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Un jour qui semble ordinaire, sur le lac Titicaca.
Cet homme récolte le TOTORA, un roseau exploité depuis des siècles par les populations locales.
Aujourd’hui, cet homme n’est pas seul à s’intéresser aux totoras. Un groupe de chercheurs étudie de très près ces roseaux, en fait la fine couche de microorganismes, ou biofilm, qui pousse dessus.
DAVID AMOUROUX
Ce qu’on appelle des périphytons, des biofilms qui vivent sur les plantes, et ceux-ci ne sont pas au fond de l’eau, ils sont juste à la surface de l’eau et ils sont très importants.
David Amouroux, géochimiste, spécialiste du mercure dans l’environnement.
Et on s’est aperçu que ces biofilms accumulaient aussi des fortes concentrations de mercure, et notamment de méthylmercure, et donc l’espèce la plus toxique.
La forme la plus toxique du mercure. Le méthylmercure. Un poison qui a la particularité de s’accumuler dans les tissus des animaux. Les mollusques et autres petits animaux qui se nourrissent de ces biofilms, puis leurs prédateurs – et les prédateurs de leurs prédateurs.
A chaque maillon de la chaîne alimentaire, sa concentration va augmenter – à environ d’un facteur dix ; ce qui fait que l’on va avoir des concentrations en bout de chaîne alimentaire extrêmement importantes en méthylmercure alors que les autres formes seront négligeables.
Mais d’où vient ce mercure ? Comment se transforme-t-il d’une forme à l’autre ? Comment passe-t-il de l’eau au sédiment, aux animaux, jusque dans nos assiettes ? Comment se dégrade ce poison dans cet écosystème ?
C’est cette dynamique complexe qu’est venue étudier une équipe de chercheurs du CNRS et de l’IRD, aux côtés de leurs collègues Boliviens.
Lors de deux campagnes scientifiques, le lac Titicaca va devenir un véritable laboratoire naturel - truffé d’instruments de mesure.
La mission est baptisée « La Pachamama », d’après le nom d’une divinité locale – la déesse de la Terre, la Terre-mère.
Et pourtant la survie n’est si pas facile.
À cette altitude, il y a 40% d’oxygène en moins, qu’au niveau de la mer. Le rayonnement ultraviolet, quant à lui, y est deux fois plus intense.
Mais le lac subit une autre agression, plus récente. Elle se situe à une cinquantaine de kilomètres à l’EST : la Paz, capitale bolivienne et agglomération de plus de deux millions d’habitants.
Le pays, et en particulier la zone de l’Altiplano est une zone en plein développement avec une urbanisation un peu sauvage et donc évidemment, c’est assez difficile de contrôler cette urbanisation sauvage, ce développement urbain, et le traitement des rejets.
Les activités humaines représentent ainsi une source majeure de mercure qui pollue les eaux de l’Altiplano, et surtout les activités minières de la région.
Là je suis en train de prélever de l’eau sur un affluent qui se jette directement dans le lac ; à l’amont de cet affluent, c’est une zone d’orpaillage relativement importante où on sait que les gens utilisent du mercure. Donc on voulait voir si cette rivière qui se jette dans le lac Titicaca était potentiellement une source de mercure.
25 affluents alimentent le lac en sédiments, et en polluants.
Grace à se position géographique, le lac Titicaca est le lieu idéal pour étudier les effets des variations de température, d’oxygène ou de rayonnement solaire sur la production ou dégradation du mercure organique.
Les ultraviolets, justement, dégradent ce fameux méthylmercure. Et pour étudier ce paramètre, les chercheurs utilisent des instruments qui permettent de mesurer l’intensité des différents rayonnements du soleil, et les effets de cette lumière sur les organismes vivants.
Le capteur descend dans la colonne d’eau et mesure les profils de lumière – lumière ultraviolette, lumière visible, et lumière active pour la photosynthèse. On peut savoir par exemple qu’on a des ultraviolets qui vont pénétrer jusqu’à deux mètres en général il ne vont pas beaucoup plus profond; et la lumière active pour la photosynthèse elle, va pouvoir pénétrer 20-30 mètres et donc ça veut dire que le plancton pourra vivre à ces profondeurs là. Par contre si on s’intéresse à l’action des rayonnements ultraviolets, il faudra regarder ce qui se passe dans les premiers mètres de la colonne d’eau. Parce que c’est là que les UV ont un effet important.
