Donner du sens à la science

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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches s'inscrivent dans le programme « Science avec et pour la société » de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
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Produire de l’hydrogène grâce aux nanomatériaux
28.09.2023, par Damien Guimier - CNRS Île-de-France Gif-sur-Yvette

L’hydrogène décarboné est l’une des voies explorées comme alternative durable aux énergies fossiles. Le projet C3PO a pour objectif d’étudier le confinement et la photocatalyse dans des nanotubes polarisés, afin de déterminer si ces derniers pourraient produire de l’hydrogène.

Plusieurs techniques sont explorées pour fabriquer de l’hydrogène. L’une d’entre elles est la photocatalyse, qui consiste à utiliser la lumière pour dissocier les molécules d’eau en hydrogène et oxygène.

Avec le projet C3PO, Erwan Paineau, chercheur CNRS au Laboratoire de physique des solides 1, tente de déterminer si des nanotubes pourraient être des matériaux utiles pour la production d’hydrogène.  Pour cela, il étudie le confinement et la photocatalyse dans des nanotubes polarisés. Ces travaux sont en partie financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui soutient l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.

Les nanotubes sont des objets tubulaires dont le diamètre est nanométrique. En l’occurrence, le chercheur du LPS étudie les nanotubes d’alumino-germanate, de type imogolite (un aluminosilicate naturellement présent dans les sols volcaniques qu’il est également possible de synthétiser). Ces nanotubes sont ainsi composés d’une couche externe d’aluminium, et de tétraèdres de germanium à l’intérieur.

« Ces nanotubes sont des objets longs, qui font quasiment le micromètre, mais qui mesurent seulement 4 nanomètres de diamètre extérieur et 1,5 nanomètre de diamètre intérieur, détaille Erwan Paineau, coordinateur du projet C3PO. Ils sont ainsi creux et ouverts des deux côtés. Ce sont donc des objets intéressants pour y loger des molécules, dans le but de les stocker, ou de les transporter à travers ces nanocanaux et jouer sur leurs propriétés. »

En effet, avec la montée des nanosciences, les nanotubes ont été reconnus comme des objets prometteurs pour la recherche fondamentale sur le confinement des molécules dans l’espace creux cylindrique des nanotubes. « À ces échelles-là, l’eau a des propriétés différentes, ajoute le chercheur du LPS. Nous avons par exemple montré que la première couche d’eau présente une structuration particulière avec des molécules isolées le long de la paroi interne et que cette couche d’hydratation reste solide jusqu’à 25°C. »

Ces nanostructures sont également considérées comme des « briques élémentaires » essentielles, qui pourraient surpasser les technologies utilisées actuellement en nanofluidique, pour le tri moléculaire ou le stockage d’énergie. En parallèle, le concept de photocatalyse assistée par nano-confinement a commencé à retenir l'attention avec le développement de nanostructures photo-actives et à polarisation permanente.

La photocatalyse est une méthode de catalyse qui repose sur l’activation d’un semi-conducteur par la lumière. L’absorption de photons d’énergie suffisante permet d’exciter des électrons vers des états d’énergie supérieurs et de former des paires électron-trou (absence d’électron) dans ces matériaux. Les paires électron-trou migrent à la surface des matériaux et y génèrent des radicaux libres qui sont susceptibles de réagir avec les molécules environnantes, le semi-conducteur a ainsi une action photocatalytique. Ce procédé pourrait donc être utilisé pour séparer les atomes d’hydrogène de d’oxygène dans une molécule d’eau, pour se recombiner sous forme de dihydrogène H2.

L’objectif du projet C3PO est donc de déterminer si ces nanotubes « peuvent être utilisés comme plateforme pour faire du confinement ou de la photocatalyse de molécules d’intérêt qui seraient confinées à l’intérieur du tube, en modifiant la structure même du tube », explique Erwan Paineau. Avec l’idée sous-jacente de déterminer si la photocatalyse obtenue dans les nanotubes permettrait donc de produire de l’hydrogène.

Les nanotubes d’alumino-germanate présentent également un double avantage : ils sont dotés d’une polarisation permanente de la paroi du tube et d’une séparation dans l’espace réel des bandes de valence et de conduction, qui déterminent le niveau d’énergie des électrons dans un solide à l’état excité. Cela pourrait être efficace pour une amélioration des activités photocatalytiques. En effet, la bande de valence se situe dans le tube interne, et la bande de conduction dans le tube externe. « L’idée est donc de pouvoir modifier la distance entre ces bandes (appelée bande interdite) pour être le plus efficace possible dans la gamme de la lumière visible et ainsi utiliser le rayonnement lumineux pour faire de la photocatalyse », résume le scientifique.

Sauf que les recherches menées dans le cadre du projet C3PO ont mené à la conclusion qu’en « lui-même, ce matériau ne permet pas de produire d’hydrogène », et qu’il faut donc « essayer d’améliorer ses propriétés optoélectroniques » pour y parvenir, souligne Erwan Paineau. Ce dernier a donc commencé à remplacer le germanium ou l’aluminium par autres éléments, « typiquement du titane qui, lorsque le tube dopé est mis en contact avec de la lumière visible, permet de produire de l’hydrogène de façon plutôt efficace ».

Par ailleurs, si le projet C3PO s’est focalisé sur la production d’hydrogène, d’autres possibilités pourraient être envisagées pour les nanotubes, comme la réduction de CO2 ou d’autres gaz. « Je ne sais pas si cela a un avenir. Mais si on veut aller dans cette direction, il faut remplacer le germanium par d’autres matériaux moins chers, comme le silicium, afin de rendre le système moins coûteux », avance Erwan Paineau.

« Ces recherches peuvent servir de petites briques à d’autres études qui vont exploiter ces connaissances pour essayer de développer des solutions afin d’obtenir des nouveaux matériaux efficaces, soit pour produire des carburants avec une empreinte carbone limité, soit pour servir de plateforme pour capturer ou réduire le CO2, et ainsi être l’une des solutions à la crise climatique », poursuit-il. Ce projet permet en tout cas de mieux comprendre la physique et les phénomènes qui se déroulent à des échelles très petites.

Schéma de la photocatalyse par nanotube de carbone - © Erwan Paineau - LPS
Schéma de la photocatalyse par nanotube de carbone - © Erwan Paineau - LPS
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1 LPS (CNRS/Université Paris-Saclay)