Donner du sens à la science

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Découvrez ici les recherches et le récit des expéditions du géographe François-Michel Le Tourneau, spécialiste de la Guyane et explorateur de la forêt amazonienne. A suivre également sur le compte Twitter @7bornes.
 

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François-Michel Le Tourneau
Géographe aventurier, membre de l'International Research Laboratory (IRL) iGLOBES

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Rendre à chacun son dû
13.04.2016, par François-Michel Le Tourneau

En attendant une diffusion prochaine sur France Ô du reportage filmé durant le raid des 7 bornes, le documentaire tourne dans le réseau des chaînes locales d’outre-mer de France Télévisions (La 1èrere). C’est l’occasion sur ce blog de rendre hommage à de nombreuses personnes dont le travail invisible a permis à l’expédition de se dérouler. C’est l’occasion aussi de donner un coup de projecteur sur tout ce qui ne pouvait être dit, faute de place. En effet, 52 minutes sont bien courtes pour résumer une aventure de 6 semaines, et encore plus pour une histoire de frontière qui a occupé la France et le Brésil depuis plus de 150 ans… Voici donc, sans aucune hiérarchie, une série de remerciements et d’éclaircissements qui permettront de mieux comprendre le cadre dans lequel s’est déroulé notre action et d’interpréter au mieux tout ce qu’on voit et tout ce qui se dit dans le documentaire.

(L'équipe du Raid à l'arrivée, après six semaines de forêt)

En premier lieu, un immense merci aux forces armées de Guyane (FAG), et bien sûr au 3e REI en particulier, qui ont rendu possible un projet qui n’aurait pu exister, en tout cas sous cette forme, sans leur appui. Le film rend justice à certains de ces militaires, mais, pour des raisons de réalisation et de narration, il laisse la plus grande partie d’entre eux dans l’ombre. Je tiens donc à ce que soit mentionné ici le travail remarquable de préparation effectué par le chef de bataillon Aymeric, ainsi que l’ensemble du BOI du 3e REI. De même, que soient remerciés les pilotes, logisticiens et tous les personnels qui ont œuvré de près ou de loin pour que le raid se déroule dans les meilleures conditions, y compris lors d’une évacuation sanitaire qui s’est avérée bien plus délicate qu’on ne peut s’en rendre compte devant le film. Merci bien sûr tant aux FAG qu’au 3e REI d’avoir mis leurs moyens à disposition, permettant de réaliser le raid, et merci aussi aux sponsors du secteur aérospatial dont le soutien a fourni un complément essentiel aux moyens engagés. Enfin et surtout, un immense merci aux hommes de la section de marche qui a effectué le raid, qu’ils aient réalisé l’ensemble du parcours ou bien seulement une partie. Je ne résiste pas au plaisir de reposter ici les deux photos du départ et de l’arrivée, je pense qu’elles parlent d’elles-mêmes en ce qui concerne les efforts déployés.

Le second coup de chapeau que je souhaite adresser concerne les personnes qui ont tourné le film, Frédéric Cristea et Raphaël Pellegrino. Comme c’est la règle dans ce genre de reportage, ils n’apparaissent pas (qui les connaît bien reconnaîtra la voix de Frédéric dans une séquence hors interview…) mais il faut souligner qu’eux aussi ont effectué le raid de bout en bout, et la qualité des images recueillies est impressionnante quand on sait dans quelles conditions le tournage a été réalisé. Je profite de ce paragraphe pour remercier aussi Jonathan Politur, le producteur du film par l’intermédiaire de sa société Puzzle Média, qui a pris de nombreux risques et a réagi extrêmement vite pour que l’équipe de tournage puisse nous accompagner, rendant au final possible d’avoir ce film comme témoignage de l’aventure que nous avons tous vécue.

Je ne voudrais pas oublier ici les autres membres de l’équipe scientifique. Mes collègues William et Guillaume, bien sûr, mais aussi Edinho, qui s’est blessé entre la borne 1 et la borne 2 e a dû quitter l’expédition prématurément. Sa présence apportait une autre lecture de la forêt, et elle a bien fait défaut par la suite. Merci aussi au CNRS pour le support qu’il m’a donné pour l’expédition, notamment en ce qui concerne la communication, ainsi que d’une manière plus générale pour la liberté qu’il donne à ses chercheurs, leur permettant de s’engager dans des projets parfois un peu fous.

Derniers remerciements dans une liste nécessairement hélas incomplète, pour le Parc Amazonien de Guyane, qui nous a aidés pour la remontée du Maroni et a autorisé le raid, ainsi que pour le ministère de l’Intérieur et l’IGN, dont la confiance nous a permis de disposer de matériel et de moyens pour le travail sur la cartographie de la frontière.

Comme je l’ai souligné au début de ce billet, résumer à la fois l’expédition de 2015 et toute l’histoire de la frontière était impossible en 52 minutes. Il a donc fallu faire des choix, notamment celui de se concentrer sur l’expédition en elle-même, sans apporter beaucoup d’éléments de contexte historique. Ceci aussi parce que l’histoire de la délimitation de la frontière a déjà fait l’objet d’un reportage (Les Sept bornes du désert vert, de Roland Cros), dans lequel Jean-Marcel Hurault, le géographe de l’IGN qui a coordonné les premières missions d’identification en 1955-56, explique les conditions de leur intervention (et dans lequel le 3e REI était déjà à l’honneur). La question des explorations, quant à elle, a fait l’objet de plusieurs documentaires dont celui de l’expédition Mapaoni.

Car si l’expédition « le raid des 7 bornes » peut se prévaloir d’être la première à avoir traversé d’est en ouest la zone de la ligne de partage des eaux entre Brésil et Guyane française, elle n’est bien sûr pas la première à avoir parcouru la région – la seule présence des bornes le montre bien… En particulier, lors de deux campagnes en 1955-56 et 1961-62, l’IGN a effectué un relevé cartographique de la zone, déterminé les meilleurs points pour la pose des bornes, puis posé ces bornes avec la participation des Brésiliens de la Commission démarcatrice de limites de Belém (voir le « Sept, huit ou onze bornes ? »). Ces expéditions ont principalement utilisé le réseau hydrographique pour monter jusqu’à proximité de la ligne frontière, puis parcouru celle-ci vers l’est et vers l’ouest sur quelques dizaines de kilomètres. Le tronçon entre la Trijonction et la borne 1 n’a pas été parcouru à cette époque, mais Pierre Frénay a reconnu la zone jusqu’au Mitaraka nord, qu’il a gravi jusqu’à son sommet. Une belle publication de l’IGN décrit l’ensemble de ces expéditions ainsi que la campagne de pose des trois bornes additionnelles de 6.1 à 6.3 en 1990-91.

(Carte établie par la commission binationale de frontière à partir des restitutions de l’IGN, source MAEDI)

Tous ces travaux ont permis la production d’une grande quantité d’informations sur la région, que nous avons évidemment utilisées, ainsi que d’une cartographie détaillée d’une bande de 5 km de large de part et d’autre de la frontière. Bien que certains doutes y subsistent sur des zones qui n’ont pu être reconnues, la qualité de ce travail est tout à fait remarquable. Toutefois, dans la mesure où elle ne concernait qu’une étroite bande le long de la frontière, cette cartographie a été remplacée par la suite par une couverture uniforme dérivée des données captées lors de la mission SRTM de la navette spatiale américaine. Bien qu’elles aussi de très bonne qualité dans l’ensemble, ces données sont difficiles à utiliser dans les conditions des Tumuc-Humac. Le radar utilisé détecte en effet le sommet des arbres et non le sol, si bien que d’étroites vallées peuvent lui échapper si la canopée est assez fermée et plate au-dessus d’elles. De la même manière, des abrupts ou des dénivelés importants peuvent être camouflés. Enfin, l’interprétation du réseau hydrographique étant réalisée à partir d’une modélisation de l’écoulement sur le modèle numérique de terrain ainsi créé, des confusions sur le sens d’écoulement de certaines têtes de rivière peuvent intervenir dans le cas où les cols sont peu élevés.

C’est à la lumière de ces explications techniques qu’il faut donc comprendre les interrogations que nous avons rencontrées sur le terrain et dont le film se fait l’écho. Pour le reste, les données collectées ont bien évidemment été remises à l’IGN et nous espérons qu’elles participeront, modestement, à l’amélioration de la base de connaissance sur cette région peu souvent parcourue. 
     
 

Commentaires

1 commentaire

Bonjour, J'avais suivi avec intérêt et évidement une certaine émotion, votre expédition reliant les sept bornes de la frontière guyane brésil en juillet 2015. Je viens de prendre connaissance de votre blog et je vous remercie d'avoir cité le film que j'avais réalisé il y a qques années sur cette même région. Je n'ai malheureusement pas pu voir le votre au moment de sa diffusion. Y a t il un moyen de le faire aujourd'hui? Bien cordialement Roland CROS
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du journal CNRS