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L’origine et le support de la conscience sont parmi les questions les plus débattues dans le domaine de la psychologie et des neurosciences. Il y a quelques jours, une équipe de chercheurs de l’Institut Allen (Maryland, USA) a annoncé via un communiqué dans la revue Nature, avoir pour la première fois détecté, chez la souris, des neurones géants, qui englobent la totalité de la circonférence du cerveau. En effet, le professeur Christof Koch et son équipe rapportent qu’ils ont pu mettre en évidence, grâce à une nouvelle technique de reconstruction numérique en 3D, trois neurones géants qui s’étendent à travers les deux hémisphères du cerveau d’une souris, le plus grand s’enroulant autour de la circonférence du cerveau, et tous trois provenant d’une structure appelée le claustrum.
Cette petite structure, cachée entre la surface intérieure du néocortex dans le centre du cerveau, est composée d’une fine bande de matière grise et communique avec presque toutes les régions du cortex. Cette structure, de par ses très nombreuses connexions avec la plupart des zones du cerveau, reliée aux perceptions internes ou externes, participe à de nombreuses fonctions cognitives telles que le langage, la planification à long terme et certaines tâches sensorielles comme la vision et l’ouïe. De plus, une étude réalisée en 2014 chez l’homme a montré que la stimulation de cette structure pourrait littéralement « allumer » ou « éteindre » la conscience. Cette toute petite région hyperconnectée du cerveau pourrait donc jouer, selon plusieurs chercheurs, un rôle important dans la conscience.
La découverte de ces neurones géants, émanant tous de cette mystérieuse structure qu’est le claustrum et étant densément connectés entre les deux hémisphères du cerveau, pourrait, selon les auteurs, expliquer en théorie les origines de la conscience. Néanmoins, bien que ces neurones soient connectés au claustrum, il faut bien garder à l’esprit qu’il n’existe aujourd’hui pas de preuves directes de leur rôle dans la conscience et que d’autres études sont nécessaires pour confirmer cette théorie ! Si cette découverte intrigante se confirme, la mise en évidence de ces nouveaux neurones ouvre de nouvelles portes dans la cartographie des différents types de neurones du cerveau mais aussi dans la compréhension de son fonctionnement.
© Allen Institute for Brain Science - Reconstruction d'un neurone géant
La mise en évidence de ces neurones géants dans le cerveau n’a pas été des plus évidentes ! En effet, il est difficile de marquer et de visualiser des neurones aussi longs. Cette découverte a été rendue possible grâce à une nouvelle technique d’imagerie moins invasive qui utilise une protéine fluorescente verte dans le claustrum, laquelle permet de visualiser la totalité des neurones qui proviennent de cette structure (voir les billets « Des outils innovants pour étudier les circuits neuronaux » et « Les 100 couleurs du Brainbow »). La capture de 10 000 images en coupe transversale du cerveau de la souris a permis ensuite la reconstruction informatique en 3D des neurones marqués, visibles sur l’image en turquoise, rose et jaune. Cette technique moins invasive, aujourd’hui utilisée chez la souris, pourrait dans le futur être utilisée chez l’homme pour découvrir si l’on possède également ces neurones géants dans notre cerveau et peut-être un jour percer les mystères de la conscience !
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Alexandra Gros est docteure en neurosciences (Institut des neurosciences Paris-Saclay). Au cours de sa thèse, elle s’est intéressée au rôle de la neurogenèse adulte hippocampique dans les processus d’apprentissage et de mémoire, notamment épisodique. Alexandra est actuellement chercheuse post-doctorante à l’université d’Édimbourg où elle étudie comment la mise en mémoire et la persistance de souvenirs d’événements de la vie courante peuvent être affectées par un apprentissage ultérieur. Pour cela, elle cherche à élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-tendant ces processus, notamment via des mécanismes de « tagging » des neurones et synapses en utilisant l’expression des gènes immédiats précoces.