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Donner du sens à la science

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De la santé à l’énergie en passant par l’informatique ou la chimie, les recherches menées dans les labos trouvent régulièrement des prolongements dans le monde socio-économique. Découvrez sur ce blog des exemples de valorisation des recherches menées au CNRS, une des institutions les plus innovantes au monde.

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La rédaction de CNRS le journal

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Voici les lauréats 2021 de la médaille de l'innovation
15.04.2021, par Mathieu Grousson
Mis à jour le 19.11.2021
François Jérôme, Nora Dempsey, Amanda Silva Brun et Antoine Aiello ont reçu jeudi 18 novembre la médaille de l'innovation 2021 du CNRS. Créée il y a 10 ans, cette distinction honore des personnalités dont les recherches exceptionnelles ont conduit à des innovations marquantes sur le plan technologique, économique, thérapeutique et social, valorisant la recherche scientifique française.

Dépôts de brevets, programmes de pré-maturation de projets innovants, mais aussi laboratoire de recherche commun avec des acteurs économiques, ou encore accompagnement des futurs créateurs de start-up, « les scientifiques qui manifestent la volonté de valoriser les résultats de leur recherche vers le tissu socio-économique disposent aujourd’hui d’un vaste choix d’opportunités », indique Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS. Les quatre lauréats 2021 de la médaille innovation du CNRS illustrent la diversité des voies de valorisation qu’il est possible d’emprunter, tout en poursuivant des recherches de grande qualité. Pour Jean-Luc Moullet, « il ne s’agit pas de transformer chaque scientifique en créateur de start-up, mais il importe de continuer à distiller l’esprit d’entrepreneuriat au sein des laboratoires ».

François Jérôme, la catalyse au défi de la chimie durable
 
Interrogé sur ce qui le motive, François Jérôme, directeur de recherche CNRS à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP)1, répond du tac au tac : « l’exploration, associée à la possibilité que mes travaux aident à résoudre des problématiques sociétales importantes. » Et dans la bouche de ce spécialiste de catalyse, ce n’est pas qu’une formule. Sa spécialité : la chimie biosourcée et durable, qui vise notamment à l’élaboration de molécules d’intérêt à partir de la biomasse vue ici notamment comme substitut au pétrole.

Précisément, le chimiste s’est fait une spécialité de la transformation du sucre d’origine végétale en produits chimiques de spécialité (tensio-actifs, solvants, monomères…). Comment ? En catalysant les réactions avec des agents physiques (champs électriques, ondes de choc, ondes ultrasonores…), autrement dit, sans recours à une activation chimique. Depuis dix ans, la liste des réactions d’intérêt élaborées par le chercheur n’a fait que s’allonger. « Généralement, nous sommes guidés dans nos travaux par les besoins des industriels avec lesquels nous collaborons », précise-t-il. Par exemple avec Solvay, avec qui il travaille depuis 2014, François Jérôme a mis au point un procédé de synthèse, à partir de sucre, d’un monomère important pour l’électronique. Signe de la robustesse de la collaboration : depuis cette année, son équipe est le laboratoire « miroir » de l’unité mixte internationale phare CNRS-Solvay de Shanghai sur la catalyse.

François Jérôme.
François Jérôme.

Ne négligeant pas le tissu de PME, le chercheur a également mis sur pied, en 2014, un projet avec la bioraffinerie ARD pour l’élaboration de tensio-actifs – des molécules utilisées pour fabriquer des détergents ou des savons et shampoings – à partir de déchets agricoles2. Les brevets et savoir-faire issus de cette collaboration sont désormais développés par la start-up BioseDev, créée en 2019 par deux anciens étudiants de l’IC2MP.

Conscient que l’essor d’une chimie durable passe par la création de points de rencontre entre monde scientifique, industrie et société, François Jérôme est à l’origine de la fédération de recherche CNRS Increase, créée en 2015. Réunissant huit laboratoires et une kyrielle d’industriels, elle permet aux chercheurs d’intégrer des problématiques industrielles en amont de leurs recherches et ainsi d’accélérer la mise sur le marché de produits innovants. Il est aussi à l’initiative de l’International symposium on green chemistry. Devenu le congrès de référence de la chimie verte, il se tient tous les deux ans à La Rochelle depuis 2013. « Lors de la dernière édition, en 2019, nous avons rassemblé 700 personnes, dont 50 % issues de l’industrie, se félicite le scientifique. Nous avons également organisé des conférences grand public et des ateliers pour les scolaires. » De quoi aider à faire de la chimie verte une réalité qui profite à tous.

