Donner du sens à la science

L’éducation au changement climatique : une opportunité pour l’école

L’éducation au changement climatique : une opportunité pour l’école

26.09.2024, par
À l'occasion de la semaine européenne du développement durable, Éric Guilyardi, climatologue et président de l’Office for Climate Education en France, association partenaire du CNRS, revient sur les vertus pédagogiques de l'éducation au changement climatique dès l'école primaire.

L’éducation au changement climatique est parée de multiples vertus. Au-delà de l’enseignement des notions physiques du climat, elle est un outil qui donne du sens à la jeune génération : construction de l'esprit critique, apprentissage de la coopération et surtout confiance en l’avenir et en sa capacité d’agir. Cela demande cependant de faire monter en compétence l’ensemble des acteurs éducatifs.

Partout dans le monde, le changement climatique est à l’œuvre et ses conséquences sont déjà bien visibles. Il nous concerne tous et devient une priorité de nos systèmes éducatifs, suivant ainsi l’article 12 de l’Accord de Paris. C’est en raison de ces enjeux fondamentaux que le CNRS a récemment signé une convention de partenariat avec l’Office for Climate Education1 (OCE), un organisme qui promeut l’éducation au changement climatique dans le monde.

L’éducation au climat, un préalable indispensable à l’action

Le défi est d’ampleur car un faisceau d’indicateurs concourt au diagnostic suivant : très peu d’enseignants du primaire, du collège et du lycée ont été formés aux enjeux climatiques et ont intégré ce thème dans leurs enseignements. Ceci a deux conséquences : d’une part, une très large majorité des jeunes ne sait expliquer ni les causes de l’actuel changement climatique ni ses conséquences potentielles, et d’autre part 74 % des adolescents et jeunes adultes français déclarent souffrir d’éco-anxiété. L'enjeu aujourd'hui est donc autant d’équiper la jeune génération des connaissances de base, que de les amener à construire un récit qui ne soit pas catastrophiste afin qu’ils puissent se projeter de façon positive dans l'avenir, et qu'ils s’en conçoivent non comme des victimes mais plutôt comme des acteurs.    
 

© Ludovic Maillard / La Voix Du Nord / PhotoPQR / Maxppp
Débat sur le climat et l’écologie au lycée Jacques-Le-Caron à Arras (Pas-de-Calais).
© Ludovic Maillard / La Voix Du Nord / PhotoPQR / Maxppp
Débat sur le climat et l’écologie au lycée Jacques-Le-Caron à Arras (Pas-de-Calais).
      

Éducation au changement climatique ou éducation au développement durable ?

La France a été pionnière dans le lancement de l’« éducation au développement durable » (EDD), conçue comme une éducation transversale afin de mieux comprendre les relations entre les questions environnementales, économiques, sociales et culturelles. Depuis trente ans, de nombreuses actions ont été engagées, en particulier ces dernières années – en matière de programme, d’actions éducatives, de mobilisation des élèves (les éco-délégués) et des personnels, de ressources à destination des professeurs, etc. Malgré tout, force est de constater que le développement de l’EDD n’a jusqu’à présent que peu contribué à l’éducation des jeunes aux enjeux du changement climatique. Certes, des ressources et dispositifs de formation se sont multipliés sur ce thème, mais le passage à l’échelle n’est pas encore là. Malgré des objectifs louables, l'EDD est parfois critiquée pour son manque de réflexion approfondie dans les pédagogies mises en œuvre, avec l'exemple emblématique des éco-gestes ou des activités à faible impact, qui ne permettent pas aux élèves de développer une vision systémique, leur pensée critique, ni leur capacité d’analyse et d’évaluation. 
 
A contrario, l'éducation au changement climatique (ECC), dont la porte d’entrée est la science et qui propose une vision plus globale et cohérente des enjeux que l’EDD, a démontré un impact significatif à la fois sur l'amélioration des connaissances scientifiques, des attitudes et des aptitudes des élèves. En favorisant un apprentissage fondé sur l'investigation et l'expérimentation, l'ECC favorise en effet le développement de la pensée critique et la capacité à résoudre des problèmes collectivement, essentielles pour relever les défis climatiques. En abordant les concepts d'incertitude, les différentes échelles spatiales et temporelles, les rétroactions climatiques, les multiples causes et effets, etc., l’ECC s’inscrit également dans une éducation à la complexité, qui permet d’appréhender le caractère systémique du changement climatique… et le fait qu'il n'existe pas d’approche simple pour faire face à ce problème complexe.

