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Les parcours des quatre lauréats de la médaille de l’innovation 2020 du CNRS illustrent la qualité et la variété des recherches conduites au CNRS, ainsi que la diversité des voies de valorisation empruntées. Dépôts de brevets, programmes de pré-maturation de projets innovants, relais vers les programmes de maturation portés par les SATT, programme RISE d’accompagnement dans la création de start-up, création de laboratoires communs avec des entreprises de toutes tailles, « les scientifiques qui manifestent la volonté de valoriser les résultats de leur recherche vers le tissu socio-économique bénéficient aujourd’hui de toute la panoplie des dispositifs d’accompagnement mis en place par le CNRS ses dernières années », indique Jean Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS. Les parcours des lauréats prouvent aussi que des recherches, même très fondamentales, peuvent déboucher sur la création d’entreprises ou s’accompagner de transferts vers le monde économique.
Sophie Brouard, des stratégies contre le rejet des greffes
Vétérinaire de formation, Sophie Brouard s’est progressivement intéressée au problème du rejet des greffes. À présent directrice de recherche CNRS au Centre de recherche en transplantation et immunologie1, elle travaille sur la réduction des lourds traitements qui évitent le rejet, mais causent de nombreux effets secondaires. Elle s’intéresse notamment au phénomène de régulation lymphocytaire. « Quelques rares patients arrêtent parfois de prendre leurs médicaments, sans pour autant rejeter leur greffon », explique Sophie Brouard. La chercheuse a découvert que ces patients présentent dans leur sang des lymphocytes B régulateurs (Breg), lesquels inhibent la prolifération des lymphocytes T effecteurs qui s’attaquent au greffon.
Sophie Brouard travaille aussi à l’identification de biomarqueurs sanguins du risque de rejet de greffe. L’objectif est de prévoir le rejet pour l’anticiper au niveau thérapeutique et également de réduire le nombre de biopsies sur le greffon, une manœuvre à risque pour celui-ci. Forte de 163 publications scientifiques et 13 brevets, elle a participé à la fondation des entreprises TcLand Expression, sur les biomarqueurs, et Effimune, devenue OSE Immunotherapeutics, qui traite des réactions immunitaires lors de cancers et de maladies auto-immunes.
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Daniel Hissel, des piles à hydrogène plus durables
Alors que les piles à hydrogène se répandent dans les secteurs de l’énergie et des transports, Daniel Hissel, professeur à l’université de Franche-Comté et membre de l’Institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique – sciences et technologies2, travaille sur le diagnostic de leur état en temps réel. Son but : mesurer en direct l’état des piles à hydrogène pour en augmenter les performances et la durée de vie. Son approche inclut l’ensemble des phénomènes à l’œuvre : chimiques, électriques, électrochimiques, thermiques, mécaniques… Grâce à l’intelligence artificielle, le chercheur améliore également les systèmes hybrides qui combinent batteries, supercondensateurs et piles à hydrogène. Des algorithmes permettent d’optimiser les flux énergétiques en fonction de l’usage, pour maximiser les performances de chacune d’entre elles.
Les travaux de Daniel Hissel sont valorisés dans la start-up H2SYS qu’il a cofondée en 2017 et qui emploie aujourd’hui dix salariés. L’entreprise a notamment participé à la conception de la première semi-remorque frigorifique fonctionnant à l’hydrogène, ainsi qu’un groupe électrogène silencieux et écologique, alliant batterie et pile à combustible. « La diffusion des savoirs, depuis les laboratoires CNRS vers la société, compte énormément pour moi, dit-il. C’est une façon d’avoir un impact direct dans les domaines économiques, sociétaux et environnementaux. »
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Arnaud Landragin, des capteurs ultra-précis
Imaginez des capteurs si précis qu’ils permettent une navigation inertielle indiquant la position d’un appareil rien qu’en mesurant ses accélérations et ses rotations, et sans aide extérieure. L’interférométrie atomique offre ces possibilités. Arnaud Landragin, directeur de recherche au CNRS et directeur du laboratoire Systèmes de référence temps-espace3, utilise le principe quantique selon lequel une particule est également une onde. Grâce à des lasers, il parvient à séparer chaque atome en deux ondes qu’il éloigne puis recombine. Elles présentent alors d’infimes différences dues à l’action de la gravité dont on calcule ainsi la force locale.
Pour transformer des expériences de laboratoire en appareils de terrain, Arnaud Landragin a notamment amélioré les systèmes existants grâce à un jeu de miroir, afin qu’ils fonctionnent avec seulement un faisceau laser là où il en fallait au moins six auparavant. Ce réflecteur pyramidal, fiable et portatif, est au cœur des premiers gravimètres à atomes froids commercialisés dans le monde, via l’entreprise Muquans qu’Arnaud Landragin a cofondée. Comme la composition du sous-sol influe sur la gravité, ces appareils permettant d’étudier le champ de pesanteur donnent de précieuses informations pour les géosciences. « L’association de la recherche et de l’innovation me correspond tout à fait, souligne le chercheur. J’ai toujours essayé de valoriser mes résultats, même les plus fondamentaux. »
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Franck Molina, des cellules artificielles pour le diagnostic
« Mes travaux ont d’abord été vus comme relevant de la science-fiction, avec un horizon inatteignable », se remémore Franck Molina. Ils se sont pourtant concrétisés. Directeur de recherche CNRS et directeur du laboratoire Modélisation et ingénierie des systèmes complexes biologiques pour le diagnostic4, Franck Molina, déjà lauréat de la médaille de bronze du CNRS en 2004, est un pionnier de la biologie des systèmes. Au sein de cette discipline, on s’attache à simuler et à modéliser des systèmes biologiques complexes tels que les cellules. Mais à force de travailler sur les règles et les comportements du vivant, il s’est peu à peu orienté vers une approche inverse... Grâce à la biologie synthétique, il parvient à concevoir et programmer des cellules artificielles comme des biomachines dans le but de leur confier des tâches non naturelles.
Ces cellules artificielles servent en particulier à réaliser des diagnostics ultra-rapides, bon marché et ne nécessitant pas la présence de professionnels de santé. Le simple changement de couleur d’une bille dans les urines indique l’insulinorésistance, un état précurseur du diabète. Elles pourraient à terme servir à détecter des pesticides. Les travaux de Franck Molina ont fait l’objet de nombreux transferts industriels vers des entreprises telles que BioRad, Alcediag, Tronico, DiaDx et Skillcell. ♦
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du journal CNRS