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Que pensez-vous de l’accord de Paris sur le climat ?
Dans le monde tel qu’il est, avec sa compétition économique effrénée, ses égoïsmes nationaux, et ses forces d’obstruction, cet accord est peut-être le meilleur possible. Dans la mesure où il n’est pas contraignant, aucun résultat n'est garanti si on ne l’accompagne pas, si les sociétés civiles et les acteurs étatiques les plus déterminés, en Europe notamment, n’agissent pas plus énergiquement. L'accord comporte des éléments encourageants, mais sacrifie néanmoins deux aspects importants.
Tout d'abord, les actions d’ampleur à mener à court terme, puisque pour les pays émergents, leurs promesses sont très modestes et l’examen de leurs émissions et de leurs politiques ne commencera vraiment qu’entre 2023 et 2025. D’ici là, les pays développés sont invités à agir, mais on n’examinera les résultats de leurs politiques qu’après 2020. C’est dommage, car plus nous agirons tôt, et plus nous aurons de chances d’inverser la tendance actuelle au réchauffement.
Ensuite, sur le long terme, beaucoup d’aspects restent tabous, tels que le moment où il faudra nous passer des énergies fossiles. Les pays producteurs de pétrole ne veulent pas envisager cette étape, et les négociateurs ont trouvé des formes d’écriture très alambiquées, pour dire qu’il faudra « absorber ce qu’on émet ». Or, les technologies qui nous permettraient d’absorber les émissions de carbone à ce jour n’existent tout simplement pas ! Aucune véritable stabilisation du climat n’est donc en vue.
Pour conclure, je me réjouis du fait que la conscience du problème climatique augmente dans le monde, mais je m’inquiète du fait qu’il n’y ait pas de vision claire de la transformation à venir, qui est colossale.
Selon vous, les scientifiques ont-ils été entendus ?
Si j'en juge, par ce qui s'est passé à propos de l'objectif de stabilisation à 1,5°C le rôle des scientifiques a été faible. Les pays développés ont accepté cet objectif, pour lequel les pays les plus vulnérables ont milité. Il ne me paraît cependant pas réaliste. Pour l’atteindre, tous les scientifiques disent qu’il faudrait des efforts massifs et immédiats. Précisément, nous n’aurions que cinq années devant nous à la hauteur des émissions actuelles. Donc les pays émetteurs, y compris émergents devraient réduire drastiquement dès maintenant. Force est de constater qu’il existe donc toujours un divorce entre les mots sur le papier et ce que nous allons vraiment faire. C’est regrettable. Entre 2°C et 1,5°C, ce n'est pas un bouton qu'on tourne, ce sont des transformations concrètes, matérielles, considérables que la négociation n'aborde pas.
A ce point, je dirais que la gouvernance climatique ne peut plus se cantonner au seul processus onusien. De multiples instances de pouvoir à toutes les échelles, - des villes, régionales, nationales, transnationales (FMI, OMC, G7, G20 etc.)- prennent chaque jour des décisions importantes pour le climat, et trop souvent contraires aux politiques souhaitables (comme les subventions du FMI et de la Banque Mondiale aux énergies fossiles qui perdurent). Réduire partout le schisme entre les mots et les actes est vital. L'enjeu climatique doit devenir omniprésent et transversal. Il faut changer l'ordre de gouvernementalité du problème climatique.
Amy Dahan Dalmedico, historienne des sciences, est directrice de recherche émérite au CNRS au Centre Alexandre Koyré (CNRS-EHESS) à Paris, où elle anime depuis 2002 une équipe de recherche en sciences sociales sur les aspects scientifiques, politiques et épistémologiques du changement climatique. Elle est notamment co-auteur (avec Stefan Aykut) de Gouverner le climat. Vingt ans de négociations internationales (Presses de sciences po, Paris, 752 p, 2015).
Commentaires
Signe de progrès
Arnaud le 18 Janvier 2017 à 12h09http://www.serrurier-paris-express.com/actualites/28-subvention-
Arnaud le 23 Mars 2018 à 21h03Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS