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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

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Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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Nouvelle découverte d’idoles en albâtre à Kültepe (Turquie)
29.10.2018, par Cécile Michel
Mis à jour le 29.10.2018

Le site de Kültepe, situé au nord-est de Kayseri, en Anatolie centrale (Turquie), est source permanente de découvertes. Fouillé en continu depuis 1948, ce site fut occupé pendant le 3ème et le début du 2ème millénaire avant J.-C.

Depuis 2006, année où Fikri Kulakoğlu, professeur d’archéologie à l’Université d’Ankara, a pris ses fonctions de directeur de la fouille, les archéologues concentrent leurs efforts sur la ville haute. Ils ont dégagé là plusieurs structures, dont certaines de grandes dimensions, datées du Bronze Ancien. Au cours de l’été 2018, ils ont mis au jour une pièce de taille réduite, dont le sol était jonché de vingt-huit idoles en albâtre semblables à celles déjà mises au jour par le passé à Kültepe.
Ville haute de Kültepe, septembre 2018. Photo Cécile Michel.Ville haute de Kültepe, septembre 2018. Photo Cécile Michel.

Ces idoles en albâtre, de même que des statuettes divines, ont généralement été découvertes dans des tombes et des lieux dédiés au culte. Elles représentent des témoignages uniques de l’art local dans la deuxième moitié du 3ème millénaire av. J.-C. Les idoles les plus anciennes ont des formes très stylisées, un demi-disque se poursuivant par un cou effilé et dépourvu de tête ; certaines évoquent la forme d’un violon.
Idoles en cours de fouilles, septembre 2018. Photo Cécile Michel.Idoles en cours de fouilles, septembre 2018. Photo Cécile Michel.

Il existe deux types d’idoles pourvues de têtes ; celles-ci sont caractéristiques du site de Kültepe et datent des derniers siècles du 3e millénaire. Toutes possèdent un corps en forme de disque, d’où part d’un à quatre cous allongés, chacun surmonté d’une tête. Parfois, la forme de la tête est triangulaire, ou alors elle est nettement plus élaborée et ressemble à une tête humaine. Le disque est incisé de décors de lignes hachurées, de ronds, de dessins représentant de manière stylisée des parties du corps, ou encore dans certains cas, des représentations en relief d’idoles ou de divinités assises sur un trône. Le dos du disque, plat, est rarement décoré.
Idoles de Kültepe sans tête, et avec une ou plusieurs têtes triangulaires. Mission Archéologique de Kültepe.Idoles de Kültepe sans tête, et avec une ou plusieurs têtes triangulaires. Mission Archéologique de Kültepe.
Idole de Kültepe avec une tête élaborée. Mission Archéologique de Kültepe.Idole de Kültepe avec une tête élaborée. Mission Archéologique de Kültepe.

Les idoles de Kültepe sont uniques en leur genre et leur interprétation fait encore l’objet de débats. Leurs têtes multiples ont parfois été considérées comme représentant des couples, voire des familles. Toutefois, lorsque des éléments sexués sont figurés, ceux-ci sont toujours féminins, suggérant que ces idoles représentaient des femmes ou des déesses. Du fait des lieux de leur découverte, ces idoles faisaient vraisemblablement l’objet d’un culte. Elles trouvent peut-être leurs racines dans la culture anatolienne des « Déesses Mères », symboles de fertilité. Les représentations d’une ou plusieurs idoles en relief sur le disque de certaines d’entre elles figureraient alors mère et enfant(s).

Les nouvelles idoles ont été envoyées en laboratoire pour nettoyage et restauration ; leur étude devrait permettre de préciser leur usage et leur sens symbolique. Cette nouvelle découverte devrait favoriser la candidature du site de Kültepe inscrit sur les listes indicatives de l’Unesco depuis avril 2014. Les 23 000 tablettes cunéiformes paléo-assyriennes de Kültepe, exhumées dans la ville basse du site, constituant les archives familiales de marchands assyriens qui y avaient établi un comptoir commercial aux 19e et 18e siècles avant J.-C., ont déjà été inscrites au registre Mémoire du Monde de l’Unesco en 2015.

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