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De la santé à l’énergie en passant par l’informatique ou la chimie, les recherches menées dans les labos trouvent régulièrement des prolongements dans le monde socio-économique. Découvrez sur ce blog des exemples de valorisation des recherches menées au CNRS, une des institutions les plus innovantes au monde.

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Une nouvelle génération de robots chirurgiens prête à éclore
04.01.2023, par Sebastián Escalón
Mis à jour le 12.01.2023
De plus en plus nombreux dans les blocs opératoires, les robots promettent des interventions plus rapides, plus précises et moins risquées. Voici quelques exemples spectaculaires en cours de développement.

Depuis leur irruption dans les blocs opératoires à la fin des années 1980, des millions de patients dans le monde ont été opérés à l’aide d’un assistant robotique. Et pourtant, l’essentiel reste à faire : de nombreuses interventions chirurgicales pourraient devenir plus faciles et plus sûres grâce aux robots. Des centaines d’équipes dans le monde, et en particulier en France, cherchent ainsi à dépasser les capacités des robots actuels. Aucune spécialité de la médecine ne semble échapper à cet engouement pour les robots chirurgiens : chirurgies de l’œil, de la colonne vertébrale, du système digestif, des reins et de l’uretère, de la prostate, etc. Voici un petit échantillon des recherches sur de nouvelles plateformes cybernétiques à différents stades de développement. Ces travaux montrent à quel point la collaboration entre laboratoires de recherche, entreprises et équipes soignantes est une affaire fructueuse.

CoBra : le robot qui vise juste

La curiethérapie est l’un des traitements employés contre le cancer de la prostate lorsque celui-ci en est aux premiers stades. Ce traitement consiste à introduire dans la tumeur des grains radioactifs pour détruire les cellules cancéreuses. Mais voilà, placer à l’aide d’une aiguille une dizaine de grains dans une tumeur d’environ un centimètre de diamètre est une vraie gageure pour les cliniciens. Côté patient, le nombre de piqures rapprochées peut se traduire par des douleurs et de l’inflammation après l’opération.

Le dispositif CoBra est ici mis en scène avec un mannequin. Le corps entier et le robot entrent dans un appareil d’imagerie par résonance magnétique (IRM), permettant le traitement de cancers localisés (biopsie, curiethérapie).
Le dispositif CoBra est ici mis en scène avec un mannequin. Le corps entier et le robot entrent dans un appareil d’imagerie par résonance magnétique (IRM), permettant le traitement de cancers localisés (biopsie, curiethérapie).

CoBra, fruit d’une collaboration internationale menée par le Centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille1 (CRIStAL), s’apprête à venir en aide aux praticiens. Son bras robotique est capable de placer les grains radioactifs avec une précision millimétrique. Le praticien contrôle l’aiguille à distance, à l’aide d’un joystick, et se guide grâce à des images obtenues en temps réel par imagerie à résonance magnétique (IRM). Ainsi, il peut réaliser l’opération sans s’exposer ni au champ magnétique de l’IRM ni au matériel radioactif introduit dans la prostate. Avantage pour le malade, le robot est capable d’introduire autant de grains que nécessaire à partir d’un point d’entrée unique de l’aiguille par la peau du périnée. CoBra permet aussi d’obtenir des échantillons de tissus à analyser grâce à des prélèvements automatiques.

Les chercheurs ont récemment testé avec succès le robot sur des modèles animaux. Prochaine étape : créer la start-up qui se chargera d’obtenir l’autorisation pour opérer sur des patients et trouver les partenaires industriels pour commercialiser le robot. 

Ease : la chirurgie endoscopique sans peine

Lorsque des tumeurs se forment dans le côlon ou le rectum, l’une des interventions possibles est de les éliminer à l’aide d’un endoscope muni d’un bistouri électrique. Le grand avantage de cette technique : elle évite au patient une intervention lourde consistant à ouvrir l’abdomen pour une ablation des sections touchées du tube digestif. Son inconvénient : elle est très difficile à réaliser et requiert un chirurgien extrêmement habile. Or, même lorsqu’elle est réalisée par le meilleur des endoscopistes, l’opération comporte des risques de perforation de l’intestin.

Le robot-endoscope Ease porte bien son nom « facilité », car il rend plus sûres et plus efficaces les opérations chirurgicales délicates sur le tube digestif.
Le robot-endoscope Ease porte bien son nom « facilité », car il rend plus sûres et plus efficaces les opérations chirurgicales délicates sur le tube digestif.

C’est pour rendre cette intervention plus facile d’accès que le laboratoire ICube2 s’est lancé dans le développement de Ease. Ce robot-endoscope permet de contrôler de façon indépendante les mouvements de la caméra et des instruments chirurgicaux. Grâce à Ease, l’opération devient plus facile et intuitive. Il permet de diviser par deux le temps d’opération et de réduire par dix le risque de lésions du tube digestif. Les tests réalisés sur des modèles animaux (cochons) ont démontré qu’un chirurgien peu expérimenté utilisant le robot est plus performant et rapide qu’un spécialiste confirmé travaillant sans assistance robotique.