L’éducation au changement climatique :  exigence et opportunité

L’éducation au changement climatique va au-delà de la simple sensibilisation : elle met en avant un engagement personnel et un processus d’apprentissage orienté vers l’action. En permettant aux élèves de s’engager dans des projets, l'ECC renforce la capacité d’action et la confiance en soi, et en faisant une éducation transformatrice et ancrée dans le temps long. Cette approche proactive constitue en outre une excellente façon de lutter contre l'éco-anxiété, souvent créée par des actions de sensibilisation superficielles et courtes.

 

© Desiree Rios / The New York Times / Redux-RÉA
Le New Jersey, où se situe cette classe de CP, est le premier État américain à exiger l'enseignement du changement climatique à tous les niveaux scolaires.
© Desiree Rios / The New York Times / Redux-RÉA
Le New Jersey, où se situe cette classe de CP, est le premier État américain à exiger l'enseignement du changement climatique à tous les niveaux scolaires.

La recherche scientifique et l’expérience déjà acquise, en France comme à l’étranger, montrent qu’une telle éducation transversale permet tout à la fois de (re)mettre du sens et du bien-être en classe, d’étayer le socle des fondamentaux, d’encourager l’émancipation, la collaboration et la coopération, de permettre aux futurs citoyens de se projeter dans un avenir d’autant plus désirable qu’ils auront contribué à le construire – autant de clefs fondamentales pour une action en profondeur vers trois horizons du XXIe siècle : le bien-être des individus, la résilience des sociétés et enfin la soutenabilité et la régénération de nos environnements.

L'apprentissage des connaissances, aptitudes et attitudes associées aux crises systémiques du climat et de la biodiversité est donc à la fois une exigence et une opportunité pour notre système éducatif.

La nécessité de former l’ensemble des acteurs pédagogiques

Pour éviter une dissonance cognitive des jeunes, une ECC de qualité demande que tous les aspects de la vie scolaire intègrent cette thématique (restauration, bâti…) dans une approche globale. L’intégration des thématiques liées à la transition écologique à travers tous les pans des activités scolaires – allant des cours jusqu’au projet d’établissement –, permet aux jeunes d'appréhender la nature systémique du changement climatique.
 

© Paola Di Bella / Redux-RÉA
Dans cette école secondaire au Népal (district de Kavre), on enseigne aux élèves le dérèglement climatique pendant les cours de science, et le personnel recueille des données sur les précipitations et les températures pour étudier les schémas météorologiques.
© Paola Di Bella / Redux-RÉA
Dans cette école secondaire au Népal (district de Kavre), on enseigne aux élèves le dérèglement climatique pendant les cours de science, et le personnel recueille des données sur les précipitations et les températures pour étudier les schémas météorologiques.

D’où l’importance de faire monter en capacité le système éducatif en accompagnant l’ensemble de ses acteurs : enseignants, formateurs, mais aussi personnels d’encadrement, chefs d’établissements, référents EDD, vie scolaire, éco-délégués… du premier comme du second degrés. C’est une des missions de l’OCE et de ses partenaires éducatifs en France.

Redonner de l’espoir et la capacité d’agir à tous nos jeunes demande un programme pluriannuel d’ampleur, de l’expérimentation dans quelques académies pilotes et une coordination étroite avec l’ensemble des services et personnels de l’Éducation nationale et de ses partenaires, en particulier de la communauté scientifique. ♦

Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur(s) auteur(s). Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
 

Notes
  • 1. Créé en 2018 à l’initiative de la fondation La main à la pâte et de la communauté scientifique, l’Office for Climate Education est un centre sous l'égide de l'Unesco - https://www.oce.global/.

Commentaires

0 commentaire
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS