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Tout ce qu’il faut savoir pour voyager dans l’espace
Nous ne sommes qu’à 100 kilomètres de l’espace. Ce n’est pas grand chose, n’est-ce pas ? Une petite balade en voiture. Oui mais 100 kilomètres à parcourir verticalement, et non horizontalement, cela change la donne du tout au tout. S’arracher du sol quelques secondes n’est déjà pas une mince affaire (sautez un peu en l’air, pour voir !), donc le quitter complètement est un défi, relevé depuis quelques décennies seulement. Braver la loi de la gravité ne s’improvise pas. Comme tout voyage, me direz-vous… Certes, faisons donc un parallèle.
1. Petit rappel du contexte historique
Avant de partir, on se renseigne évidemment un peu sur les aspects historiques. Comme toujours, il y a les côtés sympathiques. Ainsi, un… pigeon de Grèce antique en argile auto-propulsé à la vapeur s’avère être l’ancêtre de nos fusées modernes. Mais il faut citer aussi les feux d’artifice chinois, qu’un haut dignitaire de l’empire du Milieu a même essayé d’utiliser pour s’envoyer en l’air, au sens propre. Hélas, il y a aussi le côté obscur, comme dirait l’autre : la raison de propulser quelque chose vers le haut, c’est souvent d’assommer le voisin ! Les ancêtres des fusées se trouvent donc aussi dans des armes plus ou moins précises : fumigènes asiatiques, pétards offensifs indiens garnis de sabres pour découper ce qui passe à portée, ou, plus près de nous, les célèbres V2 de l’Allemagne nazie…
2. Le choix du trajet
Une fois le contexte connu, il faut étudier le trajet à emprunter pour rejoindre sa destination. Pas question d’employer la ligne droite, car seule la ligne courbe (ellipse, hyperbole ou parabole) est possible dans un espace encombré de planètes et d’étoiles. À part cela, on choisit souvent le trajet le plus économique, quitte à allonger le chemin. N’emprunte-t-on pas les nationales, pour éviter les péages ? En plus, il faut parfois minauder et faire de l’auto-stop : ainsi, on ne possède pas de propulsion assez forte pour rejoindre les planètes les plus lointaines, alors on emprunte de l’énergie à celles sur le trajet, dans un frôlement séducteur péremptoirement baptisé fronde gravitationnelle. Enfin, une fois arrivé, il faut choisir son poste d’observation dans un univers qui ne tient pas en place : vaut-il mieux viser une place près des pôles ou de l’équateur, rester à distance ou se rapprocher de temps à autre, regarder toujours la même chose ou balayer le paysage ? Tout dépend du caractère du touriste, comme en vacances.
3. L'épineuse question des valises
Ensuite, il faut aussi décider de ce qu’on va emporter. Pas simple ! Tout d’abord parce qu’envoyer de la masse dans l’espace coûte cher, et qu’il faut donc limiter la taille de la valise. Ensuite, parce qu’une fusée ne peut accélérer n’importe quel colis. En général, elle ne comporte que quelques pour-cent de charge utile. À l’échelle d’une voiture, cela donne une limite de 50 kilogrammes environ pour les valises et tous les passagers ! Pourtant, il faut quand même emporter pas mal de choses… À ce niveau, un satellite-robot est d’ailleurs similaire à un humain : structure-squelette pour éviter l’éparpillement, jambes-propulsion pour se déplacer, cerveau-ordinateur pour pouvoir évaluer la situation et faire travailler les « organes », sang électrique pour avoir de l’énergie et ne pas rester inactif, vêtements pour se protéger du froid ou du chaud, oreille interne pour savoir où l’on est et vérifier où l’on va, une furieuse envie de communiquer, et bien sûr cinq sens, véritable raison d’être de l’objet, qui permettent d’obtenir les résultats, scientifiques ou autres, tant attendus.
4. Les inévitables problèmes, aucun voyage n’étant juste une partie de plaisir
• Le budget : on compte de 10 000 à 25 000 euros pour envoyer 1 kilogramme dans l’espace, et jusqu’à 1 milliard d’euros pour le budget total d’une grosse mission scientifique. C’est sûr, ce n’est pas comparable à votre budget vacances ! Toutefois, ce volume monétaire est similaire à celui de nombreuses autres actions humaines (budget d’un blockbuster américain ou d’une grosse campagne marketing) et il représente finalement peu par habitant : tout le spatial français ne coûte que 30 euros annuellement à chaque citoyen. En outre, ce budget ne part pas n’importe où : il est investi sur Terre, dans des emplois…, et il génère de l’innovation sur notre bonne vieille planète.
• Le timing : comme tout travailleur, les vaisseaux spatiaux ne peuvent pas partir en voyage n’importe quand, il faut respecter l’horaire. Cela s’appelle des fenêtres de lancement. Et bien sûr, tout comme vous ne trouverez pas nécessairement un billet d’avion pour la date que vous préférez, il arrive que les sondes spatiales doivent partir à un moment qui leur convient moins. Faut faire avec, quitte à changer de destination à la dernière minute, comme la sonde Rosetta. Cette dernière, qui rejoint cette année la comète Churyumov-Gerasimenko, devait partir en 2003 pour rejoindre la comète Wirtanen… Mais les problèmes d’Ariane V ont retardé le lancement, ce qui a provoqué un changement de cible.
• Le coup de soleil : le soleil n’est pas tendre avec le touriste spatial. Il le chauffe, il lui envoie des particules chargées pouvant provoquer un court-circuit, surtout en cas d’éruption, et il émet aussi du rayonnement ionisant (UV, rayons X) qui n’est pas tendre non plus avec le matériel. Bref, coup de soleil à éviter absolument !
• Les poubelles : il n’y a rien de plus désagréable que de devoir continuellement slalomer entre les déchets, et c’est encore pis quand on est en vacances. Hélas, le voyage spatial souffre du même problème… Autour de la Terre, on trouve une dizaine de milliers de débris de plus de 10 centimètres, et des millions de débris plus petits : lancés à pleine vitesse, ces bolides font des trous, coupent, déchirent ou explosent tout ce qu’il y a sur leur chemin. Malheur à celui qui s’y frotte !
• Le sable dans les pieds et la tourista : si l’on atterrit sur une autre planète ou sur une lune, il faut faire attention à deux détails. D’abord, la poussière couvrant le sol : comme cela arrive souvent à la plage, ce « sable » tend à rester collé, provoquant pollution, courts-circuits, voire un début de silicose. Ensuite, les microbes locaux : s’ils existent, ils pourraient provoquer des épidémies tant chez les astronautes que sur Terre une fois ramenés par les voyageurs. Les extraterrestres les plus dangereux ne sont peut-être pas des machins de 10 mètres de haut avec six pieds, quatre bras et deux têtes.
• Les autres désagréments : vide, particules de haute énergie, etc., n’aident pas au bon fonctionnement des vaisseaux.
Bien sûr, l’aventure n’est pas finie. Le vrai tourisme spatial ne fait que commencer. Qui sait ? Bientôt, c’est peut-être vous qui voyagerez dans l’espace. Alors n’oubliez pas le guide…
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À lire / À voir
Voyager dans l'espace, Yaël Nazé, CNRS Éditions, 2013