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Ce printemps a été marqué en France par des grèves et des manifestations d’envergure contre la réforme des retraites, une réforme ne prenant pas suffisamment en compte la pénibilité de certains travaux. Protester contre sa condition de travailleur manuel, en particulier lorsque la tâche est physique et difficile, remonte à la plus haute antiquité. La première grève dans l’histoire de l’humanité est relatée par une œuvre mythologique rédigée en akkadien et intitulée Atrahasîs, « Le Supersage », du nom de son héros.
La version la plus ancienne connue de cette œuvre, date de la seconde moitié du XVIIe siècle avant J.-C. Elle est conservée sur trois grandes tablettes d’argile qui chacune se termine par un colophon indiquant le nombre total de lignes du récit, à savoir 1245 lignes dont seuls les deux-tiers sont préservés, le nom et le titre du scribe, et la date de rédaction des tablettes. L’auteur de cette version se nomme Ipiq-Aya et il se dit ‘apprenti scribe’. Il s’est contenté d’en copier le texte. D’autres versions légèrement différentes circulaient à cette époque et l’épopée a été recopiée jusqu’au milieu du Ier millénaire.
Tablette de l’épopée d’Atrahasîs conservée au British Museum. © Jack1956 / Wikimedia commons
Ce poème débute « lorsque les dieux faisaient l’homme », soit avant la création de l’humanité. Il existait alors deux catégories de dieux. Les grands dieux, les Anunnaki, étaient dirigés par Anu, le Ciel, Enlil, entre la Terre et le Ciel, et Ea l’Apsû, les Eaux douces souterraines. Afin de subvenir aux besoins des Anunnaki, les Igigi, des divinités inférieures, travaillaient dur. Pendant environ deux millénaire et demi, ils creusèrent le Tigre, l’Euphrate et les canaux pour l’irrigation des cultures, puis ils façonnèrent les montagnes et organisèrent les marais du sud de la Mésopotamie. Pendant tout ce temps les Igigi travaillèrent sans relâche, acceptant leur sort.
Fatigués et mécontents de leur situation, ils finissent par se révolter, à l’instigation du dieu Wê, meneur de la grève. Pour manifester leur mécontentement, ils mettent le feu à leurs outils et assiègent le temple d’Enlil à la nuit tombée. Enlil, réveillé à la hâte, place des gardes armés à sa porte, et convoque l’assemblée des Anunnaki, avec Anu et Ea. Il est prêt à mener combat et veut faire un exemple en tuant l’agitateur.
Ea, le plus sage des grands dieux, propose plutôt de tenter une conciliation et demande aux Igigi d’expliquer la raison de leur rébellion. Ceux-ci ne veulent plus être astreints à des tâches excessives et réclament l’égalité avec les Anunnaki. Ea reconnaît que leur tâche est harassante et propose une solution : créer des substituts pour assurer le travail à la place des Igigi. Et c’est ainsi que les dieux décident de créer l’Homme.
Ea est assisté par Bêlet-ilî, déesse mère. Celle-ci façonne deux fois sept pâtons d’argile et y mêle le sang de Wê, finalement sacrifié. Elle crée sept hommes et sept femmes, des mortels, contrairement aux dieux, mais dont le sang de Wê leur assure une part d’immortalité via leur esprit dans l’Au-delà. C’est la toute première humanité, qui dès le début, est vouée au travail. Le héros, Atrahasîs, intervient dans la suite du poème ; il sauve l’humanité des fléaux envoyés par les dieux, importunés par une humanité croissante et bruyante, et tient le rôle du Noé akkadien lors du Déluge.
Dans le début du mythe, les Igigi grévistes ont donc eu gain de cause ; cela n’a pas été le cas des travailleurs français malgré une forte mobilisation.