation assez proche entre Little Foot et les autres australopithèques qui sont eux plus récents. En revanche pour la partie arrière, la partie postérieure qu’on appelle l’aire occipitale, on observe une différence notamment au niveau de l’organisation de l’aire visuelle. C’est un détail important qu’on va devoir aussi explorer davantage pour essayer de comprendre cette différence : pourquoi à plus de 3 millions d’année chez Little Foot on a cette organisation de l’aire visuelle que l’on ne retrouve pas chez les australopithèques plus récents qui se rapprochent davantage de nous, humains actuels.

                        

Les avancées technologiques vont permettre d’analyser plus en profondeur ce squelette de près de 4 millions d’années. La découverte de Little Foot  a ouvert la voie à de nouvelles prospections. En identifiant d’autres sites aux caractéristiques géologiques semblables à celles de Sterkfontain partout en Afrique Australe, les scientifiques pourraient découvrir demain d’autres pièges à fossiles et sans doute d’autres corps. Autant d’indices qui permettront de retracer l’histoire de l’humanité.

 

Dans les pas de Little Foot

19.03.2019

Vieux de plus de 3 millions d'années, le squelette de Little Foot continue de livrer ses secrets. Découvrez, dans ce reportage réalisé en Afrique du Sud, comment des scientifiques ont réussi à reconstituer la forme du cerveau de cet ancêtre lointain, grâce à des techniques d’imagerie généralement utilisées dans le monde médical.

À propos de cette vidéo
Titre original :
Dans les pas de Little Foot
Année de production :
2019
Durée :
8 min 25
Réalisateur :
Pierre de Parscau
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Laurent Bruxelles Inrap
Inrap / IFAS – Institut Français d’Afrique du Sud à Johannesbourg 
CNRS / Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères
 
Ron Clarke 
University of the Witwatersrand
 
Amélie Beaudet 
University of the Witwatersrand
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