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De la santé à l’énergie en passant par l’informatique ou la chimie, les recherches menées dans les labos trouvent régulièrement des prolongements dans le monde socio-économique. Découvrez sur ce blog des exemples de valorisation des recherches menées au CNRS, une des institutions les plus innovantes au monde.

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Trio gagnant pour l’innovation
09.07.2024, par Martin Koppe
Le chimiste Cyril Aymonier, le physicien Lydéric Bocquet et la spécialiste de physique quantique Eleni Diamanti sont les lauréats 2024 de la médaille de l’innovation du CNRS. Cette récompense, qu'ils recevront au mois de décembre, honore des femmes et des hommes dont les recherches ont conduit à une innovation marquante sur le plan technologique, thérapeutique ou social.

Cyril Aymonier : les fluides supercritiques au service du développement durable

De l’eau miscible avec de l’huile et qui ne solubilise plus les sels ? C’est ce qui se produit dans l’eau dans des conditions particulières de température et de pression, appelées « supercritiques  ». D’une manière générale, les solvants en conditions supercritiques adoptent un comportement entre gaz et liquide. Ce comportement hybride permet notamment la synthèse, la mise en forme et le recyclage de matériaux inatteignables par des approches conventionnelles. Dès lors, « les technologies liées aux fluides supercritiques s’inscrivent dans la démarche de l’économie circulaire et du développement durable, précise Cyril Aymonier. Elles permettent entre autres d’augmenter la part de matières premières recyclées dans les nouveaux matériaux ». Ce chimiste, directeur de recherche au CNRS, est un expert mondialement reconnu de ces milieux fluides supercritiques. Depuis l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux1 qu’il dirige, il conçoit de nouveaux matériaux et matières premières de recyclage, tout en développant des procédés adaptés aux conditions supercritiques.

Cyril Aymonier en discussion avec Thomas Voisin, chef de projet à la société IDELAM. Ils se tiennent devant un pilote pour le recyclage par délamination de matériaux complexes multi-composants d'IDELAM, hébergé à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux.
Cyril Aymonier en discussion avec Thomas Voisin, chef de projet à la société IDELAM. Ils se tiennent devant un pilote pour le recyclage par délamination de matériaux complexes multi-composants d'IDELAM, hébergé à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux.

Ses recherches ont abouti au dépôt de près d’une cinquantaine de brevets, dont plus de trente issus de contrats de collaboration avec des partenaires industriels comme Safran, Arkema, Imerys, Renault, Essilor, L’Électrolyse, etc. Des partenariats industriels qui ont donné lieu à des applications aussi variées que la synthèse de minéraux artificiels, de matériaux pour la catalyse et l’aéronautique, mais aussi le recyclage de cellules photovoltaïques, d’aimants, d’emballages alimentaires et de thermoplastiques.

Les travaux de Cyril Aymonier sont à l’origine de la création, en 2019, de la start-up IDELAM, qui exploite une technologie unique de délamination pour le recyclage de matériaux complexes multicomposants. Très impliqué dans la formation par la recherche, il a encadré plus de soixante-dix thèses et postdoctorats, dont plus de la moitié en partenariat avec des entreprises. Un choix qu’il justifie par le fait que la majeure partie des questionnements industriels peuvent se traduire en problématique scientifique, « c’est pourquoi mes activités vont d’études très fondamentales au transfert de technologie avec des partenaires industriels ». Il pourra accrocher sa médaille de l’innovation à côté de sa médaille de bronze du CNRS, obtenue en 2011. 

À voir : notre reportage vidéo Quand les fluides supercritiques facilitent le recyclage des déchets 

Lydéric Bocquet : maîtriser des fluides aux nano-échelles

L’or bleu n’en finit plus de nous surprendre. De récents travaux en nanofluidique ont révélé qu’à des échelles nanométriques, comme lorsqu’ils traversent des nanotubes de carbone, les flux d’eau acquièrent des propriétés qui débouchent sur des applications inattendues. Produire de l’électricité, écrire aux nano-échelles, retirer l’alcool des boissons et bientôt dessaler de l’eau de mer… Autant de valorisations tirées des recherches fondamentales de Lydéric Bocquet, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique de l’École normale supérieure2. Ce physicien a ainsi déposé douze brevets, notamment sur des membranes, et fondé quatre start-up.

Lydéric Bocquet et Paulina Sarnokowski, de la toute nouvelle start-up Ilion, testent un prototype du dispositif de dessalement Viro.
Lydéric Bocquet et Paulina Sarnokowski, de la toute nouvelle start-up Ilion, testent un prototype du dispositif de dessalement Viro.

