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Les historiens qui déchiffrent les textes cunéiformes découvrent régulièrement des noms de villes antiques qu’ils ne savent pas situer sur une carte. Par ailleurs, les noms anciens de nombreux sites du Proche- et du Moyen-Orient fouillés par les archéologues n’ont pas encore été identifiés. Découvrir le nom par lequel un site archéologique était désigné dans l’Antiquité permet de mieux comprendre son histoire, son évolution, voire son abandon. Ainsi, la récente identification d’Uşaklı höyük (Turquie) avec la ville sainte hittite de Zippalanda représente une véritable avancée scientifique.
Dans la première moitié du IIe millénaire, Zippalanda était le centre cultuel du dieu de l’Orage, fils du dieu de l’Orage du Hatti et de la déesse du Soleil et de la Terre. Les archives de Hattusha, la capitale hittite, décrivent les fêtes organisées en l’honneur de ce dieu, fêtes auxquelles participait le roi. Ce dernier possédait à cet effet une résidence à Zippalanda.
Malgré l’importance de cette ville dans la religion des Hittites, on hésitait sur sa localisation jusqu’à la toute fin de l’année 2022. Plusieurs sites avaient pourtant été proposés, tous situés au cœur de l’Anatolie. À Alaca höyük, dans la province de Çorum, les archéologues avaient mis au jour des orthostates montrant un rituel religieux impliquant le couple royal et suggérant l’importance cultuelle du lieu. Un autre candidat était Çadır höyük, dans la province de Yozgat, non loin de la montagne Kerkenes, correspondant au mont Taha des sources hittites, montagne sacrée du dieu de l’Orage de Zippalanda.
Une troisième hypothèse émise dans les années 1990 situait Zippalanda à Uşaklı höyük ; des découvertes récentes semblent confirmer celle-ci. Le site se trouve à 20 km à l’est de Yozgat, dans une vallée étroite au nord de la montagne Kerkenes. Il est fouillé par une mission italo-turque dirigée par les archéologues de Pise depuis une dizaine d’années. Occupé depuis la fin du IIIe millénaire, il connaît son apogée pendant la période hittite, au milieu du IIe millénaire.
Au cours des dernières campagnes de fouilles, les archéologues ont exhumé les vestiges de plusieurs bâtiments monumentaux, dont un palais et le temple principal de la ville sans doute consacré au dieu de l’Orage, ainsi que six fragments de tablettes cunéiformes en hittite datés des XIVe et XIIIe siècles av. J.-C.
Détail de la mosaïque d’Uşaklı höyük © Uşaklı Höyük Archaeological Project.
En 2018, un bâtiment public du bronze récent présentant un plan typique des temples hittites a été dégagé sur la terrasse inférieure. À l’est de ce bâtiment se trouve une cour dont le sol est recouvert d’une mosaïque faite de galets disposés en damier ; il s’agit là de l’une des plus anciennes mosaïques connues.
Au cours de la saison 2022, une structure circulaire en pierre construite sur la pente a été dégagée au nord du temple principal de la ville, à proximité de la rivière qui coule le long des remparts. Cette structure unique en son genre avait sans doute une fonction rituelle. En effet, elle était remplie en son centre de restes d’animaux et de fragments de céramiques, suggérant des offrandes offertes à une divinité. Un rituel hittite mentionnant le dieu de l’Orage de Zippalanda et destiné à protéger la vie du couple royal consistait à sacrifier des animaux dans une fosse appelée ‘hattessar’ et située au bord d’une rivière.
Structure ronde découverte à Uşaklı höyük en 2022. © University of Pisa / Uşaklı Höyük Archaeological Project
Outre la localisation du site à proximité de la montagne sacrée du dieu de l’Orage de Zippalanda, la mise en relation de la structure circulaire et de son contenu avec ce rituel hittite permet de confirmer l’identification d’Uşaklı höyük avec la Zippalanda hittite.
Nous souhaitons aux archéologues italiens et turcs bien d’autres découvertes sur ce site prometteur.
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du journal CNRS