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Plaidoyer pour une Europe de la nanofabrication
Des puces de nos téléphones aux dispositifs miniatures d’analyse médicale, les micro et les nanostructures sont de plus en plus présentes dans notre quotidien. Et cet essor ne semble pas près de s’essouffler… Toujours plus petits, les transistors, capteurs et autres systèmes intelligents sont en effet au cœur d’enjeux d’innovation et de valorisation considérables, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et du big data. Alors que de nombreux pays du monde se mobilisent sur ce domaine porteur, l’Europe souffre d’une fragmentation de sa recherche académique en nanofabrication et d’une absence de coordination des réseaux nationaux. Une problématique à laquelle doit répondre le consortium EuroNanoLab, créé par huit pays européens et coordonné par le CNRS, et qui regroupe déjà 26 salles blanchesFermerUne salle blanche (ou salle propre) se définit selon la norme ISO 14644-1 comme « une salle dans laquelle la concentration des particules en suspension dans l’air est maîtrisée et qui est construite et utilisée de façon à minimiser l’introduction, la production et la rétention des particules à l’intérieur de la pièce et dans laquelle d’autres paramètres pertinents, tels que la température, l’humidité et la pression sont maîtrisés comme il convient. » académiques d’une valeur totale de 1,5 milliard d’euros.
Des progrès rapides et continus
Depuis les années 1990, les micro et les nanostructures ont modifié considérablement notre environnement, sans que nous en prenions toujours conscience. Qui se souvient en effet des premiers disques durs de quelques mégaoctets qui coûtaient une fortune ? Aujourd’hui, un disque dur de quelques téraoctets, d’une capacité un million de fois supérieure et capable de stocker une immense bibliothèque ou des dizaines de milliers d’heures de musique, ne coûte qu’une centaine d’euros tout en étant des centaines de fois plus rapide que son ancêtre. De même, n’importe quelle personne dispose dans son smartphone d’une capacité de calcul qui dépasse celle des centres nationaux de calcul d’il y a seulement trente ans. Dans le domaine de la médecine, la nanofluidique permet de réaliser des analyses sanguines d’une précision inégalée et le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS-CNRS) développe, en collaboration avec Picometrics-Technologies, l’outil de diagnostic BIABooster permettant de mesurer à de très faibles concentrations l’ADN circulant dans le sang et de diagnostiquer en moins de vingt minutes l’apparition de certains cancers.
Que ce soit dans le domaine des sciences, de l’intelligence artificielle ou du big data, les systèmes intelligents de demain seront basés sur des innovations de rupture comme les technologies quantiques, qui permettront d’augmenter considérablement la capacité de calcul de nos processeurs, de généraliser des communications cryptées inviolables ou encore de réaliser de nouveaux capteurs ultra-performants. Des transistors à l’échelle atomique qui permettront d’atteindre des degrés de miniaturisation ultimes sont également à l’étude et dans le domaine de la médecine, il est proposé de développer des nano-biosystèmes implantés sur les personnes et chargés de surveiller leur état de santé en temps réel.
Des équipements de pointe pour des innovations nanométriques
Pour cela, des composants innovants doivent être imaginés, réalisés et testés, ce qui requiert des technologies de nanofabrication de très haut niveau. Ces technologies – nécessitant des salles blanches ultrapropres ainsi que de coûteux équipements – permettent de réaliser, avec des précisions de l’ordre du nanomètre, les systèmes de traitement d’information intelligents de demain. Compte tenu de ces enjeux considérables, la majorité des pays développés, notamment les États-Unis et la Corée, investit massivement dans la recherche en nanofabrication.
En Europe, les forces académiques en nanofabrication sont encore trop fragmentées : on compte ainsi au moins soixante-dix centres de nanofabrication universitaires européens de grande ou moyenne taille, qui développent leur savoir-faire sans réelle coordination. Conscients de cette dispersion, plusieurs pays européens (Suède, France, Norvège, Hollande) ont déjà créé des réseaux nationaux de salles blanches universitaires pour favoriser la collaboration au plan national. Avec quatre autres pays (Espagne, Portugal, Italie et République Tchèque), ces pays viennent de créer le consortium EuroNanoLab qui regroupe déjà 26 salles blanches académiques.
Des recherches coordonnées en Europe
Pour mieux utiliser l’investissement existant, EuroNanoLab souhaite intégrer ces infrastructures de recherche académiques autour d’un « hub central » qui en est le chef d’orchestre. Cette nouvelle infrastructure sera donc distribuée à l’échelle européenne et néanmoins capable de développer une stratégie commune et d’accompagner de grands programmes européens comme les « Flagships » sur le graphène, Human Brain ou l’ordinateur quantique, ainsi que les grands programmes européens qui ne manqueront pas d’émerger ultérieurement.
Une telle organisation permettra de répartir les développements technologiques de manière optimale entre les centres de nanofabrication les plus adaptés, en veillant à faire profiter chacun d’entre eux des derniers résultats obtenus par les autres. Coordonnée par le CNRS et regroupant des partenaires motivés, cette initiative a vocation à s’étendre à tous les pays européens prêts à y contribuer. Rassemblant une large part de la communauté des centres académiques de nanofabrication, cette nouvelle infrastructure deviendra également un interlocuteur privilégié des organismes de recherche technologique (RTO) et de leurs partenaires industriels, capable de transférer plus efficacement vers l’industrie le savoir-faire développé par les centres académiques.
Depuis le regroupement des forces jusqu’à l’organisation d’une stratégie commune à l’échelle européenne, le développement de ce réseau de recherche en nanofabrication pourrait ainsi être à l’origine de technologies futuristes appelées elles aussi à intégrer un jour notre quotidien.
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du journal CNRS