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De la santé à l’énergie en passant par l’informatique ou la chimie, les recherches menées dans les labos trouvent régulièrement des prolongements dans le monde socio-économique. Découvrez sur ce blog des exemples de valorisation des recherches menées au CNRS, une des institutions les plus innovantes au monde.

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CNRS Innovatives SHS : Voitures semi-autonomes, le défi de l’attention
10.05.2019, par Martin Koppe
L’utilisateur d’une voiture semi-autonome est sollicité par intermittence sans que son attention puisse s’adapter à coups sûrs. Des interfaces sont donc développées pour l’aider à reprendre le volant et le contrôle de son véhicule. Des travaux à découvrir au salon CNRS Innovatives SHS les 15 et 16 mai à Lille.

Tournant technologique majeur dans notre quotidien et dans les transports, la généralisation des voitures autonomes est régulièrement promise pour demain. Les défis techniques et sécuritaires qui lui barrent encore la route peuvent cependant trouver un compromis avec les voitures semi-autonomes. En cas de difficulté, ces véhicules rendent le contrôle au conducteur, ou plutôt au drivenger1 selon le terme consacré, en le prévenant environ dix secondes à l’avance.

Cette alternance entre conduite humaine et automatique pose de nombreuses questions, auxquelles tente de répondre Céline Lemercier, professeure au laboratoire Cognition, langues, langage, ergonomie2. « Nous étudions la problématique de la focalisation attentionnelle, explique-t-elle. Que se passe-t-il quand notre attention doit alterner entre des tâches aussi différentes que conduire et regarder un film ? Mettre les mains sur le volant au bon moment pour reprendre le contrôle d’un véhicule en pleine circulation ne suffit pas à assurer une reprise sécuritaire de l’activité de conduite. »

En effet, le drivenger profite généralement de la conduite automatisée pour se divertir, en particulier via des écrans. Films, réseaux sociaux, jeux vidéo ou lecture, ces tâches l’absorbent alors que son attention doit soudainement s’atteler à conduire un véhicule en mouvement. L’équipe de Céline Lemercier se sert de Simul’auto, un simulateur de conduite installé dans la Maison des sciences de l’homme et de la société de Toulouse (MSHS-T). Là, le conducteur est affublé d’un attirail qui scrute son attention et ses signaux biologiques : lunettes oculométriques pour savoir où porte son regard, de quoi enregistrer ses réponses électrodermales, des capteurs cardiaques et un casque à électroencéphalographie.
Simulateur de conduite automobile SIMULAUTO (F. MALIGNE/MSH Toulouse/CNRS Photothèque)
Selon les premiers résultats, sur un même parcours peu chargé en obstacle, le drivenger qui prend soudainement le volant présente de fortes lacunes par rapport à un conducteur classique. Son parcours visuo-attentionel de la route est particulièrement déficitaire, il regarde moins souvent et moins longtemps les zones les plus importantes pour la conduite. « Les constructeurs et les équipementiers réduisent parfois la conduite à une activité manuelle : avoir les mains sur le volant c’est être prêt à conduire. Or le drivenger a avant tout besoin de bien percevoir son environnement routier », affirme Céline Lemercier.

Ces problèmes s’aggravent selon deux facteurs faussement contradictoires : l’âge et l’expérience. Les jeunes conducteurs alternent plus aisément entre plusieurs tâches, mais leur parcours visuo-attentionel de la route est généralement mauvais, du fait de leur manque d’expérience. Leur attention se dissipe entre de nombreux éléments pas toujours des plus utiles. Les conducteurs plus aguerris montrent beaucoup plus d’efficacité à ce niveau. Pour les personnes âgées cependant, ce gain d’expérience est contrebalancé par leur difficulté croissante à trier les informations et, en particulier, à ignorer celles moins importantes.

Pour toutes les catégories, l’enjeu consiste donc à obtenir les informations essentielles à la conduite, les éléments cruciaux que le drivenger aurait manqués alors qu’il se livrait à d’autres activités. C’est le rôle de l’interface. Les chercheurs du CLLE ne conçoivent en effet aucun système de conduite, ils travaillent sur cette fameuse interface qui doit permettre à des systèmes sophistiqués de communiquer avec les humains. « Les équipementiers présentent des systèmes extrêmement puissants, capables de transmettre des informations sur l’état de la circulation à un instant t à plusieurs centaines de kilomètres, développe Céline Lemercier. Mais en tant qu’humain, dans le cadre de son activité de conduite immédiate, cette information en l’état ne sert à rien. » Le drivenger a essentiellement besoin d’informations sur sa mobilité en court.

Pour Céline Lemercier, « le rôle de l’interface est de rendre le système utile, utilisable et acceptable ». Elle doit servir l’humain sans jamais rogner sur les aspects pratiques ou éthiques. L’interface peut transmettre les informations par des signaux visuels fixes ou animés, des sons ou des combinaisons des deux. Pour tester son efficacité, retour par la case Simul’auto.

 « Pour étudier l’interaction avec des interfaces embarquées, nous utilisons une technique dite du Magicien d’Oz. Nous développons l’interface d’un système embarqué hypothétique, puis nous soumettons le drivenger à un parcours routier simulé où nous contrôlons l’ensemble des paramètres. » L’équipe peut ensuite proposer aux industriels des préconisations pour le développement d’une interface dont la finalité répond à celle de systèmes en cours de développement ou encore au stade de l’idéation. La prochaine démonstration sera cependant pour le grand public, puisque Céline Lemercier présentera ses travaux au salon Innovatives SHS du CNRS, les 15 et 16 mai à Lille.

 

Evénement :
CNRS Innovatives SHS 2019
Les 15 et 16 mai 2019, Lille Grand Palais

 

Notes
  • 1. Contraction de driver et passenger, conducteur et passager.
  • 2. CLLE, CNRS/Université Toulouse Jean Jaurès

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