Fragile banquise
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(Cet article a été publié initialement dans le n° 17 de la revue du CNRS Carnets de science [7])
#01 – 4 février 2024 – Moins intimidant que la banquise arctique, le Québec
Montréal. Il est près de midi lorsque nous posons le pied sur le sol canadien. On apprend enfin que nos équipements, envoyés séparément il y a deux mois, viennent eux aussi d’arriver ! Quel soulagement, la mission va pouvoir commencer dans les temps. Cette campagne de mesure de la glace de mer au Québec est la première mission de terrain que mon équipe de physiciens, spécialisée dans les expériences de laboratoire, organise de A à Z. À l’origine, nous étudions la propagation des ondes au sein du laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes1, à Paris. Mais, depuis deux ans, nos recherches ont pris un tournant plus… immersif.
Tout a commencé par la rencontre de Dany Dumont et Paul Nicot en conférence. Les deux chercheurs québécois sont spécialisés en glaciologie. Ils étudient la banquise qui se forme par intermittence dans l’estuaire du Saint-Laurent en hiver. Pour ma part, en tant que spécialiste des ondes, j’ai toujours voulu mieux comprendre l’effet des vagues sur la banquise, et plus précisément la manière dont elles brisent la glace.
Car, si le processus peut sembler simple a priori, il est loin d’être compris dans les détails. Or toute fragmentation de la banquise, déjà mise à mal par le changement climatique, accélère encore sa fonte en rendant les morceaux plus mobiles. Un véritable cercle vicieux que les scientifiques du climat aimeraient mieux saisir afin de l’intégrer dans leurs modèles.
Nous voilà donc partis pour étudier des ondes grandeur nature sur la banquise. Pas la vraie banquise polaire, trop difficile d’accès pour une première mission de terrain. Nous avons plutôt rejoint Dany et Paul à Rimouski, sur la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent, pour étudier sa banquise hivernale et ses affluents, un terrain que nos collègues québécois connaissent sur le bout des doigts.
Après sept heures de route depuis l’aéroport, nous arrivons enfin au chalet que nous avons loué en bordure du fleuve. Dany nous y attend au coin du feu. Il rencontre les trois autres Français qui m’accompagnent pour la première partie de la mission : les doctorants Baptiste Auvity et Sébastien Kuchly, et Amaury Fourgeaud, l’assistant ingénieur du laboratoire. Notre objectif ultime : trouver des critères simples (épaisseur de glace, taille des vagues…) permettant de prévoir où et quand la glace est susceptible de se fragmenter.
#02 – 8 février 2024 – Embarquement à bord de l’Amundsen
Aujourd’hui, nous rejoignons la ville de Chicoutimi, au bord de la rivière Saguenay, un affluent du Saint-Laurent. Nous allons embarquer sur le NGCC Amundsen, un brise-glace de la Garde côtière canadienne. La silhouette du navire de près de 100 mètres de long se fait plus imposante alors que nous descendons dans le majestueux fjord du Saguenay, creusé par un glacier qui s’est retiré depuis longtemps. L’excitation est à son comble, car la banquise, qui manquait à Rimouski les jours précédents, est bien au rendez-vous ici. Rapidement, nous prenons nos quartiers à bord du navire. Une quinzaine d’autres scientifiques ont embarqué avec nous pour une petite semaine. La mission principale de l’Amundsen est de briser la glace pour maintenir un chenal navigable, mais, quand il n’y a pas de glace à briser, le bateau se met à la disposition des chercheurs.

Dany, qui est chef de mission scientifique à bord, nous explique le mot d’ordre : « Soyez prêts et attendez ! » Lorsque notre tour viendra, nous n’aurons que deux petites heures pour préparer tous nos instruments. Branle-bas de combat ! En attendant le signal, nous nous répartissons les tâches afin d’être toujours sur le qui-vive, prêts à mesurer les vibrations les plus infimes de la banquise.
Nous avons toute une panoplie d’instruments pour écouter la glace, puisque c’est bien ce que nous nous préparons à faire : des géophones, de petits appareils cubiques très lourds généralement utilisés pour mesurer la vitesse des ondes sismiques dans la croûte terrestre, qui enregistreront ici des ondes similaires dans la glace, et des bouées de vagues, des boîtiers assemblés par les océanographes de l’Ifremer pour capter les oscillations plus lentes de la banquise telles que celles créées par la houle.
En disposant ces instruments en différents points de la banquise, on peut connaître précisément la vitesse et la fréquence des ondes qui voyagent dans la mince couche de glace et en déduire les propriétés mécaniques de celle-ci – comme son épaisseur ou sa rigidité –, afin de déterminer ensuite ses risques de rupture si des vagues venaient à l’assaillir.
Pour compliquer le tout, je me suis aussi décidé à embarquer à la dernière minute une vingtaine de smartphones. Les capteurs très sensibles de nos appareils du quotidien, notamment l’accéléromètre et le gyroscope, pourraient eux aussi nous permettre d’écouter la glace et, à terme, remplacer nos instruments scientifiques plus coûteux. Mais cette nouvelle technique n’est pas encore tout à fait au point et finir son développement va m’occuper nuit et jour sur l’Amundsen au détriment de mon sommeil !
#03 – 10 février 2024 – Première mesure réussie !
8 heures. L’Amundsen vient de s’encastrer dans la glace, la passerelle est sortie et nos équipements sont descendus sur la banquise à bord du canot de sécurité – notre solution de repli pour rejoindre le navire si la glace venait à rompre sous nos pieds. Aujourd’hui, le but est de tester notre faculté à déployer nos équipements sur la banquise pour mesurer les propriétés mécaniques de la glace en l’absence de vagues. Si nous sommes capables d’obtenir ces mesures suffisamment rapidement, nous pourrons prévoir une expérience plus ambitieuse dans les prochains jours, où nous observerons enfin la fracturation de la banquise.
Après deux heures trente à déployer les instruments, à écouter les vibrations naturelles de la glace ou encore à taper dessus pour créer nos propres ondes et mesurer leur vitesse de propagation, notre caractérisation mécanique de la banquise est terminée. Notre petite compagnie remonte à bord avec le sourire et des données à analyser. Pour ma part, je ne peux pas m’empêcher d’être un peu inquiet, car j’anticipe l’expérience suivante où nous devrons effectuer cette même caractérisation, à laquelle s’ajouteront les mesures liées à la fracturation de la glace, dans un laps de temps de trois à quatre heures seulement.
Mais chaque chose en son temps, l’essentiel est de faire des mesures « propres », ce que nous vérifions en envoyant les données du jour à notre collaborateur géophysicien grenoblois de l’Institut des sciences de la Terre (Isterre)2, Ludovic Moreau. Il en déduit une épaisseur de glace de 38 cm. Nos mesures directes en perçant la glace indiquaient aussi 38 cm, il y a de quoi être satisfait.
#04 – 11 février 2024 – Fracture grandeur nature
6 heures. L’attente est insoutenable. Nous sommes prêts, la commandante a validé notre nouveau créneau de mesures, nous n’attendons plus que l’aval du Bureau des glaces. L’Amundsen a besoin de l’autorisation de cette instance administrative canadienne pour pouvoir briser la glace. Si c’est oui, le bateau va créer un sillage suffisamment puissant pour fracturer la banquise et nous permettre d’enregistrer le phénomène.
Cette expérience reproduit au plus près les tests miniaturisés que Baptiste effectue au laboratoire. Dans une cuve d’onde de 1 mètre environ, il agite une banquise artificielle en envoyant des vagues dont il contrôle la force, et nous allons pouvoir enfin savoir si cette maquette expérimentale reproduit bien le phénomène naturel de fracture. Entre l’excitation et les derniers préparatifs, je n’ai pas dormi de la nuit… En milieu de matinée, le verdict tombe : nous avons le feu vert pour briser la glace ! Déploiement des équipements prévu à 13 heures.
