CNRS Le journal
Publié sur CNRS Le journal (https://lejournal.cnrs.fr)

Accueil > Ce que le Soleil nous cache encore

Ce que le Soleil nous cache encore

Vous êtes ici
Accueil [1]
Univers [2]
Astronomie [3]
-A [4] +A [4]
article

Ce que le Soleil nous cache encore

24.04.2014, par
Sylvain Guilbaud [5]
Temps de lecture : 7 minutes
Illustration du microsatellite Picard.
CNES / ill. D. DUCROS, 2008
Début avril, le satellite Picard a officiellement achevé sa mission, après avoir récolté plus de 1,5 million d’images du Soleil. Les connaissances avancent mais il nous reste beaucoup à découvrir de notre étoile mystérieuse.

En apparence, le Soleil est une étoile banale comme il en existe plus d’une centaine de milliards dans notre galaxie. Sa proximité, « seulement » 150 millions de kilomètres nous séparent, rend son éclat familier, lui qui berce nos vies au rythme des journées et des saisons. Pourtant, sous son air tranquille, cette boule de gaz un million de fois plus grosse que la Terre cache un tempérament tumultueux et imprévisible. Variabilités, éruptions et éjections de matière sont autant de phénomènes qui affectent jusqu’au climat de la Terre et de mystères que tentent de percer les scientifiques à l’aide de moyens de plus en plus sophistiqués.

Parmi ces derniers figure la mission Picard, qui est arrivée à son terme vendredi 4 avril. Lancé en juin 2010 à 730 kilomètres d’altitude au-dessus de la Terre, ce satellite de 150 kilogrammes est le fruit d’une collaboration entre le CNRS, le Cnes, l’Institut royal météorologique (Belgique) et l’Observatoire de Davos (Suisse). Parmi ses objectifs : comprendre l’influence du Soleil sur le climat terrestre.

Image du Soleil prise par le télescope Sodism installé à bord de Picard.
CNRS Le Journal
Image du Soleil prise par le télescope Sodism installé à bord de Picard.
2014 Springer Science - Business Media Dordrecht
2014 Springer Science - Business Media Dordrecht
Partager
Partager
[6] [7] [8]

Un diamètre de 1 392 312 kilomètres !

À la fin du XVIIe siècle, le Soleil était particulièrement calme et un mini-âge glaciaire sévissait en Europe. L’astronome français Jean Picard (1620-1682) a effectué alors les premières mesures du diamètre solaire. Plus de 300 ans plus tard, il a donné son nom à la mission dont un des instruments, le télescope Sodism, a fourni une valeur précise du diamètre du Soleil, soit 1 392 312 kilomètres.

Le télescope a également caractérisé l’aplatissement du Soleil aux pôles, où le rayon est inférieur de 6 kilomètres à celui de l’équateur. Mais ce que Sodism a surtout mis en évidence, c’est que ces paramètres ne paraissent pas liés à l’intensité de l’activité solaire. La question était en suspens... « S’il y a une relation, elle est très faible et reste difficile à détecter », remarque Mustapha Meftah, responsable de la charge utileFermerDans l’industrie spatiale, la charge utile d’un satellite désigne la partie constituée par les instruments destinés à remplir les objectifs de la mission pour laquelle le satellite a été conçu. de la mission Picard au laboratoire Atmosphères, milieux, observations spatiales1.

Le microsatellite Picard avant son lancement.
CNRS Le Journal
Le microsatellite Picard avant son lancement.
CNES / E. GRIMAULT, 2009
CNES / E. GRIMAULT, 2009
Partager
Partager
[6] [9] [8]

Deux autres instruments, Premos et Sovap, également embarqués sur le satellite, ont par ailleurs quantifié un autre facteur important pour le climat terrestre : l’énergie qui nous arrive du Soleil. Elle s’élève à 1 362 watts par m² et varie de 0,1 % au cours du cycle solaire qui dure onze ans. C’est trop peu pour expliquer de grands bouleversements climatiques, mais les variations de l’éclairement solaire sont cent fois plus importantes lorsqu’on ne considère que les rayons ultraviolets ! Or ce rayonnement est important, car il interagit avec l’ozone dans la haute atmosphère terrestre et conduit à une augmentation des températures dans la stratosphère.

