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Pour se transmettre les informations dans et à travers les différentes aires du cerveau, les neurones communiquent entre eux constamment. L’information, au départ sous forme électrique dans les neurones, passe d’un neurone à l’autre grâce à des messagers chimiques appelés neurotransmetteurs. Cette communication entre neurones ne s’effectue pas n’importe où mais au niveau de structures particulières sur l’arborisation des neurones : les épines dendritiques. Ce sont de petites excroissances (d’environ 1 à 2 µm) de la membrane des dendrites des neurones qui reçoivent les afférences des autres neurones. Les dendrites sont les prolongements du corps cellulaire des neurones et qui se divisent en plusieurs branches de plus en plus fines, leur conférant un aspect d’arborescence d’où le nom d’arborisation dendritique. Les épines dendritiques constituent un espace bien délimité de cette arborisation ce qui permet un contrôle des échanges d’informations entre neurones au niveau des synapses, zone de contact fonctionnel entre deux neurones. Les épines dendritiques ont été observées dès la fin du XIXe siècle par Santiago Ramón y Cajal sur des neurones du cervelet, le père des neurosciences modernes (voir le billet « Les premières observations de neurones »). Il postulait déjà à l’époque que les épines pouvaient servir de zones de contact entre les neurones, mais ce n’est que 50 ans plus tard que le rôle des épines dendritiques est démontré grâce à l’avènement de la microscopie électronique qui a permis de montrer que les épines contiennent une ou plusieurs synapses et qu’elles sont le siège de la communication entre neurones. Jusqu’au développement des nouvelles techniques de microscopie confocale qui permettant d’observer en temps réel la dynamique des tissus vivants et notamment la dynamique des neurones, on pensait que les épines dendritiques étaient formées pendant le développement embryonnaire et restaient figées après la naissance. On sait aujourd’hui, que les épines dendritiques sont des structures extrêmement dynamiques, avec des modifications à une échelle de temps de quelques secondes/minutes. En effet, les épines dendritiques subissent à la fois des changements de forme mais également de leurs nombres avec un « turn-over » – apparition et disparition – permanent des épines. Ce turn-over très rapide est dépendant de l’activité des neurones, augmentant notamment avec la potentialisation à long terme, mécanisme moléculaire considéré comme étant à la base de l’apprentissage et de la mémorisation, et qui explique l’adaptabilité des réseaux neuronaux aux stimuli de l’environnement. Par ailleurs, des altérations de la morphologie et/ou de la dynamique des épines dendritiques sont souvent associées à des pathologies neurodégénératives, telles que certains retards mentaux comme le syndrome de l’X fragile, l’autisme, la maladie d’Alzheimer ou encore la maladie de Parkinson. L’étude de ces petites structures que sont les épines dendritiques et de leur dynamique d’apparition et de disparition représente un enjeu majeur dans la compréhension des fonctions majeures du système nerveux et de leurs dysfonctionnements.
Pour plus d’informations sur les épines dendritiques, voir : http://www.epi.ch/_files/Artikel_Epileptologie/Muller_1_04.pdf
Illustration de S. Ramón y Cajal de cellules pyramidales de l’écorce cérébrale du cobaye destinées à montrer les épines des appendices protoplasmiques en utilisant la méthode d’Ehrlich au bleu de méthylène. Légende originale de S. Ramón y Cajal : a. deux cellules pyramidales moyennes ; b. épines collatérales d’un tronc protoplasmique appartenant à une pyramidale géante ; c. cylindre-axe ; d. expansions basilaires avec leurs épines ; e. expansions collatérales du tronc protoplasmique avec leurs épines.
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Alexandra Gros est docteure en neurosciences (Institut des neurosciences Paris-Saclay). Au cours de sa thèse, elle s’est intéressée au rôle de la neurogenèse adulte hippocampique dans les processus d’apprentissage et de mémoire, notamment épisodique. Alexandra est actuellement chercheuse post-doctorante à l’université d’Édimbourg où elle étudie comment la mise en mémoire et la persistance de souvenirs d’événements de la vie courante peuvent être affectées par un apprentissage ultérieur. Pour cela, elle cherche à élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-tendant ces processus, notamment via des mécanismes de « tagging » des neurones et synapses en utilisant l’expression des gènes immédiats précoces.
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