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Henry Molaison, aussi connu sous le pseudonyme HM, est un patient américain amnésique dont l’étude a contribué à la compréhension des mécanismes de la mémoire. Souffrant d’une forme d’épilepsie résistante aux médicaments, il a subi à l’âge de 27 ans, en 1953, une opération chirurgicale consistant à lui retirer les foyers épileptiques situés dans les hippocampes et les tissus environnants des lobes temporaux. Mais à son réveil, alors que sa personnalité, ses capacités intellectuelles et de langage restent intactes, il est incapable de se souvenir de nouvelles informations ou de savoir s’il a faim, sommeil ou où il a mal.
HM souffre en fait d’une amnésie antérograde quasi totale, c’est-à-dire qu’il est incapable de former de nouveaux souvenirs, ainsi que d’une amnésie rétrograde puisqu’il ne se souvient pas de plusieurs années de sa vie (environ 11 ans). À partir de 1957, HM devient le sujet de nombreuses études scientifiques sur la mémoire menées par les neuropsychologues de l’Institut neurologique de Montréal, notamment Brenda Milner et Suzanne Corkin. Ces études montrent qu’HM est incapable de mémoriser de nouvelles informations de manière explicite, mais qu’il reste capable de mémoriser des informations de manière implicite, notamment des informations motrices. De plus, sa mémoire à court terme (30 secondes) reste intacte même si cela nécessite un effort constant de répétition de la part d’HM et il est parfois capable de se souvenir de certaines informations ponctuelles telles que le fait qu’il ait « des problèmes de mémoire » ou encore qu’« une personne célèbre appelée Kennedy a été assassinée ».
Sa capacité à retenir certaines informations, comme le plan de sa nouvelle maison, son visage dans un miroir ou encore le fait que ses parents soient morts, est attribuée au fait que la plupart de ces informations sont répétitives ou associées à une forte charge émotionnelle, et pourraient donc impliquer des structures différentes de l’hippocampe pour mémoriser des informations. Les études menées sur HM ont permis des avancées importantes dans la compréhension du fonctionnement et des structures impliquées dans la mémoire, notamment le rôle central de l’hippocampe et des aires para-hippocampiques dans la mémorisation. Ces études furent la base de la recherche sur la mémoire et le point de départ de nombreuses études sur l’hippocampe chez l’Homme et l’animal cherchant, encore aujourd’hui, à disséquer les mécanismes cellulaires et moléculaires de la mémoire.
© The Institute for Brain and Society, Dr. Jacopo Annese – Section du cerveau d’Henry Molaison
Jusqu’à la fin de sa vie en 2008, les troubles amnésiques d’HM ont très peu évolué, mais il continuait à participer à certaines études neuropsychologiques. Après son décès à l’âge de 82 ans, son cerveau a été prélevé, afin d’effectuer une étude histologique inédite reposant sur la réalisation de plusieurs milliers de sections (2 041 sections exactement) qui ont ensuite été numérisées dans le cadre du projet The Brain Observatory mené par le Dr Jacopo Annese de l’université de Californie à San Diego pour réaliser un atlas numérique de son cerveau qui servira à de futures études neuro-anatomiques.
Pour réaliser ces sections, le cerveau d’Henry Molaison a été congelé pour ensuite être minutieusement sectionné pendant 53 heures consécutives. Cette manipulation fut la première du genre puisque personne n’avait jamais tenté de congeler un cerveau humain entier dans ces conditions jusqu’alors. Alors que les médecins pensaient que l’hippocampe d’HM était complètement endommagé, une IRM réalisée dans les années 1990 ainsi que l’étude des sections cérébrales réalisées puis marquées révèlent qu’en fait, une grande partie de l’hippocampe d’HM restait intacte, relançant les interrogations et hypothèses sur le rôle des aires para-hippocampiques dans la mémoire.
Pour aller plus loin, l’article dans la revue Nature du Dr Jacopo Annese relatant la technique mise en place pour sectionner le cerveau de HM : J. Annese et al. Postmortem examination of patient H.M.’s brain based on histological sectioning and digital 3D reconstruction. Nature Communications. Published online January 28, 2014. doi: 10.1038/ncomms4122, ainsi qu’un article dans la revue Neuron du professeur Larry S. Squire sur l’héritage des études d’Henry Molaison pour les neurosciences.
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Alexandra Gros est docteure en neurosciences (Institut des neurosciences Paris-Saclay). Au cours de sa thèse, elle s’est intéressée au rôle de la neurogenèse adulte hippocampique dans les processus d’apprentissage et de mémoire, notamment épisodique. Alexandra est actuellement chercheuse post-doctorante à l’université d’Édimbourg où elle étudie comment la mise en mémoire et la persistance de souvenirs d’événements de la vie courante peuvent être affectées par un apprentissage ultérieur. Pour cela, elle cherche à élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-tendant ces processus, notamment via des mécanismes de « tagging » des neurones et synapses en utilisant l’expression des gènes immédiats précoces.
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