Des taches sombres énigmatiques

Des études sont donc en cours, notamment avec l’Institut Pierre-Simon-Laplace, pour utiliser les données de Picard dans des modèles climatiques. Le but : déterminer si ces rayonnements ultraviolets seraient susceptibles d’amplifier l’impact du Soleil sur notre climat. « Il est clair que la hausse récente des températures est due au rejet de gaz à effet de serre, pas au Soleil. En revanche, on pourrait peut-être expliquer comment le mini-âge glaciaire du XVIIe siècle a pu se produire », précise Alain Hauchecorne, le responsable scientifique de la mission Picard.

Cette image du Soleil datée du 8 janvier 2002 montre une éjection de masse coronale. Plus d'un milliard de tonnes de matière est alors éjectée dans l'espace à une vitesse de plusieurs millions de kilomètres par heure.
CNRS Le Journal
Cette image du Soleil datée du 8 janvier 2002 montre une éjection de masse coronale. Plus d'un milliard de tonnes de matière est alors éjectée dans l'espace à une vitesse de plusieurs millions de kilomètres par heure.
SOHO/ESA/NASA
SOHO/ESA/NASA
Partager
Partager
[6] [10] [8]

Bien des aspects du Soleil restent énigmatiques. Et en particulier son comportement cyclique. Au début d’un cycle, alors que le Soleil est calme, des taches sombres dont la taille peut dépasser celle de la Terre apparaissent aux latitudes élevées, puis vers l’équateur. Leur cortège se fait de plus en plus nombreux jusqu’à un maximum, onze ans plus tard, avant qu’elles ne tirent leur révérence. « On ne comprend pas vraiment tous les secrets des cycles solaires, qui ne réduisent pas au seul cycle principal de onze ans, ainsi que les variations de son maximum d’activité », admet Philippe Louarn, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie2. Dans les taches solaires, le champ magnétique est tellement intense qu’il empêche les mouvements du plasma et la remontée de chaleur : la zone est plus froide, donc elle apparaît plus sombre. Les taches sont des points d’ancrage du champ magnétique qui s’élève dans l’atmosphère solaire avant de replonger dans une tache voisine. Il emporte avec lui plasma et particules chargées qui sculptent de colossales arches lumineuses.

Ces taches deviennent également le lieu de formidables éruptions solaires, des flashs lumineux intenses, parfois accompagnés d’une expulsion d’une quantité gigantesque de matière, jusqu’à 10 000 millions de tonnes, à plusieurs centaines de kilomètres par seconde. On les appelle des éjections de masse coronale. « Il se produit, lors de ces phénomènes éruptifs, un énorme transfert d’énergie entre le champ magnétique et la matière chargée en l’espace de quelques instants. Si certains de ces processus sont identifiés, les raisons de leur efficacité restent mystérieuses », confie Philippe Louarn.

Les imprévisibles colères du Soleil

Actuellement, l’activité du Soleil est censée être à son maximum, mais elle est pourtant particulièrement faible. Là encore, les raisons en sont mystérieuses. Cependant, le calme n’est que relatif. Une seule de ces éruptions peut considérablement affecter la Terre en déclenchant des orages géomagnétiques, comme la tempête de 1989, qui a causé un black-out de plus de neuf heures au Québec. Or une éruption du même acabit, voire davantage, a manqué la Terre de peu en juillet 2012.

Protégée par un champ magnétique, notre planète n'en reste pas moins sensible aux colères de son étoile.
CNRS Le Journal
Protégée par un champ magnétique, notre planète n'en reste pas moins sensible aux colères de son étoile.
SOHO/ESA/NASA
SOHO/ESA/NASA
Partager
Partager
[6] [11] [8]

Prédire les colères du Soleil n’est pas encore envisageable, tant il reste à comprendre de son fonctionnement. « La modélisation progresse, mais elle est très difficile, car, entre le cœur et la surface de notre étoile, les paramètres comme la température ou la densité passent d’un extrême à un autre », indique Philippe Louarn. Les scientifiques disposent néanmoins de plus en plus de données grâce aux nombreuses missions spatiales, comme Picard ou Stereo et SDO de la Nasa, mais aussi grâce aux télescopes terrestres comme Themis aux Canaries. Et les futures sondes Solar Orbiter (ESA, 2017) et Solar Probe (Nasa, 2018), deux missions dans lesquelles plusieurs laboratoires du CNRS sont impliqués, s’approcheront à seulement quelques millions de kilomètres de la surface de l’astre du jour pour tenter de lui dérober quelques secrets.

Notes
  • 1. Unité CNRS/UVSQ/UPMC.
  • 2. Unité CNRS/UPS.

Voir aussi

Univers
Illustration de la mission Ramsès qui partira en 2028 vers sa cible, l’astéroïde Apophis. © ESA-Science Office
[12]
Vidéo
06/06/2025
Défense planétaire : la guerre aux astéroïdes [12]
Blog
12/06/2025
Replay – Les Échappées inattendues, micro-conférences « Sciences... [13]
[14]
Article
14/05/2025
Carnets de science #18 : L’océan, cet inconnu [14]
© Cyril Frésillon / CNRS Images
[15]
Article
10/03/2025
Kumiko Kotera, la reine des grandes antennes [15]
[16]
Article
12/02/2025
Un neutrino éblouit l’astrophysique [16]
Astronomie
Image Nasa / Jet Propulsion Laboratory-Caltech
[17]
Article
05/07/2024
Planète 9, y es-tu ? [17]
© Peter Jurik / stock.adobe.com
[18]
Article
16/04/2024
Gaia BH3 : le trou noir qui ne devrait pas exister [18]
W. M. Keck Observatory
[19]
Article
27/02/2024
L’archéologie devient galactique [19]
[20]
Article
19/01/2024
Quand la recherche fait parler les astéroïdes [20]
[21]
Dossier
10/08/2023
Quand la science a la tête dans les étoiles [21]
Satellite
[22]
Article
21/06/2024
Un satellite à l’affût des sursauts de l’Univers [22]
© Volker Springel / Max Planck Institute for Astrophysics
[23]
Article
30/06/2023
Euclid, l’énergie noire en ligne de mire [23]
[24]
Article
15/12/2022
SWOT : un satellite pour suivre les eaux terrestres [24]
[25]
Article
05/10/2022
En attendant la chute du principe d’équivalence [25]
[26]
Article
18/08/2021
Comment booster la propulsion spatiale [26]

Mots-clés

Satellite [27] Picard [28] Soleil [29] Impact [30] climat [31] Terre [32] Cycle [33] Taches [34] champ magnétique [35] Éruption [36] Sodism [37] Premos [38] Sovap [39]

Partager cet article

[40]
[41]
[6]
[8]