13 heures. La caractérisation de la banquise, similaire à ce que nous avions réalisé la veille, prend seulement une heure et vingt minutes cette fois-ci. Nous formons ensuite plusieurs lignes avec nos instruments afin d’enregistrer la déformation de la banquise sous l’effet de la vague que l’Amundsen créera à notre signal. Nous plaçons nos smartphones équipés de boîtes flottantes au plus près du bord de la glace, puis les bouées de vagues qui sont elles aussi capables de flotter, et enfin, les géophones à une distance que nous jugeons raisonnable, car ils couleraient à pic s’ils venaient à tomber à l’eau. Dans les airs, trois drones sont prêts à filmer le passage de la vague et la formation des fragments. En dernière ligne, nous cinq, à proximité du canot, par sécurité.
Par radio, nous donnons le signal à la commandante. L’Amundsen accélère à près de 30 km/h et crée une vague dans son sillage qui avance vers la banquise. Je me dis que c’est génial : tout est en place, la glace va casser et nous sommes prêts à tout enregistrer. Pendant une fraction de seconde, j’ai l’impression étrange d’être une fourmi sur la banquise miniature de Baptiste au laboratoire… Mais l’instant poétique ne dure pas, la vague progresse et elle n’a pas l’air petite : pourvu que la banquise ne se fracture pas sur une trop grande distance et qu’on puisse récupérer tous les instruments. Dany nous intime de sauter dans le canot, par précaution.

Une fois la vague passée, on s’active. Les bouées de vagues, les smartphones, l’ordinateur et la borne Wi-Fi qui les commandent flottent au milieu des fragments de glace. Heureusement qu’ils sont étanches. Les géophones, eux, sont sains et saufs sur la banquise. On manœuvre le canot pour récupérer les instruments et, 20 minutes plus tard, tout est remonté à bord de l’Amundsen. Je sais qu’il n’y aura pas de prochaine fois, car la mission du brise-glace touche bientôt à sa fin, mais nous n’aurions pas pu rêver mieux : la glace s’est fracturée et nous avons pu tout enregistrer. J’envoie un message à mon collègue Antonin Eddi, resté à Paris : « C’est bon, c’est un énorme succès ! »
#05 – 15 février 2024 – En attendant la glace, en baie du Ha ! Ha !
Nous sommes de retour à Rimouski, en bordure du Saint-Laurent, où nous constatons que la glace n’est toujours pas formée… Cet hiver, avec ses températures exceptionnellement douces, n’est décidément pareil à aucun autre, d’après nos collègues québécois. Nous prenons notre mal en patience en sauvegardant et en organisant la grande quantité de données collectées sur l’Amundsen, puis nous nous octroierons quelques journées de repos bien méritées après dix jours plutôt intenses. Avec plus de trois semaines de mission restantes, il faut ménager les troupes.
Une page se tourne : de nouvelles têtes vont bientôt nous rejoindre, et la plupart de nos mesures vont à présent se dérouler en baie du Ha ! Ha !, à proximité du chalet, directement sur le fleuve Saint-Laurent. Dany y fait des observations depuis des années et la forme rectangulaire de cette baie nous rappelle inévitablement la cuve d’ondes de Baptiste. La glace va bien finir par revenir !
#06 – 20 février 2024 – De vraies vagues à l’assaut de la banquise – enfin !
Tous les jours depuis notre retour au chalet, Sébastien, Baptiste et Amaury guettent les conditions de la glace autour de notre rituel matinal : les pancakes de Sébastien agrémentés de sirop d’érable, Canada oblige. La question du matin, à savoir : « Est-ce que ça porte ? » (ou, pour les non-initiés : « Est-ce qu’il y a suffisamment d’épaisseur de glace pour pouvoir marcher dessus et faire des mesures ? »), trouve une réponse pas ordinaire. Aujourd’hui, « ça fracture », remarque Baptiste, qui fait voler un drone en finissant son café.
Cela signifie que, non seulement, la glace est officiellement de retour, mais le phénomène naturel que l’on est venu étudier est en train de se produire sous nos yeux, ou plutôt sous la caméra du drone. Ni une, ni deux, Sébastien et Amaury lancent le second drone en renfort pour capturer la fragmentation de la fine couche de banquise. Un second angle de vue nous permettra de reconstruire le profil transversal des vagues produites par le vent, alors qu’avec la vue du dessus, on suit la formation des fragments.
Notre motivation monte en flèche. Capturer la fracture spontanée pour la première fois est déjà exceptionnel, mais si la glace fracture, il y a des chances qu’il y en ait suffisamment pour que l’on puisse se déplacer dessus. Après un rapide coup de fil à Dany, qui confirme une sortie sur glace le lendemain, l’équipe se réunit pour planifier le déroulement des opérations.
Tour de table des conditions météorologiques, de marées et de vagues comme nous le faisons tous les jours, mais cette fois-ci, accompagné de l’élaboration d’un plan d’action concret : comment déployer nos instruments en fonction des conditions sur place, si ça fracture ou pas, s’il y a du vent ou pas, si la glace est très solide ou pas… L’excitation est de retour, notre première sortie sur glace de mer en baie du Ha ! Ha ! est enfin prévue pour le lendemain.
#07 – 21 février 2024 – Sortie en baie du Ha ! Ha !
11 h 30. La journée est idéale : soleil et glace, de quoi avoir de l’espoir pour les mesures à venir. Malheureusement, les vagues ne sont pas au rendez-vous et ce n’est pas faute d’avoir envoyé les drones suffisamment loin pour essayer de les repérer. Pas de fracture aujourd’hui !
Je ne peux pas m’empêcher d’être un peu déçu, mais on est aussi là pour former tout le monde sur la glace et nous avons des nouveaux depuis l’Amundsen : Vincent Dénarié et Margaux Rougier, deux étudiants de Dany, ainsi que Nicolas Mokus, un postdoctorant en géophysique dans l’équipe de notre collègue grenobloise Véronique Dansereau, du laboratoire Isterre. Nicolas m’apporte une aide précieuse pour perfectionner la méthode smartphone, qui s’avère de plus en plus prometteuse.
Malgré l’absence de fracture, nous caractérisons la glace comme nous l’avions fait le premier jour depuis le bateau. Le comportement mécanique de la glace et son épaisseur sont changeants d’une banquise à l’autre, voire d’un jour à l’autre en un lieu donné, alors nous essayons de mesurer méthodiquement ces variations pour mieux les comprendre, en fonction de la salinité de l’eau, de la température ou des conditions météorologiques.
Nous disposons nos géophones, bouées de vagues et smartphones selon des géométries différentes, en ligne, en carré ou en étoile, pour affiner nos mesures, tout en évitant de trop nous approcher du bord. La glace reste mince et Vincent passera même à travers. Il ressort aussitôt grâce à son bâton et avec l’aide de Margaux, preuve qu’il est toujours préférable de se déplacer à deux sur la banquise et d’être équipé de son gilet de sauvetage.
#08 – 26 février 2024 – Prêts à enregistrer une fracturation spontanée
Pour la première fois, les conditions semblent réunies pour filmer et enregistrer la fracturation spontanée d’une glace dont on aura préalablement mesuré les propriétés mécaniques – une première, qui serait idéale pour bien saisir le phénomène. C’est l’équivalent de l’expérience faite en début de séjour avec le sillage de l’Amundsen, mais avec des vagues naturelles, cette fois-ci. On prévoit d’arriver à marée montante pour caractériser rapidement la glace avant qu’elle commence à se fragmenter et que les vagues entrent. Nous n’aurons vraisemblablement pas de seconde chance, les températures repartant à la hausse dans les prochains jours : 8 °C prévus pour demain, la banquise va disparaître à nouveau…
Une fois sur le terrain, ça s’annonce sportif. Il neige et il y a du vent fort. Il faut faire au plus vite pour atteindre le bord, mesurer les propriétés physiques de la banquise avant qu’elle casse et être prêts à se replier rapidement dans notre canot en espérant pouvoir récupérer tous nos instruments. Problème : il y a beaucoup de glace. Si c’est a priori une bonne nouvelle, cela veut aussi dire que la zone qui nous intéresse, le bord de la banquise, est située à plus de 600 mètres du rivage – c’est loin ! Atteindre la zone que nous voulons caractériser en canot prend du temps.
