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La cause principale de résistance aux antibiotiques est la transmission de gènes par « conjugaison bactérienne », procédé par lequel les bactéries se transmettent des plasmides, éléments spécifiques de leur génome, séparé de leur chromosome. Afin de lutter contre ce fléau de santé publique, Yoshiharu Yamaichi étudie la conjugaison dans le but de la désactiver.
La résistance aux antibiotiques représente 35 000 morts annuelles en Europe, une véritable menace pour la santé publique. Cette résistance provient de gènes, acquis principalement par conjugaison, un procédé au cours duquel les bactéries peuvent se transférer une partie spécifique séparée de leur génome, appelée plasmide, et ce même entre deux membres de deux espèces différentes. C’est ce sujet précisément qu’étudie Yoshiharu Yamaichi, chargé de recherche CNRS à l’Institut de biologie intégrative de la cellule1, dans son projet PlasMED afin de trouver des moyens de lutter contre cette transmission de gènes. Ces travaux, menés en collaboration avec des scientifiques à Lyon et Toulouse2, sont financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.
La conjugaison se met en place lorsque qu’une bactérie proche d’une autre crée un « pont » entre elle et sa voisine. Ce pont est une extension d’elle-même, qui vient fusionner avec l’autre bactérie. A travers cette connexion, la bactérie donneuse peut transférer une copie de son plasmide à la bactérie receveuse. « La conjugaison permet aux bactéries de transférer leurs gènes de résistance à d’autres bactéries beaucoup plus rapidement que par simple reproduction, c’est ce qui la rend dangereuse » prévient le chercheur. Par exemple, grâce à ce système, les bactéries qui survivent à un traitement antibiotique sont capables notamment de transférer leurs gènes de résistances de manière très rapide.
Dans le cadre de son projet PlasMED, Yoshiharu Yamaichi a tout d’abord identifié des gènes impliqués dans la propagation des plasmides entre bactéries, par conjugaison ou par reproduction. Grâce à ses travaux qui ont principalement porté sur un plasmide impliqué dans une épidémie d’Escherichia coli, il a pu mettre en évidence d’une part certaines mutations précises qui rendent les plasmides très transmissibles, et, d’autre part, des moyens de s’assurer que le plasmide est bien transmis à la descendance de la bactérie : on parle alors de « stabilité » du plasmide. La stabilité est un facteur important, car les plasmides sont des fragments d’ADN séparés du génome des bactéries, qui n’est pas toujours transmis aux cellules filles.
De la complexité de la transmission des plasmides
Après avoir identifié quels gènes étaient impliqués dans le transfert des plasmides, Yoshiharu Yamaichi s’est intéressé aux mécanismes précis de cette transmission. « La conjugaison paraît simple et intuitive : une bactérie entre en contact avec une autre et lui transfère une copie de son plasmide. Mais en réalité c’est très complexe, et il reste encore de nombreuses zones d’ombres dans ce processus » détaille le chercheur. Il a alors développé des outils pour visualiser les différentes étapes de la conjugaison.
Il a utilisé des protéines qui se lient à l’ADN simple ou double brin afin de visualiser l’ADN en cours de transmission entre bactéries : le plasmide dans son état double brin normal, le plasmide simple brin lorsqu’il est en cours de transmission à l’autre bactérie, et à nouveau double brin dans la bactérie receveuse. Le chercheur a également modifié les gènes impliqués dans la conjugaison identifiés préalablement pour que la protéine produite soit fluorescente. Il a ainsi pu étudier leur localisation dans la cellule, et si elles étaient diffuses ou concentrées en des points précis.
Grâce à ces connaissances, le chercheur étudie différents moyens et approches d’empêcher la conjugaison d’avoir lieu, ce qui permettrait de lutter très efficacement contre la résistance bactérienne aux antibiotiques.
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1 I2BC – CEA/CNRS/Université Paris-Saclay/Inrae/Inserm
2 Christian Lesterlin, chercheur Inserm au laboratoire Microbiologie moléculaire et biochimie structurale (MMSB – CNRS/Université Claude Bernard) et Jean-Yves Bouet, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de microbiologie et de génétique moléculaires (LMGM – CNRS/Université de Toulouse Paul Sabatier)
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