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Prix de l'inventeur européen: Philippe Cinquin en finale !
(Verbatim paru dans le Journal du CNRS en juillet-août 2013)
« Lorsque j’ai lancé, en 1984, les GMCAO (gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur), les robots n’avaient pas encore pénétré le milieu médical. Notre apport, avec mes collègues de TimC-Imag (1), Jocelyne Troccaz et Stéphane Lavallée, a été de proposer une méthodologie permettant d’exploiter des images acquises avant ou durant l’opération (scanner X, échographie, IRM, systèmes de vision par ordinateur jusqu’alors non utilisés en médecine…) et de les fusionner dans un système de référence unique au sein de la salle opératoire. Ce dispositif permet de guider le geste du chirurgien avec une précision inférieure au millimètre. Le tout en offrant une aide soit passive, via la navigation chirurgicale (l’équivalent d’un GPS pour le clinicien), soit active via la robotique médicale.
Des robots au bloc opératoire
Le caractère générique de notre méthode a été facteur de succès et de rapidité. Après une première application spécifique en neurochirurgie pour atteindre des zones du cerveau de manière ultra-précise en 1989, d’autres ont suivi en chirurgie de la colonne vertébrale, en orthopédie, en urologie et en radiothérapie, ou encore en chirurgie endoscopique. Notre technologie a permis, par exemple, de faire chuter les taux de prothèses du genou mal positionnées ou de vis mal insérées en vertébroplastie : ceux-ci sont passés d’environ 20 à 5 % ! En tout, plusieurs dizaines de milliers de patients ont bénéficié de ces applications.
Il s’est rapidement avéré que les GMCAO ne se limitaient pas à l’analyse d’images. Ce domaine de recherche présente de nombreux défis, allant de la conception de nouveaux capteurs à leur calibrage, de la segmentation d’images à leur mise en correspondance… Par exemple, je m’intéresse actuellement à la micronanorobotique médicale, pour concevoir des robots biomimétiques miniaturisés implantables et autonomes, capables de puiser leur énergie dans les milieux physiologiques.
Aujourd’hui, l’enjeu est de pouvoir démocratiser les GMCAO avec des solutions légères physiquement et financièrement, et de les améliorer encore pour permettre au médecin de voir au-delà du visible et de personnaliser la planification d’un geste de qualité optimale. Pour relever ce défi, je crois à une approche allant de la recherche fondamentale à l’exploitation industrielle, prenant en compte les questions de formation et la démonstration d’un bénéfice clinique clair en termes de santé publique.
À la croisée des disciplines
Notre méthodologie et la gamme d’innovations qui ont suivi tiennent en partie à mon parcours hybride et à mon goût pour les connexions interdisciplinaires. Parallèlement à mes études médicales, j’ai poursuivi ma formation en mathématiques appliquées. Très tôt, j’ai été porté par cette intuition que les modèles mathématiques et informatiques devaient permettre de comprendre le vivant et d’agir sur la santé.
Cette médaille apporte une reconnaissance à la discipline de l’informatique médicale, encore insuffisamment reconnue, à ses carrières atypiques, et à la dynamique que nous avons lancée – scientifiques, cliniciens et industriels – au service du patient. Espérons que cela suscite des vocations et favorise l’émergence d’un bouquet de champions industriels français dans les GMCAO ! »
1. Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité - Informatique, mathématiques et applications (Unité CNRS/UJF).
2. Projet ANR Tecsan Deporra et Labex Cami, partenariat TimC-Imag, CIC-IT (Inserm/CHU de Grenoble/DGOS/UJF), Endocontrol.
A voir, le film sur ses travaux, réalisé à l'occasion de la médaille de l'innovation 2013 :
Pour en savoir plus sur le Prix de l'inventeur européen et les finalistes:
www.epo.org/learning-events/european-inventor/finalists/2014/cinquin_fr....
Coulisses
Philippe Cinquin est un pionnier de l’informatique médicale. Il a contribué à l’invention des gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO), qui ont bénéficié à des milliers de patients. Recruté au CNRS en 1983, il est aujourd’hui professeur et praticien hospitalier, ainsi que directeur du laboratoire Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité-Informatique, mathématiques et applications de Grenoble (TimC-Imag). Il codirige aussi le Centre d’investigation clinique-Innovation technologique de Grenoble et coordonne le Laboratoire d’excellence Cami. Philippe Cinquin a obtenu la médaille d’argent du CNRS en 2003. Il est à l’origine du dépôt de 28 brevets et a contribué à la création de 10 start-up.
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Auteur
Aurélie Sobocinski, née en 1979, est journaliste. Après un début de carrière à Paris, elle écrit désormais depuis Grenoble pour la presse nationale. Auteur d’un ouvrage sur l’innovation éducative, elle se passionne particulièrement pour l’école, l’enseignement supérieur et la recherche.
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