Nora Dempsey : des micro-aimants plein de promesses
 
Comme spécialiste des matériaux, Nora Dempsey, directrice de recherche CNRS à l’Institut Néel, a une passion : le magnétisme. Et comme boussole dans ses travaux, « le fait que mes recherches aident à résoudre des problématiques à fort impact sociétal », explique cette Irlandaise qui, après un doctorat soutenu au Trinity College de Dublin, a fait le choix de la France et a été recrutée au CNRS en 2001. Depuis, la physicienne a acquis une renommée internationale pour ses travaux sur les micro-aimants haute performance, dont les applications couvrent les domaines de l’énergie et de la biologie.

Concrètement, la scientifique s’est d’abord fait un nom en développant la synthèse d’aimants sous forme de films micrométriques. L’utilisation de la lithographie/graveur et le développement d’une voie thermomagnétique ont ensuite permis de contrôler la microstructure magnétique de micro-aimants. Précisément des micro-aimants de type terre rare-fer-bore, qui, sous leur forme massive, sont des éléments essentiels de la fabrication des véhicules hybrides ou des éoliennes.

Nora Dempsey.
Nora Dempsey.

Ainsi, dans un contexte de tensions sur les matières premières, les travaux de Nora Dempsey se sont révélés être des systèmes modèles pour optimiser les performances de ces aimants. Pour preuve, les collaborations soutenues avec plusieurs industriels dont Toyota (depuis 2007) et Valeo. En parallèle, celle qui, dès qu’on l’interroge, met en avant « le travail d’équipe, l’environnement scientifique extraordinaire et le support technique irremplaçable dont j’ai bénéficié au laboratoire », a participé à la maturation de la start-up Magia Diagnostic, créée en 2017. Résultat : celle-ci exploite désormais deux brevets de la chercheuse pour des applications dans le domaine du diagnostic médical, où des micro-aimants sont utilisés pour capturer des molécules.

Ces dernières années, Nora Dempsey a également développé avec des collègues brésiliens un dispositif de caractérisation magnétique. Fondé sur l’utilisation d’une source de champ magnétique de haute intensité, il permet des caractérisations à haut débit et ne nécessite pas de recourir à des fluides cryogéniques comme c’est le cas avec les autres techniques. Les droits d’exploitation du brevet associé ont été accordés en 2020 à l’entreprise grenobloise Hprobe, spécialisée dans les tests sous champ magnétique. Cette maîtrise de la synthèse et de la caractérisation des micro-aimants permet aujourd’hui à Nora Dempsey d’envisager des procédés pour leur intégration dans des actionneurs, des récupérateurs d’énergie ou encore des capteurs micrométriques. C’est l’objet du projet en cours de maturation MicroMagFab, avec en ligne de mire la possible création d’une start-up. Preuve qu’en matière de valorisation, la spécialiste des aimants emprunte toutes les directions possibles.

Amanda Silva Brun : des thérapies innovantes à base de vésicules
    
« Mon objectif est de développer des thérapies innovantes à partir des vésicules extracellulaires et de comprendre les mécanismes associés », résume Amanda Silva Brun, chargée de recherche CNRS au laboratoire Matière et systèmes complexes3. Double docteure, en pharmacie galénique et en biologie cellulaire, la chercheuse développe des technologies de production et ingénierie des vésicules extracellulaires (VEs) ainsi que leurs applications pour la médecine régénérative et la délivrance de principes actifs, activités qu’elle aborde en parallèle sous plusieurs aspects, de la recherche fondamentale à la création d’entreprise.

Vésicules extracellulaires ? Ces minuscules « particules cellulaires » naturellement produites par les cellules stromales – des cellules ayant des propriétés des cellules souches – possèdent des propriétés régénératives sans présenter les risques et inconvénients associés aux cellules. Elles peuvent également servir de « véhicule » pour acheminer des médicaments dans l’organisme.

Dès son post-doc, en 2010, puis à partir de 2013, comme chercheuse au CNRS, la pharmacienne de formation travaille sur le chargement des VEs comme vecteurs médicamenteux avec Claire Willem et Florence Gazeau. Mais très vite, elle entrevoit une limitation à leur essor : la difficulté de les produire en nombre. Pour y remédier, Amanda Silva Brun propose d’utiliser un bioréacteur dont elle détourne l’agitateur pour générer un flux turbulent afin de stimuler la libération des VEs. « Nous avons démontré que l’approche s’applique à différents types cellulaires pendant la thèse de Max Piffoux », explique-t-elle. À la clé, un facteur 10 en productivité et un facteur 10 en temps gagné par rapport aux procédés existants.

Amanda Silva Brun.
Amanda Silva Brun.

