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Lorsqu’elles sont stimulées par un laser, sur une surface structurée à l’échelle nanométrique1 des solutions peuvent révéler plus facilement la présence de molécules, même à l’état de trace. Cette approche pourrait simplifier la surveillance des polluants dans l’eau.
Parmi les nombreuses méthodes qui permettent d’explorer et de caractériser la composition des matériaux, la spectrométrie Raman fonctionne en focalisant un faisceau laser à une seule longueur d’onde sur un échantillon, puis en détectant la lumière diffusée. Cette dernière contient un millionième de photons qui sont porteurs d’informations sur le matériau éclairé. Plus le laser est puissant, et plus il est aisé d’identifier cette signature, mais cela peut être délicat et entraîner une dégradation de la matière. Une autre approche consiste à amplifier le signal Raman sans changer l’intensité du faisceau incident : on parle alors d’exaltation Raman.
Cette seconde option a été choisie par Jean-François Bardeau, directeur de recherche au CNRS, qui a mené ses travaux à l’Institut des molécules et matériaux du Mans2 avant de prendre tout récemment la direction du laboratoire Interfaces confinement matériaux et nanostructures3.
Une surface de grains d’or
« L’idée est de laisser se déposer la matière sur une surface spécialement conçue pour l’exaltation Raman, explique Jean-François Bardeau. Lorsque le laser illumine la surface, un phénomène physique nanométrique amplifie le signal Raman diffusé et révèle ainsi la présence de molécules. Quand tout est optimisé, la détection et l’identification des molécules en présence sont facilitées. »
Jean-François Bardeau utilise une surface composée de grains d’or, dont l’organisation est contrôlée à l’échelle du nanomètre. Le choix du matériau est très important car il doit permettre à certains électrons qui le composent d’être délocalisés. L’espace idéal entre les grains a été étudié avec l’aide de chercheurs du Service de physique de l’état condensé4, dont les techniques optiques de pointe permettent de détecter et de localiser, avec une résolution nanométrique, les zones de fortes exaltations du champ électrique. Quand le support est bien optimisé, la présence de champs électriques localisés sur la surface amplifie le signal lumineux Raman.
Principe de l’exaltation Raman avec le laser (à gauche) qui touche une molécule (centre), qui émet alors un spectre Raman (droite) © IMMM (CNRS / Le Mans Université)
Identifier par les vibrations
« Chaque nouvelle lumière diffusée est associée à la manière dont la molécule vibre sous l’effet du laser, poursuit Jean-François Bardeau. J’aime bien dire qu’il suffit d’observer comment la molécule danse pour identifier qui elle est. Voyez-vous, c’est comme si l’on reconnaissait quelqu’un à la façon dont il danse sur certaines musiques. L’organisation de la surface du substrat amplifie alors ces vibrations. » Des outils statistiques permettent ensuite de reconstruire une cartographie Raman qui localise les molécules sur la surface, en plus de nous aider à les identifier. Le traitement des données pour obtenir des spectres purs s’est fait avec le concours de chercheurs du Laboratoire avancé de spectroscopie pour les interactions, la réactivité et l’environnement5.
« L’intérêt de notre méthode est qu’une fois que le support est fabriqué et optimisé, on n’a plus besoin de beaucoup d’énergie pour faire des analyses : la lumière d’un pointeur laser du commerce suffit, affirme Jean-François Bardeau. Les données peuvent être traitées sur place, sans avoir à passer par un laboratoire. Nous évaluons actuellement l’efficacité de supports métalliques réalisés à bas coût, permettant la détection et l’identification de molécules très faiblement concentrées. Nous devons pour cela comprendre les phénomènes physiques qui se déroulent à l’échelle du nanomètre. »
Une sensibilité exceptionnelle
Le chercheur a par exemple vérifié que les techniques de dépôt des grains d’or étaient bien reproductibles, sans quoi les surfaces optimisées ne pourraient pas être conçues à grande échelle. La manière dont la topographie du substrat est réalisée influence aussi la réponse en longueur d’onde, ce qui implique de tester de nombreuses configurations différentes.
Dans l’approche de Jean-François Bardeau, l’échantillon se présente sous la forme d’une solution, à laquelle il n’y a nul besoin d’ajouter de marqueurs et autres molécules pour faciliter l’analyse. Sa technique détecte en effet des produits chimiques présents à hauteur de seulement un milliardième de mole6 par litre, une sensibilité qui se prêterait bien à la surveillance in situ de flux d’eau alors que les normes environnementales européennes se renforcent.
Pour l’instant, ces performances ne s’atteignent que lorsqu’il n’y a qu’une ou deux molécules différentes dans la solution. La méthode nécessite aussi une solution qui ne soit pas troublée par de la boue ou des débris.
Les performances d’une surface commerciale (rouge) comparée à celle produite par les chercheurs (bordeaux) © IMMM (CNRS / Le Mans Université)
Le cas du thiophénol
« Nous sommes encore loin des applications, mais nous avons montré que c’est possible, souligne Jean-François Bardeau. Certains supports commerciaux amplifient davantage le signal, mais notre système est bien plus robuste. Il ne s’abîme pas si l’on augmente la puissance du laser, ce qui nous permet d’obtenir un signal Raman de meilleure qualité. Avec notre système, la manipulation ne prend de plus que trois minutes. »
Les chercheurs continuent d’élargir le catalogue des molécules d’intérêt que ce système identifie. De bons résultats de détection ont ainsi été obtenus sur des polluants tels que le thiophénol, un produit hautement toxique, mais qui est utilisé comme précurseur en pharmacie et comme fongicide. Certaines molécules sont plus faciles à analyser parce qu’elles présentent des affinités chimiques avec le substrat, qui est ici en or, mais qui pourrait aussi être en argent ou en aluminium.
Jean-François Bardeau poursuit sa réflexion dans son nouveau laboratoire, l’ICMN, au sein d’une équipe spécialisée dans la détection de molécules à l’état de trace. « Certaines stratégies devraient permettre de pousser les limites de détection encore plus loin, conclut-il. De quoi avancer progressivement vers une méthode de détection des polluants diffusable à plus grande échelle. »
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet détection HYperspectrale de contaminants par Diffusion RAman Exaltée de surface – HYDRAE – AAP 2018-2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG 18-19).