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Naturellement sécrétée par les neurones, la relaxine-3 influe sur des fonctions liées à la douleur chronique et aux pathologies qui l’accompagnent souvent. La molécule est ainsi au centre de plusieurs projets de recherche.
Des maux de dos aux migraines, environ cent millions de patients souffrent de douleurs chroniques dans le monde, selon l’Institut Pasteur. Ces pathologies restent pourtant mal soignées, tout comme leurs comorbidités, notamment psychiatriques, telles que l’anxiété, la dépression ou le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Une situation que Marc Landry, professeur à l’université de Bordeaux et membre de l’Institut des maladies neurodégénératives1(IMN), veut changer en scrutant les mécanismes neurologiques de la douleur chronique et de ses comorbidités. « L’idée est d’améliorer le traitement d’une pathologie donnée en s’occupant aussi des pathologies associées », explique-t-il.
Depuis quatre ans, Marc Landry s’intéresse plus particulièrement au rôle analgésique de la relaxine-3 et du récepteur RXFP3. La relaxine-3 est un neuropeptide, c’est-à-dire une petite protéine sécrétée par des neurones pour moduler le fonctionnement d’autres neurones. RXFP3 correspond au récepteur activé par la relaxine-3 et, ensemble, ils forment le système relaxine-3/RXFP3. Contrairement à d’autres peptides qui agissent sur plusieurs parties du corps, la relaxine-3 est exprimée presque exclusivement dans le système nerveux. Cela en fait un candidat intéressant pour étudier son rôle sur les douleurs chroniques. Des chercheurs de l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives2 et de l’institut Florey (Australie) ont ainsi rejoint Marc Landry sur l’étude de ce neuropeptide.
Visualisation des fibres nerveuses contenant de la relaxine-3 après transparisation du cerveau entier d'une souris.
© Thibault Dhellemmes/Jérémie Teillon/Marc Landry/Bordeaux Imaging Centre
Le système relaxine-3/RXFP3, entre analyses et modulation
« Nous nous sommes réunis pour trois raisons, développe Marc Landry. D’une part, mes collègues de Strasbourg et moi nous intéressons aux effets modulateurs des neuropeptides sur la douleur. Ensuite, la relaxine-3 régule aussi de très nombreuses autres fonctions, comme l’attention, l’état d’éveil ou encore le stress, toutes affectées chez les patients souffrant de douleurs chroniques. Enfin, nos collègues de Melbourne disposaient déjà d’une grande expertise dans la manipulation de ce neuropeptide. »
Pour ces travaux, Marc Landry utilise tout un panel de techniques, comme des outils comportementaux qui testent la sensibilité à la douleur des modèles animaux, mais aussi leur susceptibilité à des états anxieux ou dépressifs. Ces premières étapes sont suivies par l’exploration de l’organisation et de la morphologie des réseaux de neurones, on parle alors de neuroanatomie, impliqués dans la douleur chronique et ses comorbidités. Pendant ces travaux, le système Relaxine-3/RXFP3 est modulé par des molécules, qui l’excitent ou le désactivent, afin de comprendre comment ses états affectent la douleur.
« Les travaux sont encore en cours, mais nous avons montré que l’activation du système Relaxine-3/RXFP3 inhibe la sensibilité à la douleur, dans certaines régions du cerveau, détaille Marc Landry. Nous avons aussi découvert que cet effet n’est pas le même en fonction des zones concernées. »
Microscope électronique à balayage et optogénétique
Ces travaux reposent cependant sur une modulation extérieure du système, en l’occurrence par des chercheurs. Ces derniers veulent aller plus loin et étudier le fonctionnement réellement mis en place par l’organisme. « Ce que nous avons constaté pourrait n’être que la conséquence de nos expériences, nous devons donc aller plus loin dans l’analyse morphologique et fonctionnelle des circuits neuronaux impliqués, insiste Marc Landry. Nous sommes pour cela en train de les étudier au microscope électronique à balayage et par optogénétique ». Cette dernière approche consiste à rendre des cellules nerveuses sensibles à la lumière, afin qu’elles envoient des signaux électriques ou émettent des neurotransmetteurs de façon contrôlée.
Un premier pas vers des médicaments
« Une fois que nous aurons terminé et publié ces travaux, nous entamerons la dernière partie, qui consiste à comprendre comment le système relaxine-3/RXFP3 est modifié en retour par l’état de douleur. »
Cet ultime volet permettra de savoir s’il est possible d’utiliser des analogues de la relaxine-3 comme antidouleur. Il faudra ensuite, à plus long terme, trier ces molécules pour trouver lesquelles sont capables de pénétrer dans le système nerveux après avoir été administrées, celles qui ne sont pas toxiques et celles qui offrent une bonne biodisponibilité, c’est-à-dire dont le principe actif se diffuse efficacement dans l’organisme. Mais la route est longue avant d’arriver à un médicament.
Les résultats obtenus soulignent la complexité de la question des interactions entre des pathologies qui ne semblent pas, au premier regard, liées. Mais Marc Landry et ses collègues continuent de détricoter méticuleusement la pelote de la douleur chronique.
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du projet ANR-RELAX (Contrôle peptidergique de la douleur et des émotions : modulation par le système relaxin-3/RXFP3). Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Sciences avec et pour la société — Culture scientifique technique et industrielle.
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du journal CNRS