Loin de la surface et des rayons UV, une toute autre dynamique du mercure se déroule à l’interface de la terre et de l’eau, au niveau des sédiments. L’équipe effectue des prélèvements, des carottages et, pour avoir un suivi en temps réel des échanges entre le sédiment et la colonne d’eau : les chercheurs utilisent des enceintes benthiques.
Ces enceintes sont reliées à une boucle où il y a une pompe afin de recirculer l’eau et de maintenir une agitation dans l’enceinte qui retranscrit un peu l’agitation naturelle de l’eau et après on a aussi une sonde qui mesure les paramètres comme l’oxygène, la température, le pH en continue dans l’enceinte. A côté de la sonde on a des ampoules en plastique dans lesquelles les plongeurs vont pouvoir récupérer de l’eau et sortir les ampoules au temps T que l’on désire.
Si le sédiment alimente le lac en mercure, il peut aussi servir de stockage. Un carottage du fond, sur 1 mètre, permet alors d’écrire la longue histoire géochimique du lac.
En fait ce sont des carottes profondes, pour essayer d’avoir des enregistrements historiques et aussi paléo-historiques des variations des niveaux de mercure dans le lac. Et d’essayer d’utiliser ces sédiments comme des archives de la pollution.
On voit aussi l’effet de l’époque moderne sur les niveaux de mercure dans le lac Titicaca.
Donc il faut faire des carottes de sédiment, découper très finement les différentes couches de sédiment, sur environ un mètre et ensuite les différentes couches de sédiment vont être datées et puis analysés pour le mercure et d’autres paramètres géochimiques.
Les bactéries et microalgues présents dans le sédiment seraient ainsi de gros producteurs de méthymercure. Mais qu’en est-il des autres microorganismes – les autres biofilms qui se développent sur les plantes sous-marines ?
Ces biofilms produisent du méthylmercure, c’est ce qu’on s’était dit au départ. Et en fait on a fait des expérimentations in situ pour mesurer la capacité de production de ces biofilms vis à vis du méthylmercure et on s’est aperçu qu’au contraire, ces biofilms dégradaient le méthylmercure. Donc c’est assez intéressant parce que là j’ai les collègues boliviens qui sont en train de réfléchir à de nouveaux projets et dans lesquels on pourra peut-être utiliser ces biofilms comme des accumulateurs de méthylmercure et aussi des sites de dégradation du méthylmercure. Donc finalement, peut-être une solution de rémédiation du méthylmercure dans le lac. Ou en tout cas une partie du lac.
Les longs mois d’analyse des données obtenus dans ce magnifique laboratoire naturel permettront de mieux comprendre ce qui est devenu un des polluants les plus abondants et problématiques de la planète.
Les nouvelles connaissances acquises permettront peut-être à l’avenir de limiter sa concentration dans l’environnement, et ainsi préserver les écosystèmes fragiles comme le lac Titicaca, et les humains qui vivent de leurs ressources. Une petite révérence, en quelques sortes, à la déesse Pachamama…
GENERIQUE DE FIN
Les chasseurs de mercure de l’Altiplano
Avec la participation de
David Amouroux
CNRS / Université de Pau / IPREM
Écrit et monté par Nicolas Baker
Avec les images
d’Erwan Amice
LEMAR / Université de Brest
Remerciements
IRD (Bolivie)
ANR (programme CESA)
Universidad Mayor San Andres (UMSA, La Paz)
Musiques
Marana
Composé par Pajaro Canzani
Ruta del Tuc·n
Composé par Parjaro Canzani
Caminos de Cordillera
Composé par Parjaro Canzani
Santa Clara
Composé par Parjaro Canzani
Avec l’aimable autorisation de Cezame Music Agency
Zik Pachamama
Composé par Stéphane Rossi
Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Cet homme récolte le TOTORA, un roseau exploité depuis des siècles par les populations locales.
Aujourd’hui, cet homme n’est pas seul à s’intéresser aux totoras. Un groupe de chercheurs étudie de très près ces roseaux, en fait la fine couche de microorganismes, ou biofilm, qui pousse dessus.
DAVID AMOUROUX
Ce qu’on appelle des périphytons, des biofilms qui vivent sur les plantes, et ceux-ci ne sont pas au fond de l’eau, ils sont juste à la surface de l’eau et ils sont très importants.
