A la une
Le matériau de construction par excellence était la brique d’argile crue, qui servait aussi bien à bâtir les maisons privées que les grandes ziggurats, de monumentales tours à plusieurs étages ayant une fonction religieuse. Les briques ayant mal résisté au temps, les vestiges mésopotamiens ne sont pas aussi impressionnants que les pyramides égyptiennes ou les palais achéménides bâtis en pierre.
Les tablettes administratives de la fin du troisième millénaire fournissent de nombreux détails sur la construction des ziggurats, avec une estimation du nombre de briques à façonner et donc d’ouvriers à employer. Ainsi, un millier d’ouvriers auraient été embauchés pendant cinq mois pour faire les 7,6 millions de briques nécessaires à la construction de la première terrasse de la monumentale ziggurat d’Ur. Et il fallut sans doute quelques trente-six millions de briques pour la ziggurat de Babylone, à l’origine du mythe biblique de la tour de Babel.
De telles constructions étant présentées comme le grand œuvre des rois, les noms de leurs architectes qui ont dessiné les plans et dirigé les travaux demeurent inconnus. Seuls restent leurs plans anonymes qui révèlent parfois une maîtrise des techniques cartographiques. Depuis de simples esquisses tracées à main levée, les plans les plus élaborés, dessinés à la règle, présentent les murs par deux traits parallèles s’arrêtant aux ouvertures entre deux pièces ou vers l’extérieur. Un plan découvert dans la ville de Sippar Yahrurum n’indique curieusement pas d’ouverture du bâtiment sur l’extérieur.
Les annotations cunéiformes qui figurent sur certains de ces plans donnent les longueurs des murs, les dimensions internes des pièces, voire l’épaisseur des murs et la largeur des ouvertures. Les dimensions, à taille humaine, utilisent la coudée et le doigt. Quelques plans de bâtiments en précisent l’orientation par rapport aux points cardinaux.
Plan de Girsu, ancienne Tello, fin du IIIe millénaire (musée du Louvre, AO 338). Photo Cécile Michel.
Un plan de Girsu datant de la fin du IIIe millénaire donne les noms des pièces du bâtiment et leurs dimensions. Si les mesures sont correctes, le plan ne respecte pas les proportions, ce qui est souvent le cas. En revanche, un plan de temple découvert à Sippar et datant du sixième siècle av. J.-C. est tellement détaillé qu’il représente l’agencement de chaque brique des murs et le décor formé sur la face extérieure. Le respect des dimensions des briques permet même de confronter leurs tailles à celles découvertes sur les sites mésopotamiens.
Plan d’un temple dessiné sur une grande tablette d’argile découverte à Sippar-Yahrurum (mod. Tell Abu Habbah), période néo-babylonienne (British Museum, BM 68840)
Pour parvenir à un tel degré de précision, les architectes, tout comme les géomètres, avaient certainement une formation en mathématiques leur permettant de concevoir leurs plans. Le métier d’architecte était très certainement un métier prestigieux. Les inscriptions du prince Gudea de Lagash (vers 2120 av. J.-C.) montrent que celui-ci s’est intéressé de près aux détails architecturaux et aux techniques de construction des bâtiments monumentaux dont il a ordonné la construction. Sans doute avait-il quelques connaissances en la matière puisque deux de ses statues le représentent l’une avec le plan du temple de Ningirsu dessiné sur une tablette posée sur ses genoux et l’autre avec une règle d’architecte.
Tablette sur les genoux d’une statue de Gudea, dite l’« architecte au plan » (vers 2120 av. J.-C.), Tello (musée du Louvre, AO 2) © 2011 Musée du Louvre / Philippe Fuzeau.
Les architectes mésopotamiens auraient bien mérité de laisser leurs noms à la postérité, tout comme l’Égyptien Imhotep, sculpteur, architecte et vizir du roi, qui aurait conçu et supervisé la construction à Saqqara du complexe funéraire de Djéser avec sa pyramide à degrés.
Commentaires
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS