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Construire un terrain de partage et de discussion autour des secrets de l’organe le plus complexe et mystérieux du vivant : tel est le but de ce blog dédié au cerveau. Des chercheurs en neurosciences y décryptent les avancées les plus importantes et prodigieuses, et vous emmènent à la découverte du système nerveux, de ses fonctions et de ses mystères. Lire ici l'éditorial du blog.
  
Contact : Giuseppe Gangarossa, giuseppe.gangarossa@univ-paris-diderot.fr
Twitter : @PeppeGanga

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Giuseppe Gangarossa et de nombreux chercheurs en neurosciences
Maître de conférences à l’université Paris Diderot et membre de l'Unité de biologie fonctionnelle et adaptative, Giuseppe Gangarossa anime ce blog qui fédère des spécialistes de tous les horizons des neurosciences.

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Neuromythes : l’effet Mozart
05.06.2018, par Christophe Rodo, doctorant ATER Aix-Marseille Université

 En 1993 des chercheurs américains publient dans la très prestigieuse revue scientifique Nature, une étude qui semble lier écoute de la musique classique avec le quotient intellectuel* (1). En réalité, les résultats sont bien plus complexes tout comme les conditions et l’interprétation de ces travaux.
 
Dans leurs travaux, Frances H. Rauscher, Gordon L. Shaw et Katherine N. Ky, de l’université de Californie ont fait passer une expérience assez simple à un peu plus d’une trentaine de volontaires. L’expérience se composait de deux phases. Dans un premier temps, les participants étaient répartis en trois groupes distincts, chacun avec des conditions de préparation différentes pendant 10 minutes avant le début de la tâche. Le premier groupe passait 10 minutes dans le silence, le deuxième groupe passait 10 minutes à faire des exercices de relaxation, et le troisième groupe passait, lui, 10 minutes à écouter la sonate pour deux pianos en ré majeur de Wolfgang Amadeus Mozart. A la suite de cette période de préparation, tous les participants passaient à la deuxième phase de l’expérience. Dans cette deuxième partie, les participants étaient soumis à une succession de tâches de résolution spatiale standard utilisées dans l’évaluation du quotient intellectuel testé par l’échelle d’intelligence Stanford-Binet* (2).
 
Et les résultats sont spectaculaires ! Les participants ayant écouté de la musique classique avant de réaliser les tests, présentent des performances aux tests améliorées et des scores de QI augmentés de près de 8 à 9 points, contrairement aux participants n’ayant pas écouté de musique classique.
Mais ces résultats impressionnants cachent en réalité de sérieux problèmes méthodologiques portant notamment sur le nombre trop faible de participants et une reproductibilité quasiment nulle de ces résultats par d’autres chercheurs dans d’autres laboratoires que celui dans lequel ont été conduits les travaux initiaux (3).
 
Malgré ces limites de fiabilité, le lien unissant l’écoute de musique classique et l’intelligence reste profondément ancré dans la société. Ce neuromythe - car c’est bien d’une fausse croyance dont il s’agit - est appelé l’effet Mozart et je vous invite à creuser avec moi ce sujet dans le podcast qui suit…
 

Glossaire
L'échelle d’intelligence Stanford-Binet est un test servant à quantifier le quotient intellectuel. Ce test mesure cinq facteurs : la connaissance, le raisonnement quantitatif, le traitement visuo-spatial, la mémoire de travail et le raisonnement fluide.
 
Le quotient intellectuel (QI) est le résultat d’un test psychométrique (i.e. effectué par un psychologue) vise à fournir une évaluation quantitative standardisée de l’intelligence humaine. En réalité, le QI n’est qu’une mesure partielle de l'intelligence qui permet uniquement de tester une partie des aptitudes d'un individu. Car, bien que la définition d’intelligence ne fasse pas de consensus, il semblerait que celle-ci englobe une multitude de capacités et d’aptitudes d'un individu. Multitude de capacités et d’aptitudes qu'il est difficile de totalement cerner et quantifier avec un seul test. La notion même de QI est assez critiquable et critiquée.
 
Bibliographie
(1) Rauscher, F. H., Shaw, G. L., & Ky, C. N. (1993). Music and spatial task performance. Nature 365: 611
(2) Thorndike, R. L., Hagen, E. P. & Sattler, J. M. The Stanford-Binet Scale of Intelligence. Riverside, Chicago, 1986.
(3) McCutcheon L.E. (2000). Another failure to generalize the Mozart effect. Psychological reports, 87 (1): 325-330.
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Christophe Rodo est doctorant en neurosciences (Aix-Marseille Université, LNC, INS, ISM). Au cours de sa thèse, il s’intéresse aux mécanismes cérébraux de la mémoire de reconnaissance, un processus se situant entre la perception et la mémoire. En utilisant plusieurs approches méthodologiques, Christophe Rodo étudie l’interaction complexe entre l’hippocampe et les structures parahippocampiques lors de ce type de processus.
Passionné de médiation scientifique, il participe à l’organisation de la Semaine du cerveau en région Paca, a créé une déclinaison de l’événement Treize Minutes en version Jeunes Chercheurs, et participe régulièrement à différentes manifestations grand public. Il tient également un blog (Cerveau en Argot) et une chronique radio hebdomadaire parlant des neurosciences (La Tête Dans Le Cerveau).
Suivez-le sur twitter : @christophe_rodo et écoutez son podcast : La Tête Dans Le Cerveau
 

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