A la une

Jules Oppert, l’un des quatre savants ayant déchiffré les caractères cunéiformes transcrivant la langue akkadienne en 1857, a vu le jour le 9 juillet 1825. Le Collège de France lui rend hommage avec une exposition « Jules Oppert et la découverte de la Mésopotamie (1850-1905) » et un colloque « Jules Oppert (1825-1905) et l’assyriologie de son temps », dont les conférences sont bientôt accessibles en ligne.
Né à Hambourg d’un père courtier juif, Jules Oppert étudie le droit, le sanscrit et l'arabe à Heidelberg, Bonn et Berlin, avant de soutenir en 1846 une thèse de doctorat à Kiel sur le droit criminel de l’Inde. Mais les chaires universitaires en Allemagne sont interdites aux juifs. Alors qu’il s’intéresse déjà aux caractères cunéiformes et vient de publier son premier article sur le système phonologique du vieux-perse à seulement 22 ans, il s’expatrie en France et devient professeur d’allemand au lycée de Laval, puis à Reims.
Le 8 août 1851, l’Assemblée Nationale vote un crédit de 70 000 francs pour l’Expédition scientifique de Mésopotamie et en Médie ainsi que 8 000 francs pour reprendre des fouilles à Khorsabad, site exploré par le consul Paul-Émile Botta en 1843 et 1844. La mission de Mésopotamie et de Médie, conduite par Fulgence Fresnel, ancien consul de France à Djeddah, compte deux autres membres : Félix Thomas, architecte et peintre, et Jules Oppert, orientaliste. La correspondance de ce dernier conservée à l’Institut de France offre une relation très vivante de cette expédition et des tensions générationnelles entre le chef de mission et les deux membres respectivement de 20 et 30 ans plus jeunes que lui.
Jules Oppert, peut-être à la fin des années 1850, par Carl Reutlinger.
De retour en France en juillet 1854, Jules Oppert s’attelle à la publication d'un rapport très détaillé de la mission de Mésopotamie dans laquelle il développe les progrès qu’il a réalisés dans la compréhension des inscriptions en caractères cunéiformes. Ces travaux bénéficient également d’une mission à Londres au British Museum en 1855 où il peut étudier des tablettes cunéiformes ayant appartenu à la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive. Il se voit remettre des photos d’un certain nombre de ces tablettes réalisées par Roger Fenton, qui pratique cet art nouveau.
Naturalisé français en 1856, Jules Oppert participe l’année suivante, aux côtés des trois britanniques, Henry Rawlinson, Edward Hincks et William Talbot, au test organisé par la Royal Asiatic Society de Londres et qui officialise le déchiffrement de l’akkadien cunéiforme le 25 mai. Il publie très régulièrement ses travaux portant sur la langue assyrienne et les textes cunéiformes, et achève en 1959 sa grammaire sanscrite. Il suppose que l’écriture cunéiforme adoptée par les Assyriens a été conçue à l'origine par une population parlant une langue non sémitique, qu’il désigne en 1869 comme langue sumérienne.
Il fait partie de ces savants érudits qui maîtrisent un nombre impressionnant de langues et écrit à l’Empereur qu’il aimerait avoir une chaire de philologie comparée où il pourrait enseigner « le zend, le perse, faire des cours sur les langues italiques (…) faire du sanscrit ». Il doit attendre d’avoir presque quarante ans pour obtenir le poste de ses rêves, en 1864, à l’École des langues de la Bibliothèque Impériale.
Jules Oppert au début des années 1880, par Eugène Pirou.
De fait, la reconnaissance des travaux de Jules Oppert se fait attendre. Après quatre tentatives infructueuses, il devient le premier professeur de philologie et d’archéologie assyrienne au Collège de France en 1869. Il est élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1881, à 56 ans. De nombreuses académies étrangères ont également reconnu les travaux de ce savant en le nommant correspondant ou membre, que ce soit en Allemagne, Italie, Russie, Hongrie ou en Prusse.
Bien que perdant peu à peu la vision, Jules Oppert ne cesse de publier, traduisant inlassablement tous types de textes cunéiformes, et travaillant sur des sujets aussi divers que la chronologie, la géographie historique, le droit, l’astronomie et les éclipses, le calendrier, les poids et mesures et les signes cunéiformes assyriens et sumériens. Il est donc légitime que le Collège de France honore doublement sa mémoire.