À présent, les chercheurs du laboratoire ICube travaillent à incorporer un système d’imagerie au robot, capable d’identifier les tissus cancéreux dans l’intestin. Ceci permettra d’intervenir au moment même où la tumeur est détectée. Ils sont aussi à la recherche de partenaires industriels afin d’amener Ease vers des essais sur des patients.

AcuSurgical : l’œil pour cible

Décollement de rétine, pelage de membrane épi-rétinienne (15 microns), dégénérescence maculaire, occlusion veineuse : les maladies de la rétine sont nombreuses. Mais voilà, les interventions chirurgicales sur cette membrane de 0,5 millimètre d’épaisseur sont particulièrement délicates. Des tremblements de la main du chirurgien un peu trop marqués ou un mouvement inopiné de la pince, et les résultats de l’opération peuvent en pâtir. Pas étonnant que la robotique se soit engagée sur la voie de la chirurgie oculaire.

Le robot Acusurgical permet de manipuler les instruments chirurgicaux placés sur le bras robotique à l’aide de joystick.
Le robot Acusurgical permet de manipuler les instruments chirurgicaux placés sur le bras robotique à l’aide de joystick.

La start-up AcuSurgical et le Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier3 (Lirmm) développent un robot pour assister les praticiens dans les opérations de la rétine. Ainsi, si le tremblement physiologique moyen est de 100 microns (un excellent chirurgien peut opérer avec une précision de l’ordre des 150 ou 200 microns), le robot d’AcuSurgical atteint quant à lui une précision de 10 micromètres. Autre avantage de cette plateforme robotisée : elle offre au chirurgien des moyens accrus de visualisation. Celui-ci opère dans un environnement tridimensionnel grâce à une prise de vue avec deux caméras. Muni de lunettes de vision 3D, il manipule les instruments chirurgicaux placés sur le bras robotique à l'aide d’un joystick.

La montée en précision que permet cette plateforme devrait avoir un impact au-delà des opérations de la rétine pratiquées actuellement. En effet, elle pourrait rendre viables des procédures chirurgicales impossibles avec les moyens actuels. Parmi celles-ci, des injections sous-rétiniennes dans le cadre de thérapies cellulaires pour traiter des maladies comme la dégénérescence maculaire. 

Ily : le chasseur des calculs rénaux

Le traitement des calculs rénaux par urétéroscopie est une opération qui peut être longue et éprouvante pour les praticiens. La fragmentation et l’extraction d’un calcul d’un centimètre de diamètre peut demander jusqu’à une heure de travail à un urologue expérimenté. Une heure durant laquelle il s’expose aux rayonnements ionisants utilisés pour se repérer dans la cavité rénale.

C’est pour rendre ces opérations plus faciles et plus sûres que le robot Ily a été développé, dans le cadre d’une collaboration entre le Lirmm, la société Sterlab et le CHU de Nîmes. Ily permet de manœuvrer avec une extrême précision la caméra de l’urétroscope et la fibre laser qui fragmente les calculs rénaux. Ceci, à l’aide d’un joystick sans fil permettant au chirurgien d’opérer confortablement et à distance de la source de rayonnements.

Le robot chirurgical Ily®, ici au CHU de Nîmes, est utilisé pour le traitement des calculs rénaux et des tumeurs. Manipulé à l’aide d’un joystick sans fil, il permet au chirurgien d’opérer à distance de la source de rayonnements.
Le robot chirurgical Ily®, ici au CHU de Nîmes, est utilisé pour le traitement des calculs rénaux et des tumeurs. Manipulé à l’aide d’un joystick sans fil, il permet au chirurgien d’opérer à distance de la source de rayonnements.

Mais les chercheurs voient déjà au-delà du simple traitement des calculs rénaux. Ily devrait devenir l’assistant robotique idéal pour d’autres opérations, comme les biopsies, le traitement de certaines lésions ou encore, l’ablation de tissus cancéreux. Ily a obtenu en 2018 la certification CE pour opérer sur des patients. Au CHU de Nîmes et autres centres cliniques, plus de 80 patients ont déjà été traités grâce à cette plateforme. En phase de commercialisation, les premiers exemplaires d’Ily ont déjà été achetés par des centres hospitaliers internationaux.

Faros : doter les robots de nouveaux sens 

Lorsqu’un chirurgien insère une vis dans une vertèbre afin de traiter une scoliose ou une lésion, il ne se fie pas seulement à sa vue. Le son de la perceuse et la résistance de l’os, par exemple, lui apportent des informations complémentaires qui l’aident dans l’opération. Il existe des robots pour aider les praticiens à réaliser des chirurgies de la colonne vertébrale, mais leur utilisation reste limitée. Guidés seulement par des reconstitutions 3D et de l’imagerie médicale, il leur manque cet instinct, ce sens presque artisanal qui indique aux chirurgiens où et jusqu’où percer.

