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Notre corps possède en interne son propre réseau de communication. Lorsqu’une infection l’assaille, les cellules de la peau, situées en première ligne, alertent celles contenues dans les ganglions par l’intermédiaire de messagers : les exosomes. Chez les humains, les animaux, les insectes et tous les organismes multicellulaires, ces vésicules sont sécrétées par toutes les cellules. Autres avantages : elles sont capables de franchir la barrière hémato-encéphalique qui protège notre cerveau des agents pathogènes et qui, du coup, empêche certains traitements de maladies neurologiques d’atteindre notre cerveau. Cette précieuse propriété n’a pas échappé à la start-up Ciloa.
Depuis 2011, celle-ci tire profite des avantages de ce messager biologique qu’elle transforme en superagent spécialisé à des fins thérapeutiques. Un exosome possède des protéines sur sa membrane et dans son cytoplasme (sa partie interne). « On a démontré qu’il est possible de customiser un exosome en y ajoutant les protéines que l’on souhaite », décrit Robert Mamoun, ancien directeur du Centre d’études des maladies infectieuses et pharmacologie anti-infectieuse1 et créateur de la start-up.
Ajout de protéines
Les protéines ajoutées aux exosomes peuvent ainsi susciter diverses fonctions comme accroître les défenses immunitaires (lymphocytes, macrophages, etc.) ou détruire les agents infectieux. Celles de la membrane des exosomes peuvent être des ligands spécifiques de récepteurs qui permettent de cibler un organe et ainsi apporter un traitement à un organe bien précis. « C’est comparable à un missile dont on peut changer la trajectoire guidée par les protéines membranaires et sa charge explosive qui correspond aux effets thérapeutiques générés par les protéines à l’intérieur », décrit ce spécialiste en virologie moléculaire et ancien directeur de recherche Inserm.
Pour cela, Ciloa a mis en place une plateforme unique au monde s’appuyant sur deux brevets (CNRS/Université de Montpellier) et permettant d’ajouter simplement et rapidement des protéines aux exosomes en fonction de l’objectif recherché.
Vecteurs thérapeutiques : par-delà les barrières
Ces nouveaux vecteurs développés par Ciloa viennent compléter avantageusement l’arsenal déjà existant et palier certaines limites, notamment pour le traitement de maladies neuronales du cerveau. Si les vecteurs viraux utilisés actuellement sont performants en culture, leur caractère exogène déclenche des réponses immunes (des anticorps) fortes in vivo. De plus, leur nature virale empêche le passage de la barrière hémato-encéphaliqueFermerCe filtre extrêmement sélectif protège le cerveau des agents pathogènes, mais peut aussi compliquer certains traitements thérapeutiques de maladies neurologiques, qui ne parviennenet pas à le franchir.. Tandis que les vecteurs thérapeutiques à base d'exosomes, dont l’aspect est similaire à un virus (taille, enveloppe), passent toutes les barrières et permettent de cibler certains organes.
« Avec notre technologie, on peut sélectionner l’effet thérapeutique afin de tuer une cellule cancéreuse, apporter un facteur de croissance, ou toute autre fonction souhaitée permettant de soigner un organe malade », explique Robert Mamoun. L’équipe de la start-up a notamment démontré qu’en plaçant, à la surface des exosomes, des ligands caractéristiques de récepteurs présents sur les neurones, cela permettait la capture spécifique de ces exosomes par les cellules neuronales. Une avancée qui signifie qu’il est possible de cibler précisément tous types de neurones avec les exosomes et faire en sorte que ceux-ci ne pénètrent que dans ces neurones ciblés ; cela diminue les effets toxiques sur les autres cellules ce qui favorise la mise en place d’un traitement clinique. Après cette démonstration, les chercheurs vont appliquer la technologie au traitement de maladies neuromusculaires qui endommagent les neurones périphériques.
Vaccins sans agents pathogènes
Mais la technologie mise au point par Ciloa peut également servir à produire des vaccins d’une nouvelle génération : sans virus ni adjuvants. En d’autres termes, un leurre aussi efficace qu’un vaccin traditionnel. « Nous pouvons réaliser des candidats vaccins pour des virus émergents comme ceux de la dengue, du Zika ou du Chikungunya en moins d’un mois », renseigne Robert Mamoun.
Ces vaccins sont créés à partir de la séquence génétique de la protéine d’un virus. Ils sont constitués d’exosomes porteurs d’antigènes et de protéines exosomales naturellement amplificatrices des réponses immunitaires qui agissent tel un adjuvant. Les premiers essais en laboratoires se montrent encourageants. Testé contre Zika sur la souris et le rat, un prototype a déclenché des réponses neutralisantes. « Notre objectif est d’aller le plus loin possible dans les phases précliniques, céder des licences à de grands groupes pharmaceutiques et réinvestir les financements obtenus dans notre recherche », précise Robert Mamoun.
Autre piste en immunologie : la production d’anticorps pour cibler des tumeurs porteuses de protéines membranaires surexprimées, signes spécifiques de certains cancers, comme des ovaires et du pancréas. Ciloa et son équipe, composée de huit personnes, s’attellent donc au développement d’anticorps contre les protéines membranaires, telles que les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) ou des transporteurs, difficiles à cibler à cause de leur environnement transmembranaire instable. Les chercheurs ont ainsi démontré qu’en injectant des exosomes porteurs de ces protéines chez des animaux, il est possible de susciter des réponses immunes.
Dans ce nouvel arsenal thérapeutique, la start-up dispose déjà de 80 cibles thérapeutiques : des protéines avec lesquelles elle peut réaliser des candidats médicaments. Plus globalement, les perspectives de R & D et d’applications thérapeutiques et préventives à base d’exosomes sont nombreuses et la concurrence internationale utilisant des procédés différents, croissante. « On souhaite désormais ouvrir notre capital pour renforcer notre équipe et accélérer la vente de licences de nos différents vaccins et vecteurs thérapeutiques », conclut Robert Mamoun. ♦
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- 1. Unité CNRS/Université de Montpellier.
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