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Du forfait de ski au Blu-Ray, en passant par la puce d’identification de Médor et Félix, les technologies RFID se sont imposées dans nombre d’applications de reconnaissance et de référencement. Cette Radio frequency identification, ou « radio-identification », se rencontre le plus couramment sous forme d’étiquette rectangulaire. Celle-ci se compose d’une puce en silicium qui s’active lorsqu’elle reçoit une onde électromagnétique en provenance d’un lecteur. Elle émet alors ses données d’identification grâce à son antenne, généralement une languette métallique qui fait plusieurs fois le tour de l’étiquette. Les informations sont ensuite récupérées et traitées dans la base de données correspondante : nom, prix, stock, validité… La RFID présente ainsi de nombreux avantages par rapport aux codes-barres, comme la possibilité de scanner une centaine d’étiquettes à la fois, même en présence d’obstacles, et jusqu’à dix mètres de distance.
Coûts réduits, technique démocratisée
Malgré ses applications déjà bien ancrées dans le quotidien, la radio-identification inspire toujours les chercheurs. Ainsi pour Alain Foucaran, professeur des universités et directeur de l’Institut d’électronique et des systèmes (IES)1, « la RFID s’est généralisée et continue d’améliorer l’efficacité logistique et la traçabilité. Le coût de l’étiquette RFID est donc primordial afin que l’ensemble des objets, y compris ceux de consommation courante, en soient équipés. C’est pourquoi trois ingénieurs, issus de l’école Centrale de Lyon, sont venus vers nous pour pallier ce problème ». « Nous avons été contactés fin 2006 alors qu’ils créaient la société Tageos, poursuit Brice Sorli, maître de conférences et lui aussi membre de l’IES. Ils avaient bien identifié le potentiel de la RFID pour les marchés de la logistique. Ces ingénieurs cherchaient un partenaire et nous avons travaillé avec eux : réduire les coûts pour démocratiser cette technologie. »
Du plastique au papier
Comme une grande partie du prix de l’étiquette est due à sa conception en plastique, l’idée est venue de remplacer ce matériau par du papier. « On aurait pu répondre que ce n’était pas possible, que le papier n’est pas assez noble, trop sensible à l’humidité…, se souvient Alain Foucaran. Mais nous avons relevé le défi. » Les chercheurs de l’IES ont ainsi développé en collaboration avec Tageos une technologie sur la base d’un papier standard, permettant de réaliser des antenne RFID en grands volumes et à faible coût. « Une fois que les cadences de fabrication ont été assez élevées, Tageos a pris son essor et a décroché de beaux marchés avec Decathlon ou encore Coca-Cola, se réjouit Alain Foucaran. L’entreprise compte à présent environ une quarantaine de salariés, dont d’anciens doctorants. » Tageos produit 300 millions d’étiquettes par an, et vise le milliard dans deux ans.
Suite à ce succès, l’Agence nationale pour la recherche a soutenu en 2016 l’éclosion d’un laboratoire commun entre l’IES et Tageos : le SPID-Lab2. Il vise l’alliance de la RFID et des capteurs, qui sont la grande spécialité de l’IES. Cette association permet, en plus d’attribuer un identifiant unique à un lot, d’obtenir différentes informations, comme observer la dégradation des aliments dans le domaine de l’agroalimentaire.
De l'agroalimentaire à la médecine
« Avec des chercheurs de l’INRA, en particulier le laboratoire Ingénierie des agropolymères et technologies émergentes, nous essayons de faire accepter cette technologie RFID-Capteur par le monde de la logistique de l’agroalimentaire », explique Brice Sorli.
Les chercheurs de l’IES collaborent également avec la faculté de pharmacie de Montpellier, l’Institut des biomolécules Max Mousseron3 et le CHU de Montpellier sur des pansements intelligents. Ils suivraient la cicatrisation, détecteraient les pathogènes et préviendraient de quand changer le bandage. Le tout devant rester manipulable par du personnel pas forcément formé au maniement des technologies RFID. Issue là encore de l’IES, la start-up BoneTag conçoit des capteurs pour prothèses du genou, qui renseigne les praticiens sur son usure et sur l’adhérence de l’os grâce à la RFID.
Une "brique contre le réchauffement climatique" ?
Outre ces prouesses techniques, les chercheurs de l’IES surveillent également l’impact de leurs créations. Si la radio-identification remonte aux années 1940, son utilisation connaît une explosion dans le sillage du développement des appareils sans fil. « Les projections indiquent que, en 2020, il y aura 90 milliards d’objets autonomes connectés, avance Alain Foucaran. On ne peut pas continuer à les produire sans penser au recyclage. » Le passage du plastique au papier pour les étiquettes RFID trouve ici un nouvel avantage : adoucir l’impact de la prolifération de leur usage.
« Je suis également convaincu que la RFID sera une brique essentielle pour la lutte contre le changement climatique, car elle peut intervenir à chaque instant de la vie des objets », conclut le chercheur. Épaulée par des capteurs, la radio-identification promettrait alors un degré de traçabilité inédit, de quoi aider à réduire gaspillage et pollution dans la phase critique que nous abordons. ♦
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