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Les neutrinos sont des particules élémentaires dont les propriétés sont encore très mystérieuses et pourraient être à l’origine de la disparition de l’antimatière primordiale. Pour percer ce mystère, une nouvelle méthode est en train d’être développée exploitant des instruments aux limites de la technologie tels que des capteurs de particules ultra-rapides ou encore des détecteurs à neutrinos géants installés dans les abysses. Ces photographies ont été réalisées dans le cadre du projet ENTER, menés par des scientifiques du Centre de physique des particules de Marseille*.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Cette vue d’artiste illustre la disparition de l’antimatière qui demeure l’un des plus profonds mystères de la physique. L’antimatière, possède des propriétés inverses à celle de la matière. Ainsi un antiélectron, e+, porte une charge inverse à celle d’un électron, e-. Les lois connues de la physique sont telles, qu’observée dans un miroir qui inverserait ses propriétés, une particule de matière serait indiscernable de son antiparticule. Ainsi, depuis le Big Bang, matière et antimatière auraient dû coexister en proportion égale. Or l’univers que nous observons aujourd’hui ne contient pas d’antimatière. Le neutrino, une particule élémentaire notée ν, pourrait être à l'origine de ce déséquilibre. Cette particule peut être créé sous trois formes appelées “saveurs” et a la faculté de changer de saveur en se propageant. Or ce phénomène pourrait être diffèrent pour les neutrinos et les antineutrinos ce qui briserait l’équilibre entre matière et antimatière.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Ce dispositif expérimental peut être utilisé pour étudier les neutrinos. Les propriétés de ces particules élémentaires sont encore très mystérieuses et pourraient être à l’origine de la disparition de l’antimatière primordiale. Ces particules sont parmi les plus abondantes de l’Univers. Chaque seconde, cent mille milliards de neutrinos, émis par le soleil, traversent chacun d’entre nous. La probabilité que ces particules interagissent est si faible, qu’au cours de notre vie, moins d’une poignée d’entre eux interagiront avec la matière qui nous constitue. Cette très faible probabilité d’interaction rend la détection et donc l’étude des neutrinos très difficiles. Pour y parvenir, les physiciens utilisent alors des sources de neutrinos très intenses (ici au fond de la salle) et des détecteurs de très grandes tailles (ici 20 tonnes de krypton liquide contenu dans la cuve grise devant l’expérimentateur). Plus le détecteur est grand, plus il contient de cibles (protons et neutrons) contre lesquels le neutrino a une chance d’interagir.
© Mathieu Perrin-Terrin / CPPM / CNRS Images
Équations décrivant, le mécanisme de production (à gauche) et d’interaction d’un neutrino (à droite). Les neutrinos ne peuvent être détectés qu’indirectement à partir des produits issus de leur interaction avec la matière. Une fois détectée, l’énergie du neutrino est estimée à partir de celle des particules produites lors de l’interaction. Certaines particules n’étant pas détectables, l'énergie du neutrino est obtenue avec une précision limitée. Pour améliorer cette précision, une autre méthode consiste à exploiter le processus de production du neutrino, la désintégration d’un pion π+ en un muon µ+ et un neutrino νµ. L’énergie du neutrino est obtenue en soustrayant à l’énergie du pion celle du muon. La précision obtenue est dix fois supérieure. Cependant, jusqu’à récemment, cette méthode n’avait jamais été mise en œuvre car aucun détecteur ne pouvait fonctionner dans les faisceaux de pions dont l’intensité se chiffre en milliards de particules par seconde.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Ce détecteur à pixels, le GigaTracKer, permet de reconstruire individuellement les trajectoires de plus d’un milliard de particules par seconde. Développée par l’expérience NA62 au CERN, cette technologie a permis de montrer la faisabilité d’une nouvelle méthode de caractérisation des neutrinos. Celle-ci consiste à mesurer les propriétés d’un neutrino à partir de la désintégration qui la produit. Les précisions atteignables par cette technique sont inégalables. Le concept de cette méthode fut introduit dès les années 1980, mais, jusqu’à ce jour (2024), la mise en œuvre de cette méthode était inenvisageable car le taux désintégrations devant être détectés est vertigineux (plusieurs centaines de milliards par seconde). Avec l’avènement des détecteurs à pixel en silicium ultra rapides, comme le GigaTracKer, la faisabilité de cette méthode est acquise et sa mise en œuvre à grande échelle devient possible.