URL source:https://lejournal.cnrs.fr/articles/ce-que-le-soleil-nous-cache-encore

Liens
[1] https://lejournal.cnrs.fr/ [2] https://lejournal.cnrs.fr/univers [3] https://lejournal.cnrs.fr/astronomie [4] https://lejournal.cnrs.fr/javascript%3A%3B [5] https://lejournal.cnrs.fr/auteurs/sylvain-guilbaud [6] https://twitter.com/intent/tweet?url=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363%2F&text=Ce que le Soleil nous cache encore [7] http://www.facebook.com/sharer/sharer.php?s=100&p%5Burl%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363&p%5Btitle%5D=Ce%20que%20le%20Soleil%20nous%20cache%20encore&p%5Bimages%5D%5B0%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/sites/default/files/styles/lightbox-hd/public/assets/images/picard_corpsdutexte_soleil_image001.jpg%3Fitok%3D0KFl7leb&p%5Bsummary%5D= [8] https://bsky.app/intent/compose?text=Ce que le Soleil nous cache encore%0Ahttps%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363 [9] http://www.facebook.com/sharer/sharer.php?s=100&p%5Burl%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363&p%5Btitle%5D=Ce%20que%20le%20Soleil%20nous%20cache%20encore&p%5Bimages%5D%5B0%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/sites/default/files/styles/lightbox-hd/public/assets/images/picard_corpsdutexte_installation_p35595.jpg%3Fitok%3DySo8e5wL&p%5Bsummary%5D= [10] http://www.facebook.com/sharer/sharer.php?s=100&p%5Burl%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363&p%5Btitle%5D=Ce%20que%20le%20Soleil%20nous%20cache%20encore&p%5Bimages%5D%5B0%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/sites/default/files/styles/lightbox-hd/public/assets/images/picard_corpsdutexte_soho_image6.jpg%3Fitok%3DusorJ9d_&p%5Bsummary%5D= [11] http://www.facebook.com/sharer/sharer.php?s=100&p%5Burl%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363&p%5Btitle%5D=Ce%20que%20le%20Soleil%20nous%20cache%20encore&p%5Bimages%5D%5B0%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/sites/default/files/styles/lightbox-hd/public/assets/images/picard_corpstexte_soho_image8.jpg%3Fitok%3DuhfrNWpe&p%5Bsummary%5D= [12] https://lejournal.cnrs.fr/videos/defense-planetaire-la-guerre-aux-asteroides [13] https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/focus-sciences/replay-les-echappees-inattendues-micro-conferences-sciences-de-la-terre [14] https://lejournal.cnrs.fr/articles/carnets-de-science-18-locean-cet-inconnu [15] https://lejournal.cnrs.fr/astrophysique-espace-kotera-rayons [16] https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-neutrino-eblouit-lastrophysique [17] https://lejournal.cnrs.fr/articles/planete-9-y-es-tu [18] https://lejournal.cnrs.fr/articles/gaia-bh3-le-trou-noir-qui-ne-devrait-pas-exister [19] https://lejournal.cnrs.fr/articles/larcheologie-devient-galactique [20] https://lejournal.cnrs.fr/articles/quand-la-recherche-fait-parler-les-asteroides [21] https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/quand-la-science-a-la-tete-dans-les-etoiles [22] https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-satellite-a-laffut-des-sursauts-de-lunivers [23] https://lejournal.cnrs.fr/articles/euclid-lenergie-noire-en-ligne-de-mire [24] https://lejournal.cnrs.fr/articles/swot-un-satellite-pour-suivre-les-eaux-terrestres [25] https://lejournal.cnrs.fr/articles/en-attendant-la-chute-du-principe-dequivalence [26] https://lejournal.cnrs.fr/articles/comment-booster-la-propulsion-spatiale [27] https://lejournal.cnrs.fr/satellite [28] https://lejournal.cnrs.fr/picard [29] https://lejournal.cnrs.fr/soleil [30] https://lejournal.cnrs.fr/impact [31] https://lejournal.cnrs.fr/climat [32] https://lejournal.cnrs.fr/taxonomy/term/436 [33] https://lejournal.cnrs.fr/cycle [34] https://lejournal.cnrs.fr/taches [35] https://lejournal.cnrs.fr/champ-magnetique [36] https://lejournal.cnrs.fr/eruption [37] https://lejournal.cnrs.fr/sodism [38] https://lejournal.cnrs.fr/premos [39] https://lejournal.cnrs.fr/sovap [40] http://www.facebook.com/sharer/sharer.php?s=100&p%5Burl%5D=https%3A//lejournal.cnrs.fr/print/363&p%5Btitle%5D=Ce%20que%20le%20Soleil%20nous%20cache%20encore&p%5Bimages%5D%5B0%5D=&p%5Bsummary%5D= [41] https://lejournal.cnrs.fr/printmail/363