Alors que nous déployons les instruments en vitesse, les pilotes de drones, Amaury et Sébastien, restés en retrait, nous expliquent au talkie-walkie que leurs drones ont du mal à remonter contre le vent et qu’ils ont peur de les perdre. Ici, les vagues commencent à rentrer et ça fracture sous nos pieds. On récupère nos géophones et on recule d’environ 150 mètres pour sécuriser les équipements. On ne sait pas vraiment à quelle vitesse la fracture va se propager, car c’est précisément ce qu’on est venu étudier, et il faut absolument la capturer avec les drones.
Avec Dany, nous décidons d’aller chercher Sébastien en canot pour qu’il pilote depuis ici. Aussitôt arrivé, il fait décoller son drone, mais c’est déjà trop tard : la zone dont on avait consciencieusement mesuré les propriétés mécaniques vient de fracturer ! Tout n’est pas perdu : nous n’aurons pas d’images, mais les instruments au sol ont tout enregistré du passage de la vague, et c’est déjà beaucoup. Je souris à Sébastien en haussant les épaules : « On reviendra. »
#09 – 1er mars 2024 – Fromage fondu et glace pilée
Comme prévu par la météo, depuis la journée du 26, la glace a disparu. C’est frustrant, car Antonin, mon binôme à la tête de ce projet, est arrivé le 26 au soir et depuis, le retour de la banquise se fait attendre. Cette semaine, la mission est au complet : 12 scientifiques de Rimouski, Grenoble et Paris, réunis pour la première fois. L’ambiance aux chalets est très stimulante, entre discussions scientifiques, analyses de données et moments de vie partagés.

Nous organisons une grande raclette avec des fromages québécois qui n’ont rien à envier à leurs homologues français. La soirée est conviviale et nous allons même jusqu’à confectionner des cocktails au « frazil », cette sorte de bouillie de glace qui précède la formation de la banquise solide. Car c’est finalement ce que nous nous retrouvons à étudier lors de nos vols de drones matinaux : la formation de la glace de mer, qui passe en quelques jours de cette mélasse informe à une banquise solide sur laquelle on peut à nouveau marcher. Le vent et les vagues influencent le processus et nous pourrions bien être sur la piste d’une nouvelle thématique de recherche.
#10 – 6 mars 2024 – Dernière sortie sur un lac gelé
La fin de la mission approche. Nous ne sommes ressortis qu’une seule fois en baie du Ha ! Ha ! et les conditions étaient loin d’être idéales. Dans trois jours, nous serons de retour en France et je dois bien admettre que je suis déjà un peu ailleurs. Mon collègue Antonin, déçu de ne pas avoir pu participer à plus de mesures, motive les troupes pour une expédition à la journée sur un lac gelé. Cette sortie, sans risque de vagues ni de fracture, nous permet de valider notre méthodologie une nouvelle fois, de comparer glace de mer et glace d’eau douce, de prendre notre temps pour mesurer les hétérogénéités de la banquise et voir si l’épaisseur, la rigidité et le comportement mécanique en général varient beaucoup d’un endroit à l’autre de la glace.
Personne n’a encore jamais étudié la banquise aussi systématiquement que nous l’avons fait ici, en utilisant toujours la même méthode pour comparer différents types de glaces. J’ajoute donc la sortie en lac d’eau douce à ma liste mentale des mesures utiles à répéter lorsque nous reviendrons l’an prochain. Car, oui, c’est déjà le futur qui m’occupe l’esprit. Nous avons recueilli bien plus de données que je n’aurais osé l’espérer avant notre départ.
De retour en France, notre première tâche sera avant tout de comprendre comment faire le lien entre nos observations sur le modèle réduit du laboratoire de Baptiste et les expériences grandeur nature vécues sur le terrain. Un important travail d’analyse se profile dans les prochains mois pour caractériser les différents types de glaces rencontrés durant notre mission et espérer trouver ce fameux « point de rupture » de la glace de mer, qui serait fort utile aux climatologues, mais pas seulement : avec le réchauffement climatique, les régions arctiques et leurs habitants vont être directement confrontés à cette « volatilité » de la banquise, et être capables de mieux en anticiper la fragmentation va se révéler crucial. ♦
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