David Amouroux, géochimiste, spécialiste du mercure dans l’environnement.
Et on s’est aperçu que ces biofilms accumulaient aussi des fortes concentrations de mercure, et notamment de méthylmercure, et donc l’espèce la plus toxique.
La forme la plus toxique du mercure. Le méthylmercure. Un poison qui a la particularité de s’accumuler dans les tissus des animaux. Les mollusques et autres petits animaux qui se nourrissent de ces biofilms, puis leurs prédateurs – et les prédateurs de leurs prédateurs.
A chaque maillon de la chaîne alimentaire, sa concentration va augmenter – à environ d’un facteur dix ; ce qui fait que l’on va avoir des concentrations en bout de chaîne alimentaire extrêmement importantes en méthylmercure alors que les autres formes seront négligeables.
Mais d’où vient ce mercure ? Comment se transforme-t-il d’une forme à l’autre ? Comment passe-t-il de l’eau au sédiment, aux animaux, jusque dans nos assiettes ? Comment se dégrade ce poison dans cet écosystème ?
C’est cette dynamique complexe qu’est venue étudier une équipe de chercheurs du CNRS et de l’IRD, aux côtés de leurs collègues Boliviens.
Lors de deux campagnes scientifiques, le lac Titicaca va devenir un véritable laboratoire naturel - truffé d’instruments de mesure.
La mission est baptisée « La Pachamama », d’après le nom d’une divinité locale – la déesse de la Terre, la Terre-mère.
TITRE : les chasseurs de mercure de l'Altiplano
Le lac Titicaca culmine à plus de 3800 mètres au dessus du niveau de la mer. C’est le lac navigable le plus haut du monde. C’est aussi la plus grande réserve d’eau douce d’Amérique du Sud. Dans l’Altiplano, zone aride, désertique, le lac Titicaca représente un oasis de vie.
Et pourtant la survie n’est si pas facile.
À cette altitude, il y a 40% d’oxygène en moins, qu’au niveau de la mer. Le rayonnement ultraviolet, quant à lui, y est deux fois plus intense.
Mais le lac subit une autre agression, plus récente. Elle se situe à une cinquantaine de kilomètres à l’EST : la Paz, capitale bolivienne et agglomération de plus de deux millions d’habitants.
Le pays, et en particulier la zone de l’Altiplano est une zone en plein développement avec une urbanisation un peu sauvage et donc évidemment, c’est assez difficile de contrôler cette urbanisation sauvage, ce développement urbain, et le traitement des rejets.
Les activités humaines représentent ainsi une source majeure de mercure qui pollue les eaux de l’Altiplano, et surtout les activités minières de la région.
Là je suis en train de prélever de l’eau sur un affluent qui se jette directement dans le lac ; à l’amont de cet affluent, c’est une zone d’orpaillage relativement importante où on sait que les gens utilisent du mercure. Donc on voulait voir si cette rivière qui se jette dans le lac Titicaca était potentiellement une source de mercure.
25 affluents alimentent le lac en sédiments, et en polluants.
Grace à se position géographique, le lac Titicaca est le lieu idéal pour étudier les effets des variations de température, d’oxygène ou de rayonnement solaire sur la production ou dégradation du mercure organique.
Les ultraviolets, justement, dégradent ce fameux méthylmercure. Et pour étudier ce paramètre, les chercheurs utilisent des instruments qui permettent de mesurer l’intensité des différents rayonnements du soleil, et les effets de cette lumière sur les organismes vivants.
Le capteur descend dans la colonne d’eau et mesure les profils de lumière – lumière ultraviolette, lumière visible, et lumière active pour la photosynthèse. On peut savoir par exemple qu’on a des ultraviolets qui vont pénétrer jusqu’à deux mètres en général il ne vont pas beaucoup plus profond; et la lumière active pour la photosynthèse elle, va pouvoir pénétrer 20-30 mètres et donc ça veut dire que le plancton pourra vivre à ces profondeurs là. Par contre si on s’intéresse à l’action des rayonnements ultraviolets, il faudra regarder ce qui se passe dans les premiers mètres de la colonne d’eau. Parce que c’est là que les UV ont un effet important.
Loin de la surface et des rayons UV, une toute autre dynamique du mercure se déroule à l’interface de la terre et de l’eau, au niveau des sédiments. L’équipe effectue des prélèvements, des carottages et, pour avoir un suivi en temps réel des échanges entre le sédiment et la colonne d’eau : les chercheurs utilisent des enceintes benthiques.
