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Certaines inventions proposées pendant le conflit se retrouvent commercialisées dans des formes adaptées à la vie civile et à l’univers domestique. C’est notamment le cas du Hangar gonflable mis au point par Gabriel Voisin en 1918. Le catalogue de 1920 en fait la promotion pour des usages diversifiés, y compris dans les colonies, insistant sur son « volume dérisoire » et sur son caractère « aisément transportable d’autant que son poids est très faible ». Pionnier français de l’aviation civile et militaire, Voisin était à la recherche d’une solution mobile et pratique pour abriter en toute sécurité les avions en temps de guerre. Ce futur industriel de l’automobile de luxe savait combien il était malaisé, faute d’abris sur place, de transporter périlleusement, matin et soir, des aéroplanes fragiles sur les terrains éloignés. De ses débuts dans l’aviation, il avait aussi acquis une expertise en matière d’entoilages imperméables. Son invention remplit les conditions de mobilité réclamée par la guerre, ce que montre bien le film réalisé pour la section des études et des expériences techniques de la Direction des inventions. Comme toutes les images produites par ce service pendant la guerre, celles du Hangar gonflable restèrent secrètes.
Il faut attendre 1919 pour que l’invention soit partagée publiquement et qu’un compte rendu de séance de l’Académie des sciences soit rapporté dans La Nature, revue de vulgarisation scientifique. Les secrets du hangar pneumatique y sont révélés : « Le hangar replié se présente sous la forme d’un rouleau d’étoffe à ballon, explique l’article. On déploie le rouleau sur le sol, on adapte à un ajustage le tube d’un petit ventilateur ; l’air s’engouffre dans la peau du hangar, qui est à double enveloppe, et la gonfle en quelques minutes ; on voit se dresser une voûte qui s’appuie sur le sol par ses deux bas-côtés, le hangar est construit. Il se replie aussi vite qu’il s’édifie. » Résistant, le hangar supporte d’être escaladé comme le fait le personnage du film, qui grimpe à toute vitesse dessus pour en dégringoler ensuite, non sans effet comique. Toujours en 1919, l’invention de Gabriel Voisin fera, aux États-Unis, la couverture de la revue Scientific American.
En recueillant des propositions tous azimuts et en portant une attention particulière à celles émanant des soldats, la Direction des inventions a encouragé toute une série d’idées visant à améliorer le quotidien d’une guerre qui durait. Pendant le conflit, le matériel devait être facilement transportable. Qui dit mobilité dit légèreté, mais aussi ergonomie. De multiples astuces ont donc été développées pour réduire la place du matériel, le rendre pliant, démontable, et, en tous les cas, facilement transportable. La Moustiquaire Lamoureux et son sac de rangement en font partie.
Comme les boîtes pour le transport des aliments chauds, le biberon Thermos pour aviateur ou encore le principe de la tente moustiquaire survivront à la guerre pour rejoindre les domaines des loisirs et de la vie quotidienne.
De son côté, la bouteille Thermos pour avion du pilote aviateur Maurice Poumet permet d’aspirer le liquide contenu dans une bouteille sans la déboucher. Elle est donc bien adaptée aux aviateurs en vol puisqu’elle est utilisable avec une seule main. Grâce à ce principe, la sécurité du vol n’est pas menacée par des manipulations impliquant par exemple de lâcher le volant ou les commandes, et le bien-être du pilote est assuré. Pour cela, le biberon doit toutefois être fixé à la carlingue, ce que l’inventeur a bien prévu.
Le dispositif est fermé par un bouchon en caoutchouc dont la partie centrale est rigide. Cette partie rigide accueille un bouchon métallique à vis. Quand cette pièce métallique est vissée à fond, la conduite est obturée et l’eau ne peut s’écouler. En la dévissant légèrement, la conduite s’ouvre et l’air peut entrer dans la bouteille, ce qui autorise l’aspiration du liquide par un tube en caoutchouc muni ou non d’une tétine.
Ces deux photographies sont démonstratives et font office de mode d’emploi. Cette bouteille ressemble à s’y méprendre aux bouteilles Thermos actuelles, et le principe de la tétine et du tube pour aspirer le liquide renvoie au dispositif contemporain facilitant l’abreuvage en randonnée. Signalons que la forme ovoïde de cette bouteille Thermos n'est pas sans rappeler celle des nouveaux obus que la guerre moderne produit en masse. Ce biberon pour bouteille Thermos reçoit un avis favorable de la part de la section aéronautique qui l’expertise, et le dossier est transmis au sous-secrétariat d’État à l’Aéronautique le 20 septembre 1917.
Le Lit pliant en bois proposé en 1918 par les frères Bur annonce le succès des sièges, fauteuils, lits et brancards pliants, qui seront développés après la guerre au sein de l’Office national de recherche scientifique et industrielle et des inventions (ONRSII).
C’est en particulier le cas de ce fauteuil de repos pour la plage ou la campagne. Il a la particularité d’être « entièrement démontable en éléments de petites dimensions pouvant trouver place facilement dans un sac de voyage, dans une valise ou encore être réunis par une petite courroie pour former un paquet peu volumineux ». La toile même du siège et celle du dossier peuvent être utilisées pour le transport. Léger et élégant, le fauteuil se compose de deux pièces de toile : la plus longue forme le siège et le dossier, tandis que la plus petite sert à renforcer le siège. Le brevet, demandé par Jean-Marie Congin le 21 juin 1923, est délivré le 22 décembre 1923 et publié le 25 mars 1924. Le principe du fauteuil est ainsi résumé : « Deux toiles sont tendues sur des traverses et montants pouvant être assemblés avec quatre pieds tronconiques par des pièces d’angle métalliques à une ou plusieurs douilles. »
Luce Lebart est historienne de la photographie et commissaire de l’exposition La saga des inventions, à Arles. Elle est chercheuse et correspondante française pour la collection Archive of Modern Conflict.
À voir
• L’exposition La saga des inventions. Du masque à gaz à la machine à laver, les archives du CNRS, coproduite par les Rencontres d’Arles et le CNRS, en partenariat avec les Archives nationales, à Arles, à l’espace Croisière, du 1 juillet au 22 septembre 2019.
• Une vidéo Ces objets de la Première Guerre mondiale qui ont révolutionné les ménages des années 1930
À lire :
Inventions 1915-1938, en librairies et sur le site des Rencontres d’Arles