Simulation du perçage d’un pédicule pour placer une vis avec un robot d’assistance à la chirurgie de la colonne vertébrale. Zoom sur la sonde pédiculaire, au centre, qui interprète la conductivité électrique des tissus durant le perçage (elle alerte l’opérateur en cas de contact avec le liquide cérébro-spinal, très conducteur). Le bras de droite est muni d’un endoscope offrant un retour visuel.
Simulation du perçage d’un pédicule pour placer une vis avec un robot d’assistance à la chirurgie de la colonne vertébrale. Zoom sur la sonde pédiculaire, au centre, qui interprète la conductivité électrique des tissus durant le perçage (elle alerte l’opérateur en cas de contact avec le liquide cérébro-spinal, très conducteur). Le bras de droite est muni d’un endoscope offrant un retour visuel.

Les chercheurs de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique4 (Isir), en collaboration avec la société Spineguard, travaillent, justement, à pourvoir de sens additionnels les plateformes robotiques pour les chirurgies de la colonne vertébrale. Dans le cadre du projet européen Faros, ils testent par exemple l’utilisation d’un capteur de conductivité placé au bout d’un instrument chirurgical manipulé par un robot. Celui-ci permet d’avertir le robot et le chirurgien lorsque la mèche de la perceuse s’approche dangereusement de la moelle épinière, qu’il ne faut surtout pas abîmer. De même, l’utilisation de micros, de capteurs de vibrations ou d’ultrasons peut indiquer au praticien et à son assistant robotique où percer pour être sûrs que la vis tienne.

Le but de ces travaux est double : d’une part, automatiser la pose de vis sur des parties osseuses et d’autre part, réduire significativement les erreurs de pose. En effet, ces opérations comportent toujours le risque d’endommager le tissu osseux ou même la moelle épinière, ce qui peut entraîner des conséquences durables pour le patient. À présent, les chercheurs et la société Spineguard veulent tester ces concepts innovants sur des robots déjà dans le commerce.  

Des robots tout en souplesse

Les robots dits « continus », à la différence des robots rigides, ne sont pas dotés d’articulations rigides. Leur corps serpentiforme est élastique et déformable sur toute sa longueur. Pour les applications médicales et chirurgicales, cette flexibilité leur offre deux avantages majeurs. D’une part, elle constitue une sécurité, car un choc avec un tissu déforme le robot sans créer de lésion. D’autre part, elle permet une miniaturisation qui peut atteindre l’ordre des 3 millimètres de diamètre. Ainsi, les robots continus pourront se faufiler le long de cavités et conduits naturels pour atteindre des régions du corps inaccessibles sans opérations lourdes.

La plupart des travaux sur les robots continus en sont à des stades précoces de développement. L’un des obstacles auxquels font face les chercheurs est qu’il n’y a pas de robot continu disponible sur le marché. Ils partent bien souvent de zéro. Afin d’accélérer ces recherches, le laboratoire de recherche Translationnelle et innovation en médecine et complexité5 (TIMC) met au point un robot continu expérimental qu’il mettra à la disposition de la communauté scientifique. Celui-ci permettra aux chercheurs d’étudier différents aspects comme le contrôle et la modélisation des mouvements ou encore les interfaces homme-machine.

Prototype de robot continu actionné par câbles et zoom sur sa partie flexible. Ce type de robots, conçu pour des applications médico-chirurgicales de diagnostic (avec caméras miniaturisées, fibres optiques, etc.) ou de thérapie (avec outils chirurgicaux), réduira de façon drastique le caractère invasif des interventions.
Prototype de robot continu actionné par câbles et zoom sur sa partie flexible. Ce type de robots, conçu pour des applications médico-chirurgicales de diagnostic (avec caméras miniaturisées, fibres optiques, etc.) ou de thérapie (avec outils chirurgicaux), réduira de façon drastique le caractère invasif des interventions.

Ce robot d’une quinzaine de centimètres de long et de 10,5 millimètres de diamètre leur permettra d’arriver plus vite à des résultats homogènes et reproductibles. Il est le premier d’une série de plateformes en cours de développement au TIMC et permettra d’accélérer le transfert des robots continus des laboratoires de recherche vers les blocs opératoires. En même temps, les chercheurs du TIMC travaillent avec des cliniciens du CHU de Grenoble pour adapter ce robot à des applications en urologie et en chirurgie digestive. ♦

À lire sur notre site
Le siècle des robots (dossier)
Les robots s’installent au bloc
Ces microrobots permettent de manipuler des cellules !
Voici le microrobot le plus rapide du monde 

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université de Lille/Centrale Lille Institut.
  • 2. Laboratoire des sciences de l'Ingénieur, de l'Informatique et de l'Imagerie (unité CNRS/Université de Strasbourg).
  • 3. Unité CNRS/Université de Montpellier.
  • 4. Unité CNRS/Sorbonne Université.
  • 5. Unité CNRS/Université Grenoble Alpes.