A la une
Bienvenue sur le blog de la campagne océanographique APERO. Chaque semaine, nous aborderons une thématique scientifique liée au quotidien des 65 scientifiques à bord des navires océanographiques Pourquoi Pas? et Thalassa, en pleine étude de la pompe biologique de carbone dans l’Atlantique nord-est.
Largement reprise par les médias pour son rôle climatique, nous avons tous déjà entendu parler de la pompe à carbone, mais savons nous comment elle fonctionne? Je vous propose de venir à bout des grandes questions qui gravitent autour de ce sujet afin de vous faire prendre part à l’aventure passionnante qu’est l’exploration scientifique d’APERO !
Comprendre la pompe océanique de carbone
Qu’appelle-t-on « pompe océanique de carbone » ?
Ce terme fait référence au processus naturel qui retire une partie du dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère et le stocke dans l’océan. En faisant office de puits à carbone, l’océan agit comme un réservoir à long terme aidant ainsi à réduire la concentration de CO2 présente dans l'atmosphère et à atténuer les changements climatiques.
D’accord, mais par quel moyen ce processus a-t-il lieu ?
Le terme « biologique » spécifie que le processus de fixation du carbone se fait par des organismes vivants : le phytoplancton, dans le cas de l’océan (et les végétaux terrestres si l’on considère l’intégralité du cycle du carbone). Composé de minuscules végétaux et de micro-organismes, le phytoplancton présent à la surface de l'océan est capable de photosynthèse : un processus à l’origine d’une respiration de CO2 et d’une expiration d’O2. C’est au moyen de ce talent prodigieux que ces organismes jouent le rôle crucial de fixateurs de carbone !
Diatomée marine © John Dolan / LOV / CNRS Images
Super, et que devient le carbone fixé par le phytoplancton ?
Une fois capturé par le phytoplancton, ce CO2, fixé sous forme de carbone organique, est immédiatement transformé en matière organique grâce à l’énergie lumineuse du soleil qui, en présence d’eau, permet de le convertir en sucres utiles à son métabolisme. Respirer du CO2 et le transformer en nutriments, c’est le super-pouvoir de la photosynthèse !
Qu’entend-on par carbone « stocké » ?
Dans un premier temps, le carbone est stocké dans les tissus végétaux du phytoplancton, mais pas pour longtemps! Source de la chaîne alimentaire, il entamera rapidement un long voyage dans l’écosystème océanique, avant de rejoindre pour partie l’océan profond dans lequel il sera stocké pendant des milliers d’années (Rendez vous à l’article sur la neige marine pour découvrir ce voyage extra-ordinaire) !
L’étude de la pompe biologique de carbone, vue par APERO
Pourquoi un projet qui étudie la pompe océanique de carbone s’appelle-t-il APERO ?
APERO est l’acronyme en anglais pour « Assessing marine biogenic matter Production, Export and Remineralization : from the surface to the dark Ocean », en français: l’évaluation de la production, de l’exportation et de la reminéralisation des matières biogènes marines : de la surface aux grands fonds océaniques. Allez, décortiquons ce titre!
Matière biogène…
On appelle « production biogène » la formation de matière organique par les organismes photosynthétiques présents à la surface de l’océan. La matière biogène serait donc composée de débris végétaux, de plancton mort, de pelotes fécales et d’autres sécrétions biologiques (souvent représentés sous le terme de neige marine).
D’accord pour la production de matière biogène, mais qu’y-a-t-il derrière « exportation » ?
La matière biogène est transférée depuis la surface de l’océan vers les couches plus profondes principalement par deux moyens de transport : la migration verticale des organismes marins, qui la déplacent de haut en bas (rendez vous à l’article sur la migration nycthémérale!) ; et par la chute de la neige marine, qui tombe par gravité depuis la surface jusqu’au fond.
Chute de neige marine observée à 2 000 mètres de profondeur.
A quel moment la reminéralisation de ces matières biogènes entre-t-elle en jeu ?
La reminéralisation se fait par décomposition de la matière organique par des micro-organismes, comme les bactéries, qui la transforment en composés inorganiques (minéraux) tels que le dioxyde de carbone (CO2), les nitrates ou les phosphates. La reminéralisation de la matière organique est un cycle vertueux pour certains organismes marins qui utilisent ces nutriments minéraux pour produire de nouveaux tissus organiques (se construire une coquille calcaire par exemple!). Ces cycles permettent de maintenir un équilibre dans l’écosystème océanique. On met un premier pied dans la biogéochimie : la transformation de la matière organique sous l’effet de processus biologiques, géologiques et chimiques.
Un point important à comprendre est que, dû à cette biodégradation, toutes les particules en chute n’atteignent pas forcément les sédiments du fond. Et, plus la dégradation a lieu rapidement (près de la surface), plus la période de stockage du CO2 créé par la respiration et l’activité bactérienne sera courte. Par exemple, le stockage se compterait seulement sur quelques années pour une dégradation à -400 mètres alors qu’il s’agirait de plusieurs milliers d’années pour une dégradation à -4000 mètres.
L’objectif premier d’APERO est de comprendre à quelle profondeur ont lieu ces processus de reminéralisation.
Remettons tout ça en place : Grâce à l’étude de la production, de l’exportation et de la reminéralisation de la matière biogène marine, APERO cherche à comprendre comment le carbone et les nutriments sont transportés et recyclés dans la zone mésopélagique, entre -200 et -1000 m de profondeur.
L’holistique APERO
La diversité des disciplines de recherche d’APERO permet une considération plus globale de l’écosystème mésopélagique : du virus, sur l’échelle du nanomètre, au micronecton, sur l’échelle du centimètre.
L’objet de l’étude est l’écart entre la quantité de carbone organique produite par photosynthèse transférée vers l’océan profond et la demande métabolique en carbone dans la colonne d’eau.
En intégrant cette approche multidisciplinaire, les scientifiques peuvent obtenir une vision plus complète de la pompe biologique de carbone contribuant ainsi à une meilleure compréhension des impacts du changement climatique sur les écosystèmes marins.
Découvrez le premier épisode du journal de bord vidéo réalisé par Melvak (Simon Rondeau) invité à bord des navires océanographiques Pourquoi Pas? et Thalassa :
Commentaires
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS