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L’augmentation de la biodiversité agricole est l’une des solutions à explorer face aux défis écologiques actuels. Ainsi, l’exploitation génétique des apparentés sauvages en amélioration des cultures constitue une stratégie intéressante. Elle est cependant conditionnée par les compatibilités de croisements entre les formes sauvages et domestiques. Le projet DomIsol vise à explorer la diversité génétique des formes sauvages et cultivées de 14 espèces de plantes, et à caractériser les barrières à la reproduction qui auraient pu se mettre en place entre ces formes.
Les changements climatiques et la réduction d’utilisation des intrants chimiques représentent des défis majeurs à relever en agriculture. Face à ces urgences, l’exploitation génétique des plantes sauvages apparentées aux plantes cultivées en amélioration végétale constitue une stratégie intéressante pour promouvoir la durabilité des agroécosystèmes. En effet, contrairement aux formes cultivées, les apparentés sauvages ont été confrontés à des défis continus dans leur environnement naturel et présentent une diversité génétique supérieure à celle des formes cultivées. Ils pourraient donc être utilisés pour augmenter la capacité adaptative des espèces cultivées.
Le projet DomIsol vise ainsi à explorer la diversité génétique des formes sauvages et cultivées de 14 espèces de plantes, à tester l’existence de barrières reproductives entre ces formes, à caractériser leur nature moléculaire et à étudier les processus évolutifs sous-jacents. Ce projet est coordonné par Maud Tenaillon, directrice de recherche CNRS au laboratoire GQE-Le Moulon1, en collaboration avec les scientifiques de son équipe et les laboratoires DIADE2, Ecobio3, et GAFL4. Ce projet est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.
« Au cours de la domestication et de l’amélioration des plantes, nous avons perdu de la diversité génétique sous les effets combinés de la démographie et de la sélection. Cette diversité perdue comporte des adaptations qui peuvent s’avérer intéressantes. C’est pourquoi il nous semble essentiel de piocher dedans pour développer de nouvelles variétés », souligne Maud Tenaillon, avant de continuer : « Il faut augmenter l’agrobiodiversité. A l’heure actuelle, on n’utilise qu’un petit nombre de variétés cultivées par rapport à l’ensemble de celles qui existent. Il va falloir fonctionner différemment, avec un plus grand nombre de variétés, chacune adaptées à des terroirs particuliers, et qui requièrent moins d’intrants chimiques et d’eau. »
Partant de ce principe, et pour développer un plus large panel de variétés qui disposeraient de caractéristiques variées, DomIsol a pour objectif d’explorer la diversité génétique de 14 espèces différentes, allant de la vigne à la betterave à sucre, en passant par le melon et le haricot, ou encore le riz africain ou le chou fourrager. En étudiant une vingtaine de populations sauvages et autant de variétés traditionnelles domestiques pour chacune de ces espèces.
« Une diversité génétique inexploitée et potentiellement importante pour adapter nos cultures est présente aussi bien dans des variétés que l’on n’utilise pas et dans le pool sauvage, c’est-à-dire dans les plantes ‘‘ancêtres’’ des plantes cultivées actuellement », résume Maud Tenaillon.
Le projet Domisol vise également à déterminer s’il existe des barrières reproductives entre les individus domestiques et sauvages, ce qui pourrait limiter l’utilisation de ces derniers en amélioration des cultures. En effet, si la divergence entre formes sauvages et domestiques est très récente à l’échelle des temps évolutifs – quelques milliers d’années – il a pu y avoir une sélection forte contre leur reproduction croisée.
« Dans un champ, les plantes sauvages sont contre-sélectionnées parce qu’elles ne disposent pas de caractéristiques intéressantes pour les agriculteurs. Par exemple, les graines des plantes sauvages se dispersent à maturité, ce qui rend leur récolte difficile, illustre la scientifique. De la même façon, les plantes cultivées sont contre-sélectionnées dans un environnement naturel car sont moins performantes, plus sensibles aux maladies par exemple. Les hybrides issus de croisements entre plantes sauvages et domestiques possèdent des caractéristiques souvent intermédiaires qui sont contre-sélectionnés à la fois dans un environnement sauvage et dans un environnement cultivé. »
La sélection contre la reproduction croisée a ainsi pu conduire à l’établissement de barrières et l’un des objectifs du projet est de rechercher les déterminants de ces barrières à la reproduction afin de pouvoir parvenir à les lever.
Le premier axe du projet DomIsol consiste donc à faire des croisements. Pour chacune des espèces, 20 individus sauvages et 20 individus domestiques ont été sélectionnés et l’équipe de scientifiques réalise tous les croisements possibles, afin de déterminer si les hybrides qui en sont issus sont vigoureux et fertiles.
Cela représente un travail conséquent qui s’étalera sur plusieurs années. « Nous obtenons des hybrides, dont nous mesurons la vigueur et la fertilité, afin d’observer si certains croisements se passent moins bien que d’autres, explique la chercheuse du laboratoire GQE-Le Moulon. Nous utiliserons les hybrides présentant des déficiences au niveau de la germination, de la croissance ou de la fertilité pour rechercher les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les barrières à la reproduction dans ces croisements. »
En parallèle, le séquençage des génomes des plantes étudiées est utilisé pour déterminer s’il est possible de mettre en évidence des régions du génome « pour lesquelles le flux de gènes a été complétement bloqué entre les sauvages et les domestiques », complète Maud Tenaillon, à propos de ce volet reposant sur le développement d’outils spécifiques faisant appel à de la modélisation.
Au-delà de la détection de barrières éventuelles entre formes sauvages et domestiques, ce projet de recherche permettra d’améliorer considérablement la compréhension de nombreux aspects de la domestication. « En plus, nous aurons réalisé un très grand nombre de croisements et donc produit un matériel génétique très précieux qui pourra être utilisé pour explorer de nombreuses autres questions en lien avec la domestication », souligne la scientifique.
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1 Génétique quantitative et Evolution - Le Moulon (CNRS/Inrae/AgroParisTech/Université Paris-Saclay), situé à Gif-sur-Yvette
2 Diversité, adaptation et développement des plantes (Cirad/IRD/Université de Montpellier), situé à Montpellier
3 Écosystèmes, biodiversité, évolution (CNRS/Université de Rennes), situé à Rennes
4 Génétique et amélioration des fruits et légumes (Inrae), situé à Avignon
Pour chacune des espèces, 20 individus sauvages et 20 individus domestiques ont été sélectionnés et l’équipe de scientifiques réalise tous les croisements possibles afin de déterminer si des hybrides issus de croisements entre sauvages et domestiques présentent des baisses de vigueur ou de fertilité, ce qui indiquerait la mise en place de barrières reproductives pour les espèces concernées. © CNRS
DomIsol a pour objectif d’explorer la diversité génétique de 14 espèces différentes, allant de la vigne à la betterave à sucre, en passant par le melon et le haricot, ou encore le riz africain ou le chou fourrager. © CNRS
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du journal CNRS