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De la santé à l’énergie en passant par l’informatique ou la chimie, les recherches menées dans les labos trouvent régulièrement des prolongements dans le monde socio-économique. Découvrez sur ce blog des exemples de valorisation des recherches menées au CNRS, une des institutions les plus innovantes au monde.

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Des avancées pour le recyclage des aimants à terres rares
21.04.2023, par Martin Koppe
Fondée en 2020 à partir de travaux de l’Institut Néel, la start-up MagREEsource s'est donné pour objectif de développer un pilote industriel de recyclage et de refabrication des aimants, avec une approche qui limitera les pertes de matière. Un pas important alors que les aimants sont de plus en plus demandés pour la transition énergétique.

Ils ne servent pas qu’à décorer nos frigos : les aimants ont un rôle crucial à jouer dans la transition énergétique. Les aimants industriels sont conçus à partir d’alliages de fer ou de bore, comprenant surtout des terres rares, un groupe de métaux englobant des éléments tels que le néodyme, le dysprosium ou le praséodyme. Or, 98 % de l’extraction et de la transformation mondiales de terres rares proviennent de Chine, pays qui se retrouve ainsi en situation de quasi-monopole sur la fabrication d’aimants.

La demande en aimants ne fait qu’augmenter. Une situation qui va s’amplifier pour lutter contre la crise climatique, car ils sont nécessaires aussi bien aux turbines des éoliennes qu’aux véhicules électriques. L’Union européenne a même classé les terres rares parmi les matériaux critiques et appelle à des solutions pour en diversifier l’approvisionnement.

Aimants divers en fin de vie, après démantèlement.
Aimants divers en fin de vie, après démantèlement.

La découverte de nouveaux gisements ne permettra pas d’y répondre, car l’installation d’une mine et le lancement d’une véritable production prendraient au moins quinze ans, alors les prochaines étapes de la transition écologique devront être franchies d’ici à 2030. « Le recyclage est le seul moyen d’être autonome à court terme », affirme Erick Petit, président et cofondateur de MagREEsource. Des problématiques qui recoupent également celles liées à la réindustrialisation de l’Europe.

Un modèle « magnet-to-magnet »

Dans un esprit d’économie circulaire, la start-up grenobloise MagREEsource propose un modèle, dit « magnet-to-magnet », de récupération d’anciens aimants afin de les recycler et d’en fabriquer directement de nouveau. Les vieux aimants n’ont pas perdu leurs performances magnétiques, mais ils doivent être refabriqués avec la forme et les paramètres nécessaires à leur utilisation industrielle.

Chez MagREEsource, leur recyclage repose sur un processus de décrépitation par hydrogène. Le gaz pénètre dans les pores des matériaux, comme de l’eau dans du bois, et en pulvérise la structure. Dans des conditions bien contrôlées, on obtient alors une poudre magnétique qui a déjà la bonne composition et la microstructure pour faire de nouveaux aimants. L’alliage est en effet conservé dans la poudre, et n’a plus besoin que d’un rapide traitement avant de recevoir sa forme finale. « D’autres systèmes promettent de recycler les aimants, mais ils ne sont pas tous réalistes du point de vue écologique et économique, affirme Erick Petit. Notre approche permet de réutiliser directement la matière première en boucle courte, à partir d’aimants de n’importe quelle taille ou configuration. »

Poudre recyclée magnétique.
Poudre recyclée magnétique.

Le procédé de fabrication des aimants à partir de la poudre est également spécifique à MagREEsource. Ils sont classiquement conçus par frittage, c’est-à-dire par chauffage et compression de la poudre, qui engendre des pertes de matière de l’ordre de 10 à 15 %. Si l’aimant doit avoir une forme complexe, la poudre peut, à la place, être mélangée à des polymères ou de l’époxy avant que le tout ne soit injecté dans un moule adapté. Les performances magnétiques sont cependant bien moindres. « Nous mettons en avant une troisième voie, basée sur la fabrication additive ou impression 4D », explique Erick Petit. La technique brevetée de MagREEsource, par fusion laser, réduit fortement les pertes de matière.

Une levée de fonds de 5 millions d'euros pour un site pilote

Ces solutions sont issues de travaux menés pendant trente ans à Institut Néel de Grenoble (CNRS). Daniel Fruchart, directeur de recherche émérite au CNRS, a mis en évidence le principe de la décrépitation par l’hydrogène. La méthode sera ensuite optimisée comme technologie de recyclage d’aimants permanents par son ancienne doctorante, et actuelle chercheuse à l’Institut Néel, Sophie Rivoirard. En 2017, Sophie Rivoirard sent que cette technologie pourrait aboutir à une start-up industrielle et se rapproche de la société d’accélération du transfert de technologies (Satt) Linksium, implantée dans la région de Grenoble. Le projet est alors sélectionné pour être incubé et maturé. Erick Petit rejoint l’aventure fin 2019 et MagREEsource est fondée l’année suivante, hébergée dans des bureaux du CNRS.

Aimants de disques durs.
Aimants de disques durs.

En 2022, MagREEsource lève cinq millions d’euros qui serviront à déménager dans ses propres locaux pour monter un site industriel pilote, en cours d’installation. Le site pilote permettra également de tester les solutions d’optimisation de la consommation en eau et énergie de ces procédés métallurgiques. « Nous ne pouvons pas nous passer d’une acceptation sociale et environnementale, insiste Erick Petit. Nous faisons d’ailleurs partie de la convention des entreprises pour le climat, qui nous aide à établir une feuille de route vers une usine la plus durable possible. »

Des financements supplémentaires d’environ cinquante millions d’euros seront nécessaires pour monter en puissance, jusqu’à une usine capable de produire 500 tonnes d’aimants d’ici à 2024. Des preuves de concept sont étudiées à destination des secteurs automobiles, de l’éolien, ou encore de l’aéronautique. ♦

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