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Les neurosciences sont un courant de la biologie étudiant spécifiquement le fonctionnement du cerveau et plus largement celui du système nerveux. Elles couvrent de nombreux champs de recherche allant du niveau cellulaire à la cognition. À n’en pas douter, par la quantité colossale d’études menées, d’articles scientifiques publiés et d’applications quotidiennes, les neurosciences ont permis d’énormes avancées dans les champs de la compréhension du fonctionnement cérébral et de nombreux progrès dans la prise en charge clinique de certaines pathologies, bien que les territoires restant à explorer soient titanesques. Mais cette discipline scientifique porteuse de grands espoirs reste trop souvent la cible d’abus. D’une incompréhension ou d’une mauvaise interprétation, des informations scientifiques sur le système nerveux peuvent s’altérer, devenant des informations erronées qui, en s’amplifiant, pourront devenir des neuromythes.
Les neuromythes sont, littéralement, des mythes existants et se propageant sur le fonctionnement du cerveau. Comme souvent, une bonne partie de ces neuromythes repose sur des études scientifiques réelles, mais dont les résultats ont été plus ou moins correctement compris et/ou plus ou moins dévoyés. De cette base pas toujours saine et souvent faussée, une enveloppe mythique, voire mystique, va enrober le résultat scientifique pour aboutir au neuromythe. À l’instar d’un dogme ou d’une croyance, le neuromythe s’érige comme une vérité absolue. C’est ainsi que l’on sait que nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau, que notre personnalité est le reflet de l’utilisation préférentielle de notre hémisphère cérébral droit ou gauche, que faire écouter de la musique classique à des nourrissons les rend plus intelligents et autres fantaisies du même acabit. Pourtant, en y prêtant bien attention, en décortiquant chacune de ces fables, en trouvant l’origine scientifique à la base de ces légendes cérébrales, il est possible de déconstruire ces neuromythes pour rétablir l’exactitude scientifique. Il est de notre devoir à tous de ne pas se laisser séduire par un message simpliste ou réductionniste et d’aller chercher une information fiable sur ces sujets ; cependant cela n’est pas une tâche facile, car elle est souvent chronophage…
Mais parce que l’exercice est nécessaire et utile, par cette série d’articles « neuromythes », associée à mes podcasts, je vous invite à découvrir quelques-unes de ces croyances erronées afin de déconstruire ensemble ces fausses certitudes sur le fonctionnement du cerveau. Aujourd’hui, je vous propose donc de revenir sur le mythe se rapportant aux capacités extraordinaires de notre cerveau, dont nous n’exploiterions qu’une infime partie.
Le mythe des 10 %
Films à gros budgets, séries télévisées, romans de science-fiction… À en croire ces œuvres de fiction, cela semble évident, nous n’utilisons qu’une fraction de notre potentiel cérébral, environ 10 % de notre cerveau selon la croyance populaire. Mais en réalité, nous exploitons bien notre cerveau à 100 % de ses capacités ! L’idée selon laquelle nous serions « bridés » à 10 % de nos possibilités est totalement fausse, ce n’est en réalité qu’un neuromythe.
Pour certains, ce mythe proviendrait d’un grand psychologue américain du siècle dernier, William James, et pour d’autres l’origine serait attribuée à Albert Einstein en personne. Cependant, il n’existe aucune trace de preuves attestant que ces deux chercheurs aient un jour formulé une telle idée.
De façon plus sérieuse, le mythe s’est probablement nourri de travaux scientifiques, comme ceux du psychologue Karl Lashley qui avait conclu à tort que le cortex cérébral était indifférencié et n’avait donc pas de fonction spécifique, ou le fait que lorsqu’un très grand nombre de neurones ont une activité synchrone, cela est le signe révélateur d’une crise d’épilepsie. Mais, les propos et résultats de ces travaux ont été, dans le meilleur des cas, mal interprétés voire déformés, et dans le pire des cas, complètement inventés ! L’origine exacte de ce mythe reste un mystère, mais les preuves attestant que cette croyance est erronée sont bien réelles. Aberration du point de vue de l’évolution, études de cas cliniques, imageries cérébrales sont autant d’arguments scientifiques que je vous invite à creuser avec moi dans le podcast qui suit…
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Christophe Rodo est doctorant en neurosciences (Aix-Marseille Université, LNC, INS, ISM). Au cours de sa thèse, il s’intéresse aux mécanismes cérébraux de la mémoire de reconnaissance, un processus se situant entre la perception et la mémoire. En utilisant plusieurs approches méthodologiques, Christophe Rodo étudie l’interaction complexe entre l’hippocampe et les structures parahippocampiques lors de ce type de processus.
Passionné de médiation scientifique, il participe à l’organisation de la Semaine du cerveau en région Paca, a créé une déclinaison de l’événement Treize Minutes en version Jeunes Chercheurs, et participe régulièrement à différentes manifestations grand public. Il tient également un blog (Cerveau en Argot) et une chronique radio hebdomadaire parlant des neurosciences (La Tête Dans Le Cerveau).
Suivez-le sur twitter : @christophe_rodo et écoutez son podcast : La Tête Dans Le Cerveau