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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

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Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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La sécheresse révèle une ville du Mittani
18.07.2022, par Cécile Michel
Mis à jour le 18.07.2022

En cette période de canicule où la terre se craquèle et les cours d’eau sont au plus bas, les archéologues font parfois découvertes inattendues. La baisse importante du niveau de l’eau du lac réservoir du barrage de Mossoul bâti dans les années 1980 a en effet dévoilé, sur la rive orientale du Tigre, les vestiges de l’antique Zakhiku, ville de l’empire du Mittani, sur le site de Kemune, dans la province de Dahuk (Kurdistan irakien). L’identification du site a été possible grâce aux tablettes cunéiformes qui y ont été découvertes.

L’empire du Mittani, qui couvrait, au milieu du XVe siècle av. J.-C., toute la haute Mésopotamie, depuis la Méditerranée à l’Ouest jusqu’aux monts Zagros à l’Est, est encore mal connu. Peu de sites ont livré des tablettes pour cette période. En outre, les capitales successives du Mittani, Waššukanni et Ta’idu, sans doute dans le triangle du Khabour, puis Irride, dernière résidence du souverain mittanien, peut-être plus à l’ouest, vers le Balikh, n’ont pas encore été localisées avec certitude. Les rois hourrites du Mittani ont échangé avec le pharaon égyptien : une douzaine de leurs lettres ont été découvertes parmi les tablettes cunéiformes exhumées dans les archives d’Akhenaton à El-Amarna, l’ancienne Akhetaton.
 Universités de Fribourg et de Tübingen.
Vue aérienne de la ville de Zakhiku, 2022. Credit: Universités de Fribourg et de Tübingen.

L’équipe archéologique kurdo-allemande a constaté une baisse importante des eaux du lac au début de l’année 2022, conséquence d’une sécheresse intense dans le pays ces dernières années. Les eaux du lac ont été puisées pour sauver les cultures, le pays étant fortement affecté par le dérèglement climatique. Cette baisse des eaux a dévoilé une large surface du site, fouillé intensivement en janvier et février 2022, dans des conditions difficiles.

Ces fouilles ont mis au jour les fortifications de la ville, ainsi qu’un large bâtiment de stockage sur plusieurs niveaux datant du Bronze récent et témoignant du rôle important du site dans l’empire mittanien. Le palais, découvert lors d’une courte campagne en 2018, a pu être dégagé ; certains de ses murs étaient recouverts de fresques murales colorées. Bien que submergés par l’eau depuis une quarantaine d’années, les murs en briques cuites des bâtiments ont particulièrement bien résisté au temps. La ville a été détruite par un tremblement de terre au milieu du XIVe siècle, date après laquelle elle a été réoccupée.

 Universités de Fribourg et de Tübingen.
Jarre contenant des tablettes cunéiformes. Credit: Universités de Fribourg et de Tübingen.

Dans le palais, une pièce contenait cinq jarres en terre contenant des tablettes cunéiformes d’époque médio-assyrienne, dont des lettres encore préservées dans leur enveloppe d’argile. Au total, plus d’une centaine de tablettes cunéiformes ont été découvertes, certaines en très mauvais état. Elles documentent la fin de la période du Mittani et le début de l’occupation assyrienne de la région.

Après deux mois de fouilles de sauvetage, le site, recouvert de bâches plastiques hermétiques lestées de gravier, est de nouveau submergé. Les jarres remplies de tablettes ont été emportées au Musée national de Dohuk pour une fouille minutieuse de leur contenu.

Cette découverte n’est pas sans rappeler celle de la Babylone du temps de Hammurabi (XVIIIe siècle). La montée, dès l’antiquité, de la nappe phréatique a empêché la fouille des niveaux paléo-babyloniens, sauf pendant une courte période au cours de laquelle un quartier résidentiel fortement endommagé a pu être dégagé, aussitôt recouvert d’eau.

Les relevés systématiques des ruines de Zakhiku et le déchiffrement de ses archives va permettre d’améliorer nos connaissances sur l’une des principales puissances du Proche-Orient au XVe et au début du XIVe siècle av. J.-C.
 

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