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Élevage d’insectes : une industrie à inventer
Ils sont considérés comme repoussants, indésirables, effrayants. Et pourtant les insectes pourraient bien bouleverser notre alimentation dans les années à venir.
7 milliards d’humains aujourd’hui, 9 milliards en 2050 ; l’Humanité va devoir trouver des solutions pour nourrir une population en pleine expansion. Source alternative de protéines pour les hommes et pour le bétail, les insectes seraient une solution face à ces nouveaux enjeux alimentaires.
Depuis deux ans, Samir Mezdour coordonne le projet Désirable, l’un des plus grands projets européens de recherche sur les insectes comestibles. Sa mission : trouver les solutions pour la mise en place d’une véritable filière insectes à l’échelle industrielle.
ITV SAMIR MEZDOUR
L’insecte est très riche en protéines, et les atouts qu’il présente c’est que c’est une source naturelle consommée déjà de par le monde par deux milliards et demi d’habitants. C’est un animal qui génère peu de déchets, on a peu de surfaces d’élevage, peu de consommation d’eau.
Des atouts qui font défaut chez la plupart des animaux élevés actuellement pour nourrir les hommes.
L’équipe de Frédéric Marion Poll à Gif sur Yvette étudient l’alimentation de l’insecte – un paramètre des plus importants dans un contexte d’élevage à grande échelle.
ITV FRED MARION POLL
Alors ce que vous voyez ici, ce sont des larves de ténébrions, qu’on utilise généralement, actuellement, pour les donner à manger aux poissons ou des animaux d’élevage.
Notre projet ici c’est de voir quelles sont les capacités de développement maximum de ces larves ; à quelle vitesse elles se développent, si on leur donne une alimentation optimale. Et ces données, on va les utiliser après pour mettre au point un élevage industriel.
Dans l’idéal, il faudrait pouvoir nourrir ces insectes avec nos déchets encore non valorisés.
Mais ces animaux, comme tous, ont leurs propres préférences alimentaires qu’il faut essayer de comprendre. Les biologistes étudient ainsi leurs capteurs gustatifs et leurs réactions en présence de différentes substances. Pour cette expérience ils utilisent une mouche de vinaigre familière des laboratoires : la drosophile.
ITV FRED MARION POLL
Sous ce microscope, c’est une drosophile qui a été préparée par un de nos doctorants et elle est prête à être stimulée par une électrode de verre qui contient du sucre. Alors, si on approche cette électrode de verre et qu’on contrôle son avance, on va pouvoir coiffer un poil gustatif avec cette électrode et enregistrer un signal électrique qui pourra nous dire s’il y a des neurones qui détectent la substance qui est dans l’électrode ou pas.
Les connaissances progressent, mais il reste bien d’autres défis à relever, avant de voir apparaître des fermes d’élevage d’insectes en France.
ITV SAMIR MEZDOUR
Trois principaux verrous se présentent pour cette filière insectes : verrou technique, d’une part l’élevage et la transformation de l’insecte en farine ou en ingrédient – le verrou réglementaire à l’échelle nationale ou européenne, et puis un verrou économique, à savoir est-ce que le prix de revient des farines qui seront produites industriellement eh bien sera compétitive par rapport à la filière conventionnelle.
Côté règlementation, l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, a lancé un appel : il faut plus de recherche sur les allergies et autres risques sanitaires liées à la consommation d’insectes.
Malgré ces points d’interrogation, des entrepreneurs se sont dors et déjà lancé dans l’aventure de la production industrielle. Partenaire du projet Désirable, la start-up Ynsect créée en 2011 à Evry est aujourd’hui le fer de lance de cette révolution protéinique. Après une levée de fond de plus de 5 millions d’euros en janvier dernier, l’entreprise voit les choses en grand avec la construction d’une chaîne de production grandeur nature d’ici fin 2015.
Après leur ébouillantage, les ténébrions ou vers de farine sont transformés en une poudre de protéines qui peut servir d’ingrédient dans la nourriture animale. La réglementation européenne autorise l’usage de ces protéines d’insectes dans l’alimentation de chats ou de chien, animaux hors de la chaine alimentaire humaine. Mais c’est en Asie que le marché est le plus ouvert, ces protéines pouvant s’intégrer à des préparations destinées à l’alimentation humaine.
ITV ANTOINE HUBERT
Les insectes semblent être une grande idée, on peut se demander pourquoi ça n’a pas été développé plus tôt – clairement on est dans un monde de grande tension sur les ressources en protéines et depuis quelques années, les prix des autres matières protéiques vont vraiment exploser. La première d’entre elles étant les farines de poissons notamment qui ont triplé, quadruplé en dix ans, quinze ans ; et à partir du moment où ces prix sont devenus si élevés, la recherche alternative s’est faite de plus en plus pressante.
Il n’y a aucune technologie aujourd’hui qui soit rentable et qui permette d’avoir des produits insectes, des protéines qui soient compétitives avec les protéines du marché.
Des perspectives d’avenir qui devront être soutenu par un développement technique de grande envergure :
Si le projet pilote d’Ynsect permet aujourd’hui la production d’une tonne de ces farines par mois, l’entreprise vise une production de dizaines de tonne par jour cette fois-ci à l’horizon 2017. Le temps pour la filière de convaincre le consommateur des bienfaits de cette révolution venue du monde des insectes.
Insectes comestibles: une industrie à inventer
Les insectes comestibles sont aujourd'hui considérés comme une source alternative de protéines pour une population humaine qui devrait gagner 2 milliards d'individus d'ici à 2050. Encore faut-il pouvoir fabriquer ces protéines à un coût compétitif. Dans cette vidéo à voir aussi sur le site de notre partenaire Le Monde.fr, découvrez comment chercheurs et industriels tentent de lever les verrous liés à cette nouvelle forme d'élevage, et de mettre en place une véritable filière française et européenne.
Frédéric MARION-POLL, professeur à ParisAgroTech, EGCE (évolution, génomes, comportement et écologie), Université Paris-Sud, CNRS, IRD, Université Paris Diderot
Antoine Hubert, fondateur de la start-up Ynsect
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Commentaires
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du journal CNRS
Pouah!!!! A ne surtout pas
bicloune le 18 Avril 2015 à 12h37