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Tiques et moustiques tigres : les envahisseurs invisibles

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CNRS_Les envahisseurs invisibles
 
 
Observés au microscope électronique, des monstres révèlent leurs formes cauchemardesques et leurs arsenals terrifiants. Ce sont pourtant des envahisseurs familiers qui ont laissé des traces sur la peau de la plupart d’entre nous. Piqures, infections et démangeaisons : le moustique tigre et la tique ne cesse de conquérir de nouveaux territoires, particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. Mais comment expliquer une telle prolifération et peut-on éradiquer ces espèces ?
 
Contrairement à d’autres insectes dit « hématophages » comme les poux, le moustique tigre et la tique ne se contentent pas du sang humain. Ils peuvent passer de l’homme à l’animal propageant ainsi des maladies qui ne cessent de croitre depuis plusieurs décennies. Dengue ou zika pour le moustique tigre et maladie de Lime pour la tique inquiètent la communauté scientifique mondiale qui tente d’endiguer leur développement.
 
Karine Chalvet Monfrey est épidémiologiste et s’intéresse de près aux tiques et à l’évolution de leurs populations. Ces suceuses de sang peuvent prendre 100 fois leur poids en sang après seulement huit jours de succion et on estime qu’entre 10 et 20% d’entre elles sont porteuses de la maladie de Lime. L’épidémiologiste a mis au point un protocole pour étudier le lien entre le réchauffement climatique et la prolifération de ces tiques. Elle place ainsi des stations météo qui mesurent la température de l’air et du sol avant de débuter une surprenante collecte. Équipés de draps, les scientifiques ratissent les alentours pour prélever des individus, parfois avec l’aide de l’armée sur certaines zones. Ils peuvent capturer jusqu’à cent tiques sur 10m2 de terrain ratissé. Des chiffres qui seront mis en relation avec la température relevée sur le site pour construire des modèles mathématiques et des cartes régulièrement mises à jour. En dessous de 7°c, les tiques restent inactives mais l’augmentation de la température mondiale leur a permis de gagner de nouveaux territoires.
 
Karine Chalvet Monfrey – Épidémiologiste
On commence à avoir régulièrement des tiques lors des collectes en hiver et aussi dans les zones en altitudes où on voit des populations de tiques présentes là où il n’y en avait pas au préalable par exemple les Pyrénées ou les Alpes. Et de la même manière une augmentation en latitude avec de plus en plus de tiques présentent dans des latitudes nord en Suède ou au Canada.
 
Le développement urbain et la proximité de plus en plus importante entre les hommes et la faune sauvage explique en partie la prolifération des tiques. Dans le monde animal, cet insecte s’attaque à plus de 300 espèces, principalement les petits rongeurs et les cervidés que les chercheurs observent régulièrement grâce à des caméras infrarouges placées sur leurs sites d’étude. Incapables de se débarrasser des tiques et grands réservoirs de sang, les cervidés favorisent largement la multiplication des tiques d’autant qu’ils ne sont de moins en moins menacés par des prédateurs naturels.  
 
 
Patrick Habrère – Garde forestier
En tant que forestier depuis 30-40 ans il y a vraiment une infestation de gibier et ça ne m’étonne pas du tout qu’il y ait une infestation de tiques à partir de là. Il faudrait absolument qu’il y ait un retour des prédateurs. On avait déjà le lynx qui était un grand prédateur mais qui est en train de disparaitre parce qu’on l’a fait disparaitre et le loup est  train de revenir et c’est très important de laisser revenir le loup parce que c’est le grand prédateur et le seul moyen de limiter le gibier ou la faune à un taux normal.
 
Nos villes de plus en plus proches de la nature ou largement végétalisées profitent aussi au moustique tigre. Originaire d’Asie, il a colonisé toutes les villes du sud de l’Europe et gagne peu à peu le nord en embarquant à bord de nos voitures. Seule la femelle fécondée se nourrit de sang. Elle peut contaminer un individu sain après avoir piqué un individu infecté par une maladie comme la dengue à travers sa salive qu’elle injecte sous notre peau. Dans l’attente d’éventuels vaccins contre les maladies transmises par ces moustiques, l’homme a déployé tout un arsenal de molécules chimiques pour les éradiquer. Or, ces suceurs de sang ont appris à s’y adapter tout comme ils ont appris à se défendre face à certaines plantes.
 
Jean-Philippe David - Généticien
Pour ne pas se faire manger les plantes ont développé un système qui leur permet de produire des toxines et à l’inverse les insectes qui mangent les plantes ont aussi développé des protéines qui sont capable de biodégrader ces toxines. Et aujourd’hui les moustiques ont hérité au cours de leur évolution de ces protéines qu’ils utilisent aussi pour dégrader les molécules insecticides. C’est très efficace et ça permet à certaines populations de résister à des doses très fortes d’insecticides. Dans une étude récente on a constaté que dans certaines régions du monde il faut 500 fois plus d’insecticide pour tuer les moustiques. En utilisant de manière massive et non contrôlée les insecticides on favorise la sélection de la résistance. La plupart des moustiques vont mourir mais certains vont résister et c’est ceux-là qui vont donner naissance à la génération suivante qui sera un peu plus résistante aux insecticides.
 
Mais quelle alternative aux insecticides face à ces moustiques qui s’adaptent ? Des chercheurs ont créé des moustiques génétiquement modifiés afin d’empêcher leurs larves de se développer. Mais l’Europe interdisant l’usage d’Organismes Génétiquement Modifiés, les chercheurs de l’Université de Montpellier sont parvenus à stériliser des males par irradiations. Un protocole est ainsi testé en Amérique du Sud. À l’aide de drones des milliers de moustiques de laboratoire sont lâchés sur des zones infestées. Ils attirent les femelles sauvages pour des accouplement stériles qui endiguent la prolifération des moustiques tigres. Ces mâles stériles doivent encore attendre l’autorisation de l’administration pour être relâchés sur notre territoire et ne pourront pas à eux seuls nous débarrasser définitivement des moustiques tigres.
 
Frédéric Simard – Entomologiste
On ne peut pas rêver de les éradiquer de la surface de la terre, c’est un fantasme complètement anthropocentrique. Il va falloir qu’on accepte de vivre ensemble, de contrôler ce risque et faire en sorte de le gérer plutôt que d’essayer de le combattre.
 
À cause du réchauffement climatique et de nos changements de mode de vie ces envahisseurs n’ont sans doute pas fini de conquérir la planète. À défaut de remède miracle, l’humanité n’a d’autre choix que de s’adapter… et de continuer à se gratter.

Tiques et moustiques tigres : les envahisseurs invisibles

22.02.2021

Depuis plusieurs années, des parasites comme le moustique tigre ou la tique ne cessent de conquérir de nouveaux territoires, particulièrement en Europe et aux États-Unis. Comment expliquer cette prolifération ? Comment s'en prémunir ? La communauté scientifique tente de mieux comprendre ce phénomène, notamment responsable de la transmission de certaines maladies des animaux aux êtres humains.

À propos de cette vidéo
Titre original :
Les envahisseurs invisibles
Année de production :
2021
Durée :
6:41
Réalisateur :
Pierre de Parscau
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Karine Chalvet-Monfray (VetAgro Sup)
Épidémiologie des maladies animales et zoonotiques (EPIA)
INRAE / VetAgro Sup

Frédéric Simard (IRD)
Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle (MIVEGEC)
CNRS / IRD / Université de Montpellier

Jean-Philippe David (CNRS)
Laboratoire d’Ecologie Alpine (LECA)
Université Savoie Mont Blanc / CNRS / Université de Grenoble Alpes 

Patrick Haberer


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