Depuis 2015, Sweetch Energy tire de l’énergie renouvelable des différences de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce. Une « énergie décarbonée et non-intermittente » au potentiel incroyable, que détaille Lydéric Bocquet : « Le réservoir possible au niveau mondial est estimé entre 1 000 et 2 000 GW, soit l’équivalent de 1 000 à 2 000 réacteurs nucléaires, sachant qu’il n’y a actuellement que 400 réacteurs nucléaires sur la planète ». Tout juste lancée, Ilion puise aussi sa force de l’océan en proposant une technique innovante de dessalement de l’eau de mer. Hummink fournit de son côté depuis 2020 une technologie d’impression nanométrique fonctionnant sur de larges surfaces et ce sans avoir besoin de disposer d’une salle blanche. Altr, enfin, utilise des membranes en oxyde de graphène pour retirer l’alcool de boissons telles que le vin ou la bière. Une grande variété d’applications, renforcée par le fait que Lydéric Bocquet est par ailleurs consultant scientifique pour diverses entreprises, comme Saint-Gobain ou Plastic Omnium.

Une forte implication industrielle qui ne détourne pas Lydéric Bocquet de ses missions académiques. Il est en effet membre de l’Académie des sciences, professeur attaché à l’ENS Paris et médaille d’argent du CNRS en 2017. Outre son travail sur l’innovation, Lydéric Bocquet poursuit ses travaux en nanofluidique, autour de l’ingénierie quantique des flux aux échelles nanométriques, et la conception de nanomachines ioniques qui imitent différentes fonctions biologiques, dont celles des neurones. Ces circuits sont capables de certaines tâches élémentaires d’apprentissage. 

À voir : notre reportage vidéo L’énergie osmotique, l'électricité bleue du futur ? 

Eleni Diamanti : révolutionner la communication quantique

Et si la lumière aidait la révolution de l’informatique quantique à atteindre son plein potentiel ? C’est ce à quoi œuvre Eleni Diamanti, directrice de recherche CNRS au laboratoire LIP63. Pour ce faire, elle utilise les photons comme porteurs d’information quantique et développe différentes solutions technologiques pour les réseaux de communication quantique. Elle a aussi mis au point des protocoles cryptographiques, qui permettent notamment un échange de clés robuste face aux futures attaques par des ordinateurs quantiques.
 

Eleni Diamanti et des collaborateurs du laboratoire de recherche en informatique de Sorbonne Université (LIP6) préparent un banc optique pour une expérience de communication quantique, visant en particulier l'échange quantique de clés cryptographiques.
Eleni Diamanti et des collaborateurs du laboratoire de recherche en informatique de Sorbonne Université (LIP6) préparent un banc optique pour une expérience de communication quantique, visant en particulier l'échange quantique de clés cryptographiques.

Au-delà de ses travaux académiques, la physicienne s’est rapprochée des acteurs de l’innovation. Celle qui « n’aime pas les choses figées » et apprécie « les nouvelles idées et directions qu’offre l’écosystème collaboratif de la recherche » a cofondé, en 2022, la start-up Welinq. Ce fleuron français des technologies quantiques propose des solutions basées sur des mémoires quantiques pour connecter plusieurs processeurs quantiques, afin de dépasser les limites en puissance de calcul imposées par des processeurs individuels. Welinq déploie aussi sa technologie dans des infrastructures de communication quantique à longue distance. Eleni Diamanti dirige également le Paris Centre for Quantum Technologies, qui réunit vingt-trois laboratoires autour de technologies quantiques.

L’expertise de la chercheuse lui a valu de nombreux partenariats industriels, comme avec Airbus, Deutsche Telekom, Orange ou Thales, ainsi qu’avec des institutions telles que l’Agence spatiale européenne et l'Office national d'études et de recherches aérospatiales. Une situation qu’elle juge intéressante : « J’ai vu l’évolution de mon domaine qui, parti d’une niche particulièrement pointue, attire à présent énormément d’attention, y compris de la part de grands groupes industriels et des gouvernements  ». Signe de l’attention autour des travaux d’Eleni Diamanti, elle a également reçu cette année la médaille d’argent du CNRS.

À voirLumière et cryptographie quantique (un épisode Brèves de science). ♦

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux.
  • 2. Unité CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université/Université Paris Cité.
  • 3. Unité CNRS/Sorbonne Université.

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