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Les archéologues ont repris leurs travaux dans le sud de l’Irak ces dernières années, malgré l’insécurité qui y règne, et les découvertes se multiplient, parmi lesquelles un port datant du IIIe millénaire avant notre ère. Ces explorations renouvellent notre perception de cette région.
Américains, Britanniques et Allemands sont de retour sur les ruines de la cité d’Ur découverte au début du XXe siècle par Leonard Woolley. Ils y ont exhumé des bâtiments avec des tablettes cunéiformes datant de la seconde moitié du IIIe millénaire et du début du IIe millénaire avant notre ère. Ce sont des textes de comptabilité, listes de biens et documents relatifs à l’agriculture et à l’élevage. En 2017, l’équipe allemande a dégagé la maison d’un général babylonien datant du XVIIIe siècle dans laquelle se trouvait une archive de 120 tablettes cunéiformes. Ces tablettes montrent que des soldats en patrouille occupaient leur temps libre à la pêche.
À une vingtaine de kilomètre de là, une équipe de l’Université de Manchester explore le site de Tel Khaiber depuis 2013. Elle y a mis au jour un bâtiment administratif fortifié datant de la dynastie du Pays de la Mer à la fin de l’Âge du Bronze Moyen (ca. 1500) – une période encore mal documentée de l’histoire du Proche-Orient ancien et seulement par des textes issus de fouilles clandestines – contenant une archive administrative de 200 tablettes cunéiformes centrée sur la gestion des céréales.
Tablette relative à un procès. Credit: mission italienne d'Abou Tbeirah.
Depuis 2011, une mission italo-irakienne s’est installée sur le tell d’Abou Tbeirah, d’environ 45 hectares de superficie, situé à 7 kilomètres au sud de la ville de Naziriyah. Il n’avait jamais été exploré auparavant.
En 2016, l’équipe a découvert qu’il s’agissait d’un port occupé tout au long du IIIe millénaire avant notre ère, après avoir dégagé un rempart en briques entourant un bassin artificiel de 130 mètres sur 40 mètres relié à un canal coupant la ville en deux. Aujourd’hui le site se trouve au milieu d’une plaine, à 200 kilomètres de la mer, mais au IIIe millénaire, les eaux du Golfe persique remontaient jusqu’au sud de la ville d’Ur, qui n’est qu’à une quinzaine de kilomètres à l’ouest d’About Tbeirah ; cette dernière était donc une ville portuaire bordée par les marais et à proximité de l’embouchure de l’Euphrate.
Une quantité importante d’arêtes de poissons d’eau douce et d’eau de mer a confirmé cette situation. Le bassin, situé dans la partie nord-ouest du site et d’une taille comparable à neuf piscines olympiques comme l’a expliqué Franco d’Agostino, l’un des co-directeurs de la mission italienne, a pu servir également de bassin de retenue pour contrôler les crues du fleuve. Comme en témoignent la découverte de vases en albâtre et de perles de collier, le port d’Abou Tbeirah mettait en contact des régions éloignées, telle la vallée de l’Indus, avec les sites d’Ur, voire d’Uruk, grâce à des canaux permettant aux bateaux de remonter à l’intérieur des terres. L’abandon du site à la fin du IIIe millénaire est sans doute à mettre en relation avec la sécheresse qui a frappé la région vers 2 200 avant notre ère.
Il reste encore beaucoup de vestiges archéologiques à mettre au jour dans cette région qui a vu naître l’écriture. De très nombreux sites antiques, qui ont gravement souffert de pillages depuis bientôt trente ans, comme Umma, Larsa et Isin, ont encore beaucoup à nous apprendre sur la civilisation mésopotamienne, et bien d’autres tells attendent d’être explorés.