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Cette énorme instrument métallique autour de laquelle s’activent chercheurs et ingénieurs est l'aboutissement d'une aventure de plus de dix ans. Nous sommes dans les locaux du LPNHE à l'université de Jussieu. Ces scientifiques finissent d'assembler un composant majeur de ce qui va devenir la plus grande caméra jamais conçue. Elle est destinée à tourner un film audacieux : le film de notre Univers.
Il sera réalisé grâce à un télescope d’un genre nouveau, le Large Synoptic Survey Telescope - ou LSST - qui devrait constituer une véritable révolution en astronomie. Actuellement en cours de construction au Chili, le LSST aura pour mission de photographier le ciel austral pendant 10 ans, pour réaliser un film de l'Univers en trois dimensions.
Extrait 1 – Pierre Antilogus
L 'univers est tout sauf statique : il y a des étoiles qui meurent, des galaxies qui sont en formation, des noyaux de galaxies qui sont très actifs…
Grâce à sa caméra, le LSST sera capable, en une seule prise, de photographier une surface équivalente à 40 fois celle de la Lune. 800 clichés seront réalisés chaque nuit afin de composer une carte complète du ciel en trois jours.
Il sera ainsi possible d’étudier les dynamiques et les mouvements de notre univers, et donc d’explorer les plus grandes questions de l’astronomie actuelle.
Extrait 2 – Pierre Antilogus
En mesurant l'évolution de l'univers, on va aussi mesurer les propriétés de ses constituants, et en particulier de la fameuse matière noire d'un côté, et l'énergie noire de l'autre, qui ont régulé l'évolution de l'univers au cours du temps.
La matière noire et l'énergie noire sont deux éléments qui permettent aux chercheurs de décrire l'évolution de l’Univers depuis sa naissance. Si l'on soupçonne qu'elles constituent plus de 95% du cosmos, elles restent encore aujourd'hui très mystérieuses. Le film cosmique du LSST devrait permettre de mieux étudier leurs effets.
Mais ce n'est pas tout. À l'origine, le télescope a également été conçu pour repérer des “géocroiseurs”, ces astéroïdes susceptibles de percuter notre planète.
Extrait 3 – Pierre Antilogus
Et donc effectivement LSST est capable d'identifier des objets géocroiseurs de taille relativement petite, et disons que tous les géocroiseurs qui pourraient avoir un impact significatif sur la vie sur Terre sont détectables a priori par LSST.
Pour remplir tous ses objectifs, la caméra du LSST sera dotée d'un capteur de 3,2 milliards de pixels et de filtres de teintes différentes. Ces filtres permettent de mesurer la couleur des objets célestes, ce qui nous renseigne notamment sur leur distance.
Ce sont les scientifiques français qui ont conçu l'échangeur de filtres, un élément central de la caméra.
Extrait 4 – Pierre Antilogus
Les galaxies qui s'éloignent de nous, plus elles s'éloignent vite et plus elles sont rouges, et donc si on est capables de mesurer leur couleur (et donc de voir quelle est la quantité d'énergie qu'elles émettent dans un filtre plutôt bleu par rapport à un filtre plutôt rouge), on pourra inférer leur distance.
Extrait 5 – Pierre Karst
Comme on est sur la plus grande caméra du monde, évidemment on est sur les filtres les plus grands du monde. Les filtres pèsent entre 26 et 38 kilos. Ce qui est demandé sur ce système échangeur de filtres, c'est de bouger ces gros filtres et de les repositionner avec une précision supérieure à un dixième de millimètre.
Ces filtres doivent pouvoir être changés rapidement et automatiquement. Il faut obtenir les meilleures images possibles sans rien manquer du spectacle céleste.
L’échangeur de filtres a été conçu et fabriqué par cinq laboratoires français répartis sur tout le territoire. Il est notamment doté d'un carrousel qui stockera cinq filtres.
L’instrument pourra effectuer un changement en moins de deux minutes - ce qui permettra de réaliser un maximum d’images.
Il faut ensuite pouvoir stocker et traiter les quantités colossales de données produites. Chaque nuit, le télescope fournira l'équivalent de 30 téraoctets - ou terabytes - de données,
soit un volume - en fin de projet - de plusieurs dizaines de pétaoctets - soit des dizaines de millions de gigaoctets. Ces données seront notamment stockées en France, à Lyon.
Extrait 6 – Pierre Antilogus
Donc en fait pour LSST, on parle en petabytes, si ce n'est, en lecture de données globales, en exabytes. C'est-à-dire que ce sont des volumes qui n'ont pas encore, aujourd'hui, de sens réel puisqu'on ne les a jamais pratiqués, et ce sont effectivement des flots de données qui seront très importants. Donc il y a un effort de calcul au niveau de LSST qui est très important. Et il faut voir que non seulement, ce n'est pas juste que l'on met des données dans une boîte et on dit « oulala, vous avez vu mes beaux petabytes de disques ? », c'est qu'il faut les lire. C'est relativement facile aujourd'hui d'écrire les données, mais y accéder de façon plus ou moins aléatoire, dans un très gros volume, ça c'est beaucoup plus dur. Et effectivement LSST est le fer de lance de ce type de traitement de données.
Après avoir assemblé pour la première fois tous les éléments du futur échangeur de filtres, les scientifiques procèdent aux derniers tests pour s'assurer de son bon fonctionnement. Ils l’expédieront ensuite aux États-Unis, où il sera intégré à la caméra puis prendra la route vers le Chili, sa destination finale. Il pourra alors débuter le tournage de ce qui sera certainement le plus grand film du monde - voire de l’Univers.
Une caméra d'exception pour filmer l'Univers
Le LSST, un télescope d'un nouveau genre en construction au Chili, va bientôt ouvrir grand les yeux vers l'espace... Sa mission : photographier le ciel austral et réaliser un film de l’Univers en trois dimensions. Un composant essentiel de sa caméra, l’échangeur de filtres, a été développé dans les laboratoires français et s'apprête à traverser l'Atlantique.
Pierre Antilogus (CNRS)
Laboratoire Physique Nucléaire et Hautes Énergies (LPNHE)
CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Diderot
Pierre Karst (CNRS)
Centre de Physique des Particules de Marseille (CPPM)
CNRS / Université Aix-Marseille