En parallèle, avec son collègue clinicien Gabriel Rahmi, le binôme développe un système de délivrance à base d’hydrogel (un gel à base d’eau) pour acheminer et retenir les VEs pour le traitement des fistules digestives, soit des communications digestives anormales entre les organes de la digestion. Résultat sur le cochon, un modèle animal très proche de l’humain : 100 % de guérison, contre zéro dans le cas du groupe témoin. Forte de ces résultats, la chercheuse a cofondé deux start-up. Pour la production des vésicules, EverZom a vu le jour en 2019. Dirigée par Jeanne Volatron, ex-doctorante du laboratoire, elle a aujourd’hui une activité en forte croissance. Créée l’année dernière autour du traitement des fistules, Evora Biosciences recherche des investisseurs, avec en ligne de mire la préparation d’essais cliniques sur l’humain.

En 2020, la chercheuse a par ailleurs été lauréate d’une bourse ERC Starting Grant : « maintenant que nous savons que ces technologies répondent à un besoin, ce financement va permettre d’étudier les mécanismes de biogénèse des vésicules générées par turbulence et leurs mécanismes d’action », détaille-t-elle. Façon pour Amanda Silva Brun d’être sur différents fronts.
 
Antoine Aiello, l’ingénierie écologique au service de la mer
 
Issu d’une famille de pêcheurs, chercheur en modélisations et simulations comportementales des systèmes complexes, président de l’université de Corse à 31 ans… et désormais directeur de la plateforme Stella Mare4, Antoine Aiello, 50 ans, a comme il le reconnaît lui-même un « profil atypique » et semble avoir déjà vécu plusieurs vies. Pour autant, le dénominateur commun des nombreuses activités de ce chercheur qui a soutenu son HDR en 2004, est clair : « transformer la recherche en richesses afin de répondre à des questions socialement vives ».

Stella Mare, Antoine Aiello en a eu l’idée lors d’un voyage scientifique en Crète. Et très vite, la plateforme, labellisée par le CNRS en 2011, réunit scientifiques, professionnels de la mer, gestionnaires de l’environnement et acteurs institutionnels dans le but de parvenir à une gestion intégrée des ressources halieutiques de Corse. Concrètement, ici l’objectif est d’acquérir la maîtrise de la ponte et de l’élevage d’espèces remarquables d’un point de vue écologique et/ou socio-économique. De quoi alors « agir sur le maintien des stocks, restaurer les environnements ou encore bénéficier des apports écosystémiques d’une espèce », explique le scientifique.

Antoine Aiello.
Antoine Aiello.

En une décennie d’activité, dans une approche pluridisciplinaire, Stella Mare a étudié et développé des procédés très avancés sur l’oursin, l’araignée de mer, le denti, le corb, ou encore la langouste. Exemple représentatif de l’apport de la plateforme, l’huître plate, une espèce que les ostréiculteurs corses ne parvenaient pas à cultiver. Résultat : « 500 000 individus sont désormais en culture dans l’étang de Diana, et nous prévoyons de passer à quelques millions l’année prochaine », s’enthousiasme Antoine Aiello. En parallèle, les chercheurs ont installé ces mêmes huîtres dans le port de Bastia et démontré qu'elles pouvaient aussi « bio-épurer » l’équivalent du volume d’eau du port en une semaine ! Comme le résume Antoine Aiello, « il y a 10 ans, Stella Mare était une utopie, aujourd’hui nous démontrons par l’innovation que nous pouvons transformer le réel, et être à l’origine de la création d’une bio économie bleue en Méditerranée. »

En passant par des chemins de valorisation originaux, la plateforme entend pour l’essentiel conserver ses savoir-faire, tout en structurant des partenariats R&D avec des décideurs, des gestionnaires ou des professionnels de la mer. Néanmoins, Antoine Aiello opte pour la prématuration dans le cadre du projet BioDataLive portant sur le suivi en temps réel d’individus sous-marins marqués avec des émetteurs hydroacoustiques.

Pour le chercheur, l’essentiel est avant tout d’accorder son travail avec une « vision du monde » où l’exploitation raisonnée des ressources naturelles s’articule avec les spécificités environnementales, sociales et culturelles d’un territoire. Une vision qu’il résume en une formule simple : « savoir habiter », dont Stella Mare est l’expression la plus concrète. ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université de Poitiers.
  • 2. François Jérôme est l'auteur d'un chapitre consacré à la valorisation des déchets dans l'ouvrage collectif Étonnante chimie. Découvertes et promesses du XXIe siècle, Claire-Marie Pradier (dir.), CNRS Editions, en librairie le 22 avril.
  • 3. Unité CNRS/Université de Paris.
  • 4. Unité CNRS/Université de Corse Pasquale Paoli.

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