Ces enceintes sont reliées à une boucle où il y a une pompe afin de recirculer l’eau et de maintenir une agitation dans l’enceinte qui retranscrit un peu l’agitation naturelle de l’eau et après on a aussi une sonde qui mesure les paramètres comme l’oxygène, la température, le pH en continue dans l’enceinte. A côté de la sonde on a des ampoules en plastique dans lesquelles les plongeurs vont pouvoir récupérer de l’eau et sortir les ampoules au temps T que l’on désire.
Si le sédiment alimente le lac en mercure, il peut aussi servir de stockage. Un carottage du fond, sur 1 mètre, permet alors d’écrire la longue histoire géochimique du lac.
En fait ce sont des carottes profondes, pour essayer d’avoir des enregistrements historiques et aussi paléo-historiques des variations des niveaux de mercure dans le lac. Et d’essayer d’utiliser ces sédiments comme des archives de la pollution.
On voit aussi l’effet de l’époque moderne sur les niveaux de mercure dans le lac Titicaca.
Donc il faut faire des carottes de sédiment, découper très finement les différentes couches de sédiment, sur environ un mètre et ensuite les différentes couches de sédiment vont être datées et puis analysés pour le mercure et d’autres paramètres géochimiques.
Les bactéries et microalgues présents dans le sédiment seraient ainsi de gros producteurs de méthymercure. Mais qu’en est-il des autres microorganismes – les autres biofilms qui se développent sur les plantes sous-marines ?
Ces biofilms produisent du méthylmercure, c’est ce qu’on s’était dit au départ. Et en fait on a fait des expérimentations in situ pour mesurer la capacité de production de ces biofilms vis à vis du méthylmercure et on s’est aperçu qu’au contraire, ces biofilms dégradaient le méthylmercure. Donc c’est assez intéressant parce que là j’ai les collègues boliviens qui sont en train de réfléchir à de nouveaux projets et dans lesquels on pourra peut-être utiliser ces biofilms comme des accumulateurs de méthylmercure et aussi des sites de dégradation du méthylmercure. Donc finalement, peut-être une solution de rémédiation du méthylmercure dans le lac. Ou en tout cas une partie du lac.
Les longs mois d’analyse des données obtenus dans ce magnifique laboratoire naturel permettront de mieux comprendre ce qui est devenu un des polluants les plus abondants et problématiques de la planète.
Les nouvelles connaissances acquises permettront peut-être à l’avenir de limiter sa concentration dans l’environnement, et ainsi préserver les écosystèmes fragiles comme le lac Titicaca, et les humains qui vivent de leurs ressources. Une petite révérence, en quelques sortes, à la déesse Pachamama…
GENERIQUE DE FIN
Les chasseurs de mercure de l’Altiplano
Avec la participation de
David Amouroux
CNRS / Université de Pau / IPREM
Écrit et monté par Nicolas Baker
Avec les images
d’Erwan Amice
LEMAR / Université de Brest
Remerciements
IRD (Bolivie)
ANR (programme CESA)
Universidad Mayor San Andres (UMSA, La Paz)
Musiques
Marana
Composé par Pajaro Canzani
Ruta del Tuc·n
Composé par Parjaro Canzani
Caminos de Cordillera
Composé par Parjaro Canzani
Santa Clara
Composé par Parjaro Canzani
Avec l’aimable autorisation de Cezame Music Agency
Zik Pachamama
Composé par Stéphane Rossi
Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Les chasseurs de mercure du lac Titicaca
25.09.2015
3 800 mètres d'altitude, 40% d'oxygène de moins qu'au niveau de la mer, un rayonnement ultraviolet très intense... Le lac Titicaca est le lac de tous les extrêmes. Mais il est aussi marqué par une forte pollution et notamment au mercure, générée par le développement de la région. Les scientifiques de la mission Pachamama cherchent à cerner les transformations de ce polluant toxique. Voyage, en photos et en audio, auprès de ces chercheurs qui traquent le mercure du lac.
À propos de cette vidéo
Titre original :
Les chasseurs de mercure de l’Altiplano
Année de production :
2015
Durée :
8 min 55
Réalisateur :
Nicolas Baker
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
David Amouroux (CNRS/Univ. de Pau/Iprem)
Journaliste(s) :
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