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Alors que les négociateurs de la COP21 tentent toujours de trouver un accord à Paris, les chercheurs de 30 laboratoires de par le monde ont dévoilé hier les chiffres des émissions de CO2 d’origine anthropique (produit par les activités humaines, donc) dans l’atmosphère en 2014. Avec 35,9 milliards de tonnes de CO2 émis en 2014, contre 35,7 en 2013, les émissions de CO2 ont augmenté de « seulement » 0,6% selon le Global Carbon Atlas. Cela fait suite à une décennie d’augmentation soutenue : +2,4 % d’augmentation des émissions de CO2 en moyenne entre 2004 et 2013.
« Ce chiffre est une bonne nouvelle, mais demande à être confirmé dans les années qui viennent pour savoir s’il s’agit d’une vraie tendance ou si c’est seulement un symptôme de la crise économique mondiale – quand le PIB est en berne, les besoins en énergie sont en effet moindres, nuance Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (*), qui participe à l'élaboration du Global Carbon Atlas. Durant le choc pétrolier des années 70, les émissions de CO2 dans l’atmosphère avaient diminué avant de repartir de plus belle ensuite. » Pour rappel, les émissions de CO2 d’origine anthropique dans l’atmosphère devront rapidement diminuer jusqu’à devenir nulles à l’horizon 2100 si l’on veut limiter le réchauffement de la planète à 2°C.
La Chine, moins émettrice que prévu
Premier émetteur de CO2 au monde, avec 27% du total mondial, la Chine a augmenté ses émissions de « seulement » 1,2% en 2014, à comparer aux 6,7% d’augmentation annuelle moyenne affichés durant la dernière décennie. « C’est la surprise de cette année, commente Philippe Ciais, et ce, alors que la Chine avait annoncé qu’elle attieindrait son pic d’émissions en 2030 au plus tard. Les Chinois ont fait des efforts importants en matière d’énergies non carbonées – 60% de la croissance de la consommation énergétique se fait aujourd’hui avec les renouvelables et le nucléaire. Cependant, il est impossible de savoir si la – relative – stagnation de leurs émissions en 2014 annonce une tendance durable due à la montée des énergies renouvelables, ou si c’est juste le symptôme du ralentissement économique de ce pays. »
©Wedodata/Global Carbon Project/CARBONATLAS.ORG
En 2014, la Chine a été le plus gros émetteur de CO2 devant les Etats-Unis et l'Europe.
Les Etats-Unis (2e plus gros émetteur de la planète avec 15% du total mondial) et l’Europe (3e émetteur mondial avec 10% du total) confirment les baisses nettes d’émissions de CO2 affichées depuis 5 à 10 ans : -1,4% pour la Chine et -3% pour l’Europe. « La part des énergies renouvelables atteint désormais 15% en Europe », rappelle Philippe Ciais. 4e émetteur mondial (avec 7,2% du volume total), l’Inde poursuit sa hausse avec +8,6% d’émissions de CO2 en 2014, contre +6% en 2013. « A ce rythme, elle devrait devenir le 3e émetteur mondial, devant l’Europe, d’ici deux à trois ans » indique le chercheur.
Un bilan annuel très récent
Au-delà des chiffres et des tendances, la publication de ce bilan annuel des émissions de CO2 est presque une actualité en soi, puisque c’est seulement sa troisième année d’existence. « Jusqu’en 2013, le secrétariat de la Convention Climat de l’ONU recevait de façon épisodique des données hétérogènes fournies par les pays eux-mêmes... La Chine, par exemple, n’a rien fourni depuis 2005 » rappelle Philippe Ciais. Les 30 laboratoires qui contribuent au Global Carbon Atlas ont donc décidé de prendre le taureau par les cornes en faisant leurs propres estimations, de manière exhaustive et systématique. « Concrètement, on regarde les quantités d’énergies fossiles (pétrole, fuel, gaz, charbon…) consommées dans chaque pays durant l’année écoulée, et on applique un coefficient multiplicateur à chacune d’entre elles - chaque type d’énergie fossile libère en effet une quantité donnée de CO2 », explique Philippe Ciais (2). Les chiffres de consommation utilisés par le LSCE sont par exemple fournis par la compagnie pétrolière BP. « Ca paraît paradoxal, mais ce sont les « pollueurs » qui disposent aujourd’hui des données économiques les plus fiables, avec lesquelles les scientifiques peuvent travailler. »
(1) LSCE : UMR CNRS/CEA/Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
(2) A noter que le CNES a présenté aujourd'hui même au Bourget MicroCarb, un satellite français qui sera chargé de mesurer la présence du dioxyde de carbone atmosphérique sur la planète, grâce au rayonnement lumineux sur la surface terrestre.
Pour voir le bilan détaillé des émissions de CO2 : www.globalcarbonatlas.org/
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du journal CNRS