Donner du sens à la science

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Du 13 janvier au 8 mars 2021, 48 scientifiques vont tenter, à bord du Marion Dufresne II, de percer certains secrets de l’océan Indien Sud-Ouest austral. Suivez cette grande campagne sur ce blog édité en partenariat avec Exploreur, le journal en ligne de l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées.

 

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Swings #4 : Entre ciel et mer, une histoire de poussières
10.02.2021, par Par Victoria Lascaux, de l’équipe Exploreur
Arrachées du continent et transportées par les vents, les particules atmosphériques jouent un rôle important pour la vie sous-marine. Leur transport au sein de la colonne d’eau est un mécanisme encore méconnu car très difficile à déterminer. Heureusement, les océanographes peuvent compter sur l’élément chimique Beryllium 7...

Vents, tempêtes, phénomènes météorologiques sont à l’origine de ces poussières présentes dans les océans. Dès qu’une tempête se déclare, celle-ci arrache et soulève des particules, qui seront ensuite transportées dans l’atmosphère. D’origine continentale, ces poussières tombent dans les eaux océaniques et libèrent des éléments chimiques nutritifs tels que le fer, le zinc ou le cuivre. Ces éléments sont indispensables au développement du phytoplancton, en particulier dans l’océan Austral où le manque de fer limite leur croissance.

La vie marine australe à la merci de la météo

C’est un des enjeux des scientifiques à bord de la mission SWINGS : comprendre le développement du phytoplancton dans un océan riche en nitrate, phosphate, silicate mais par contre dépourvu de fer et autres « vitamines » de l’océan. Ces éléments indispensables à la photosynthèse « nourrissent » les océans en provenant des fonds marins proches des continents (riches en sédiments), des sources hydrothermales abyssales, mais aussi des poussières atmosphériques.

L’analyse du flux de matière apportée par ces dernières est complexe, car elles se dispersent et peuvent se dissoudre à des vitesses différentes dans l’eau. D’une manière générale, il est très difficile de mesurer ce flux de matière dans l’océan car il est nécessaire d’établir la vitesse de transport de cette matière et on ne peut pas s’installer avec un chronomètre à 300 ou 3000 m de fond ! C’est là que les traceurs entrent à nouveau en jeu. En effet William Landing et Christopher Lopes, chercheurs des Universités de l’État de Floride (FSU) et de Floride Internationale (FIU) collectent des échantillons pour analyser le Beryllium 7, un traceur radioactif produit dans l’atmosphère lorsque des particules de rayonnement cosmique interagissent avec des atomes d’oxygène et d’azote. Comme les poussières atmosphériques, il se dépose à la surface de l’océan puis y pénètre. « L’avantage du Beryllium 7 est sa radioactivité de courte durée. Celui que nous détectons dans l’océan en surface provient forcément de l’atmosphère, il ne peut pas avoir été transporté par les courants marins » précise William Landing.

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En premier plan la pompe (couchée sur la palette) et en deuxième plan la bathysonde dans sa grille de maintien pour leur immersion en pleine nuit © Laurent Godard

Une « simple » règle de trois

La quantité de Beryllium 7 mesurée dans l’eau de mer collectée permet de déduire les quantités de fer, mais aussi de zinc, de nickel et de cuivre « tombées du ciel », car les scientifiques connaissent la proportion de fer présent dans les poussières atmosphériques par rapport à la quantité de Beryllium 7.

« Une estimation du flux de Beryllium 7 est primordiale pour évaluer celui des particules. Ensuite, il suffira de faire une règle de 3 » résume William Landing. Cependant, en amont de ces calculs, le prélèvement d’eau demande des moyens colossaux.

Des m3 prélevés pour de si petites particules

La principale difficulté est que le Beryllium 7 est aussi utile que rare. Pour collecter les échantillons qui permettront sa mesure, des instruments imposants sont indispensables. Par exemple, la mise en place d’une pompe accrochée sur un tuyau submersible est la première étape. Celle-ci, une fois immergée collecte 900 litres d’eau, à différentes profondeurs, jusqu’à maximum 200 mètres. Cette manipulation est réalisée 5 à 6 fois afin de rassembler le maximum d’eau et de Beryllium 7 avant qu’il disparaisse par décroissance radioactive au fur et à mesure qu’il s’éloigne de la surface.

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En attente sur le bateau, les tuyaux sont prêts à être déployés © Laurent Godard

Sur le pont du bateau, de gros réservoirs de 900 litres sont installés pour collecter l’eau pompée. Le Beryllium 7 est récupéré à la base de ces énormes bidons, en laissant s’écouler l’eau à travers des cartouches de laine de verre imprégnées d’oxydes de fer qui l'absorbent.

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Sur le pont du bateau, les énormes cuves blanches récupèrent l’eau pompée. © Laurent Godard

 

À compter de la date du prélèvement, une course contre la montre est lancée. Le Beryllium 7 étant radioactif, son activité est divisée par deux tous les 53 jours environ. À bord, les échantillons sont conservés au réfrigérateur ou au congélateur. Leur analyse ne peut se réaliser qu’à terre avec des instruments trop fragiles et très onéreux pour être embarqués : des spectromètres gamma détectent et mesurent la radioactivité gamma émise par le Beryllium 7. Les poussières atmosphériques présentent dans l’eau pompée seront aussi analysées par spectrométrie de masse. Des recherches qui demandent beaucoup de patience et d’esprit d’équipe.

 

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du journal CNRS