Donner du sens à la science

Le verre, matériau aux mille facettes

Le verre, matériau aux mille facettes

02.02.2022, par
Mis à jour le 23.02.2022
À l'occasion de l'Année internationale du verre, décrétée par les Nations unies et lancée officiellement les 10 et 11 février à Genève, Daniel Neuville nous dresse un état des lieux - court mais étonnant - des multiples enjeux scientifiques liés à ce matériau d'avenir.

Qu’il soit d’origine naturelle ou fabriqué par les humains, le verre accompagne notre histoire depuis plus de 10 000 ans. En contribuant notamment à la transition énergétique, il participera également activement à notre futur. C’est en partie en faisant ce constat que les Nations unies ont déclaré 2022 Année internationale du verre.

Utilisé d’abord sous sa forme naturelle (obsidiennes) en tant qu’outil depuis le Néolithique, son élaboration s’est développée il y a environ 5 000 ans entre la Mésopotamie et l’Égypte pour un usage esthétique : perles de verre et autres bijoux permirent probablement de mettre du baume au cœur de nos lointains ancêtres.

Bracelet en verre provenant de la nécropole celtique d'Epiais Rhus, IIIe siècle av. J.-C., musée archéologique du Val d'Oise.
Bracelet en verre provenant de la nécropole celtique d'Epiais Rhus, IIIe siècle av. J.-C., musée archéologique du Val d'Oise.

Le verre a ensuite fortement contribué à l’amélioration de nos conditions de vie, aussi bien pour le conditionnement des aliments (facilitant leur préservation et leur transport) que pour la réalisation des premières ampoules électriques, permettant à des millions d’écoliers de ne plus étudier à la lueur d’une chandelle ! Ce matériau, l’un des plus importants, polyvalents et transformateurs de l’histoire, est aujourd'hui un élément fondamental dans de nombreux domaines.  

Un matériau clé de la transition énergétique

Aujourd’hui ce matériau représente un atout majeur pour le futur, et notamment dans le cadre de la lutte contre le changement climatique :  sa maîtrise devient un prérequis au succès de la transition énergétique ! Utilisé pour la construction des éoliennes et pour les panneaux photovoltaïques, nous faisant bénéficier de ses vertus isolantes pour nos maisons, il se décline notamment sous forme de batterie permettant un stockage plus rapide de l’énergie. Sans parler de sa capacité à stocker par vitrification les déchets dangereux.
 

Fibre optique en verre dopée avec des ions thulium.
Fibre optique en verre dopée avec des ions thulium.

Un recyclage à l’infini

Autre atout pour le futur : le verre se recycle, et ce à l’infini. C’est un procédé ancien : des analyses chimiques et isotopiques ont mis en évidence que les verriers romains refondaient déjà les verres cassés pour fabriquer de nouveaux objets. Plus proche de nous, cette pratique a connu un essor particulier dans les années 1970 avec la mise en place de campagnes publicitaires pour inciter le consommateur, premier maillon de la chaîne, à collecter le verre dans les containers mis à disposition. Le verre collecté représente aujourd'hui plus de 2 200 kT par an. Le contenu des containers est ensuite acheminé vers des centres de tri, nettoyage, concassage et distribué sous forme de calcin aux industriels pour refabriquer du verre. Cette chaîne de recyclage fonctionne très bien. En effet, le calcin représente plus de 65 % des matières premières. Certains fours fonctionnent même avec plus de 90 % de calcin. Ce taux de recyclage devrait augmenter car depuis le 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur des nouvelles REP (responsabilité élargie des producteurs) prévues dans la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), il sera obligatoire de recycler le verre plat du bâtiment (fenêtres et parois vitrées), ce qui représente un gisement de plus de 200 000 tonnes, mais également les produits et matériaux de construction à base de laines minérales.
 

Stockage de calcin, verre cassé et recyclé, sur le site d'Eurofloat situé à Salaise sur Sanne (Rhône Alpes). Ce matériau représentera un quart de la composition des nouveaux verres.
Stockage de calcin, verre cassé et recyclé, sur le site d'Eurofloat situé à Salaise sur Sanne (Rhône Alpes). Ce matériau représentera un quart de la composition des nouveaux verres.

Un nouvel outil pour reconstruire l’humain

Chose qui étonnera peut-être davantage : le verre s’invite également dans le domaine de la santé. Si cela se trouve, soucieux de reconstruire l’émail de vos dents, vous utilisez déjà un des dentifrices constitués de nanoparticules de verre ! Mais il y a plus étonnant encore : savez-vous qu’en implantant dans un os un morceau de verre, on arrive à régénérer un tissu osseux par réaction avec les fluides corporels ? Ou encore que pour une diffusion dans l'organisme plus étalée dans le temps, on peut utiliser des médicaments stockés dans de la silice poreuse ?

Un témoin du passé de notre planète

En plus d’être un matériau du futur, le verre est également un matériau du passé… qui nous permet d’en apprendre beaucoup sur celui de la Terre. En étudiant les verres naturels qui se forment soit lors d’éruptions volcaniques (pierres ponces, obsidiennes, verres basaltiques de rides médio-océaniques), soit lors de la cristallisation d’une roche (verre résiduel, inclusion vitreuse), on en apprend beaucoup sur les processus géologiques et magmatiques de notre planète. Ces verres correspondent en effet à des images figées des magmas. Leur étude permet d’appréhender les équilibres solides/liquides/gaz ou les transitions de phases qui se produisent à haute pression et haute température dans le manteau et la base de la croûte terrestre. À la surface, ce sont des témoins des processus volcaniques affectant quotidiennement la vie des populations et permettant également d’étudier l’histoire de la Terre. À ce titre, ils jouent donc également un rôle important pour la prévention des aléas et risques volcaniques.
 

Veine d’obsidienne et de ponce du volcan Panum. Le cratère Panum est un cône volcanique situé en Californie.
Veine d’obsidienne et de ponce du volcan Panum. Le cratère Panum est un cône volcanique situé en Californie.

Le verre, encore un défi théorique

Mais le verre, c’est encore plus que ça ! Ni liquide ni solide, il partage les propriétés de l’un et de l’autre, dans un désordre figé parfois encore difficile à comprendre. Cet étrange état de la matière n'a pas fini de poser de nombreuses questions aux scientifiques.♦
 
  
En ligne
 
Le site (en français) de l'année du verre : www.anneeduverre2022.fr/ 
Le site international : https://iyog2022oc.org/ 
 
 

Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur(s) auteur(s). Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
   

 

Commentaires

1 commentaire

Bonjour, Super article ! Il me semble cependant que le verre est bien un solide amorphe. Il est donc erroné de dire qu'il n'est ni un liquide ni un solide. Je trouve que cela véhicule une idée reçue sur le verre. Je comprends l'envie de souligner la singularité de ce type de solide . Merci !
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