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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

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Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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Les hiéroglyphes assyriens
30.11.2022, par Cécile Michel
Mis à jour le 30.11.2022

Cette année nous célébrons le 200e anniversaire du déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique égyptienne par Jean-François Champollion. Cette écriture a de tout temps fasciné par sa nature figurative. Déjà, dans l’antiquité, elle a eu une influence non négligeable sur les souverains assyriens qui ont inventé leur propre système hiéroglyphique.

En effet, les assyriologues ont longtemps été intrigués par des séries de symboles figurant sur quelques inscriptions de certains souverains de l’empire assyrien. Ces symboles se retrouvent par exemple sur des panneaux de briques vernissées de Sargon II (721-705) ou encore aux extrémités de prismes en argile d’Assarhaddon (680-669), et sur une pierre noire datée de ce dernier souverain. Pendant longtemps, les chercheurs ont considéré que ces dessins correspondaient à des représentations symboliques du pouvoir royal. Un nouvel examen effectué au milieu des années 1990 a montré qu’en fait ces images pouvaient faire sens en les lisant comme une sorte d’écriture cryptographique.

Selon Irving Finkel et Julian Reade[1], la séquence de sept motifs, représentés toujours dans le même ordre sur des briques colorées, figurait par paires aux des portes des temples des dieux Sîn (Lune), Shamash (Soleil) et Nabû (dieu des scribes) de Dûr-Sharrukîn, la capitale de Sargon II.
 V. Place & F. Thomas, Ninive et l’Assyrie, 1867
Reproduction du panneau de briques vernissée de Sargon II, par Félix Thomas in Ninive et l’Assyrie, 1867, from The New York Public Library.

La lecture qui en est proposée est la suivante : ROI, soit « Sargon » – LION, animal symbolisant la royauté, soit « roi » –  CORBEAU (aribu) jeu de mot pour rabû « grand » – TAUREAU, autre animal symbolisant la royauté, soit « roi » – FIGUIER (MA = tittu) jeu de mot pour MA = mâtu « pays » – CHARRUE A SEMOIR (shûrû) jeu de mots pour (Ash)shur – PERSONNE pointant le sol, jeu de mot pour KI = erṣetu, la terre, déterminatif des noms de ville. Cette séquence serait donc à traduire par « Sargon, Grand roi, Roi du pays d’Ashshur ».

On voit là le désir du souverain de créer une sorte d’écriture hiéroglyphique assyrienne, inspirée de celle des Égyptiens, et qui, comme celle-ci pouvait avoir plusieurs sens de lecture. En effet, les figures regardaient vers les portes et les frises étaient placées en miroir, de part et d'autre des portes ; elles devaient donc pouvoir se lire aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche. Cette écriture secrète avait aussi une utilisation décorative.
Parmi les objets inscrits attribués à Assarhaddon figure une pierre noire portant une inscription cunéiforme et dont la face montre une série de dessins que l’on retrouve aussi sur les extrémités de trois prismes en argile émanant également de ce roi. Les hiéroglyphes assyriens sur la face de la pierre noire, selon le même principe, seraient à lire ainsi : « Aššur-aha-iddin (Assarhaddon), roi de la haute et de la basse Mésopotamie ».
Pierre noire © The Trustees of the British Museum CC BY-NC-SA 4.0
Pierre noire d’Assarhaddon © The Trustees of the British Museum CC BY-NC-SA 4.0

Dans une inscription d’Assarhaddon, le roi fait allusion à des documents de fondation destinés à Babylone faits de pierre noire et d’argile cuite et portant des dessins. Il s’agit là d’une claire allusion aux objets décrits ci-dessus. Il explique également : « J’y ai reproduit des dessins représentant l’écriture de mon nom ». Le souverain assyrien aspirait à conquérir l’Égypte et ainsi à dominer le monde. La création des hiéroglyphes assyriens constituait une étape vers la réalisation de cette ambition.

[1] I. L. Finkel et J. E. Read, Assyrian Hieroglyphs, Zeitschrfit für Assyriologie 86, 1996, p. 244-268.
 

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