Donner du sens à la science

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Construire un terrain de partage et de discussion autour des secrets de l’organe le plus complexe et mystérieux du vivant : tel est le but de ce blog dédié au cerveau. Des chercheurs en neurosciences y décryptent les avancées les plus importantes et prodigieuses, et vous emmènent à la découverte du système nerveux, de ses fonctions et de ses mystères. Lire ici l'éditorial du blog.
  
Contact : Giuseppe Gangarossa, giuseppe.gangarossa@univ-paris-diderot.fr
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Giuseppe Gangarossa et de nombreux chercheurs en neurosciences
Maître de conférences à l’université Paris Diderot et membre de l'Unité de biologie fonctionnelle et adaptative, Giuseppe Gangarossa anime ce blog qui fédère des spécialistes de tous les horizons des neurosciences.

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La souris totem, un masque des arts premiers ?
29.05.2017, par Fabien Chauveau, chargé de recherche au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon

La ligne 19 du synchrotron grenoblois, ce gigantesque accélérateur d'électron, est dédiée à la micro-tomographie. On y croise des paléontologues et leur os multi-millénaires. C'est pourtant d'une souris tout ce qu'il y a de plus moderne - et transgénique s'il vous plaît! - qu'a surgit ce masque digne d'un musée des arts premiers.

 Fabien Chauveau; Marlène Wiart; Françoise Peyrin ; European Synchrotron Radiation Facility.
Crédits photo : Fabien Chauveau; Marlène Wiart; Françoise Peyrin ; European Synchrotron Radiation Facility.
 
Notre collection de cerveaux murins avait été constituée en laboratoire, et conservée dans un fixateur chimique. Porteurs de la protéine précurseur de l'amyloïde humaine mutée, les animaux développent rapidement des agrégats de protéines, ces plaques amyloïdes qui envahissent le cerveau des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Le jour J, les tubes bien alignés contenant les cerveaux étaient positionnés un par un sur le porte-échantillon rotatif. Puis chaque fois le même rituel : chambre d'acquisition évacuée, porte blindée refermée, quelques réglages au poste de pilotage, pour trois minutes d'irradiation sous un faisceau cohérent de rayons X monochromatiques, juste le temps d'acquérir quelques 3600 projections au cours d'une rotation complète. Ouverture de la porte, changement d'échantillon, bref, la mécanique était bien huilée. C’est alors qu’au hasard des reconstructions tridimensionnelles de notre collection désormais numérisée, le masque est apparu, comme un "imprévisible surgissement poétique de l'art"... dans la science.

Au cours des 20 dernières années, les chercheurs ont créé d'innombrables souches de "souris Alzheimer" pour disséquer les mécanismes de formation de ces plaques amyloïdes et leur influence sur le fonctionnement cérébral. Pour chacune, il est vital de connaître précisément la topographie d'apparition des plaques dans le cerveau, un travail long et fastidieux lorsqu'il est réalisé par des méthodes classiques de marquage sur coupes ultrafines. Ici la coupe est virtuelle, le cerveau pourra désormais être coupé à l'infini, selon n'importe quel angle. L'action du fixateur chimique met en évidence les faisceaux de fibres blanches, ces connections entre neurones recouvertes d'une gaine lipidique, la myéline : le striatum dans chaque hémisphère a formé une joue, la commissure antérieure une bouche renversée, la capsule externe un front sourcilleux. Et les points brillants qui parsèment les yeux du masque? Ce sont les plaques amyloïdes, dans la région de l'hippocampe, une aire cérébrale clef pour la mémoire.
 
C'est donc la physique (imagerie en contraste de phase), le traitement du signal (algorithme de reconstruction de phase), qui nous permettent à nous, les biologistes, de délaisser le laboratoire pour l’analyse d’images, et de nous délecter, au passage, de ces cinquante nuances de gris … cérébral.
 
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Fabien Chauveau est docteur en imagerie médicale, actuellement chargé de recherche au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. Sur la plate-forme d’imagerie du CERMEP-Imagerie du Vivant, il travaille au développement de nouveaux protocoles d’imagerie cérébrale - in vivo, grâce à  l’Imagerie par Résonance Magnétique et la Tomographie par Emission de Positons, ou ex vivo, par histologie virtuelle ou autoradiographie. Ces travaux ciblent certains phénomènes physiopathologiques des maladies neurodégénératives, comme la neuroinflammation, l’agrégation anormale de protéines, ou la démyélinisation.

 

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