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Vue détaillée du détecteur à pixels, le GigaTracKer, permet de reconstruire individuellement les trajectoires de plus d’un milliard de particules par seconde.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Le calorimètre de l’expérience NA62 au CERN, formé par 20 tonnes de Krypton liquide, permet de détecter des neutrinos produits par les désintégrations de kaons en muons et neutrinos. Les autres instruments de l’expérience NA62 permettent de reconstruire ces désintégrations et de les associer aux neutrinos détectés dans le calorimètre au krypton liquide. Grâce à cette association, les propriétés des neutrinos peuvent être estimées avec une précision inégalée ouvrant de nouvelles perspectives pour l’étude des neutrinos. Ces particules élémentaires dont les propriétés sont encore très mystérieuses pourraient être à l’origine de la disparition de l’antimatière primordiale.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
À l’intérieur de cette enceinte de vide se trouve le GigaTracker de l’expérience NA62. Ce détecteur est capable de reconstruire individuellement les trajectoires de plus d’un milliard de particules par seconde. Il permet ainsi de reconstruire précisément les désintégrations d’un faisceau de kaon en muons et neutrinos. Les autres instruments de l’expérience NA62 permettent de détecter ces neutrinos et de les associer individuellement à la désintégration les ayant produits.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Un faisceau de kaons traverse toute l’expérience NA62 (de droite à gauche) dans un tube à vide, visible au centre de la photo. Lorsqu’un kaon se désintègre il produit un neutrino et un muon qui s’échappent du tube à vide et traversent les détecteurs qui l’entourent. La cuve grise, contient 9 000 litres de krypton liquide qui forment le calorimètre de l’expérience dans lequel les neutrinos peuvent interagir et être détectés. Ces détections sont rarissimes : sur un milliard de neutrinos traversant la cuve de krypton, moins d’une poignée interagiront.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
La première observation d’un candidat neutrino "taggué" auprès de l’expérience NA62 au CERN a permis de démontrer la faisabilité d’une nouvelle méthode pour la physique des neutrinos. Celle-ci propose de suivre les neutrinos depuis leur production, par les désintégrations de kaons, jusqu’à leur interaction dans un détecteur à neutrino. L’analyse des signaux déposés dans les détecteurs par plus d’une centaine de milliards de désintégrations de kaons vers un neutrino et un muon a permis de mettre au jour un évènement rarissime. Un neutrino ayant interagit dans le détecteur à krypton liquide de l’expérience (en gris clair sur le schéma) a pu être associé au kaon et muon impliqués dans la désintégration qui l’a produite. Ce premier neutrino "taggué" ouvre la voie vers la mise en œuvre à plus grande échelle de cette méthode pour l’étude des neutrinos.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Les lignes de détection de l’expérience KM3NeT, ici en cours de calibration, permettent de créer de gigantesques détecteurs à neutrino en instrumentant de grands volumes d’eau, plusieurs millions de mètres cubes, au fond des mers ou des lacs profonds. Lorsqu’un neutrino interagit dans l’eau, il produit des particules chargées dans le sillage desquelles un cône de lumière – le rayonnement Tcherenkov – apparait et peut être détecté par les capteurs des lignes de mouillages KM3NeT. Les détecteurs gigantesques formés par ces lignes pourraient permettent la mise en place d’expériences à neutrino de nouvelle génération reposant sur une méthode expérimentale innovante dont la faisabilité vient d’être démontrée au CERN.
© Vincent MONCORGE / CPPM / CNRS Images
Les lignes de détection de l’expérience KM3NeT, ici en cours de montage, permettent de créer de gigantesques détecteurs à neutrino en instrumentant de grands volumes d’eau, plusieurs millions de mètres cubes, au fond des mers ou des lacs profonds. Ces lignes sont enroulées sur une structure sphérique qui est déposée sur le fond marin. Un robot vient alors libérer la sphère de son ancre (en jaune) qui en remontant par flottaison déroule la ligne de détection.
© KM3NeT-Collaboration / CNRS Images
Les lignes de détection de l’expérience KM3NeT, ici pendant une opération de déploiement, permettent de créer de gigantesques détecteurs à neutrino en instrumentant de grands volumes d’eau, plusieurs millions de mètres cubes, au fond des mers ou des lacs profonds.
Découvrez le reportage photos complet "À la recherche de l’antimatière primordiale : la piste des neutrinos" sur la médiathèque du CNRS.
* Centre de physique des particules de Marseille (CPPM - AMU / CNRS)
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du projet SENCE-AAPG2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG 18/19).